Le 8 avril 2014
Un "road movie" à la française, inspiré d’un fait divers : l’affaire Fortin. Onze ans de cavale d’un père qui a "kidnappé" avec leur consentement ses deux enfants. Mais les enfants ont grandi – et cette cavale sans fin les prive des rêves et des joies de leur âge...
- Réalisateur : Jean Denizot
- Acteurs : Maya Sansa, Jean-Philippe Écoffey, Nicolas Bouchaud, Jules Pelissier, Zacharie Chasseriaud, Solène Rigot
- Nationalité : Français
- Durée : 1h33min
- Date de sortie : 9 avril 2014
Un road movie à la française, inspiré d’un fait divers. La Belle Vie est un film plein de promesses et aborde des sujets graves tout en restant dans le divertissement.
L’argument : Onze années que Sylvain et Pierre se cachent avec leur père sur les routes de France, après le divorce parental et les décisions judiciaires qui ont poussé Yves à la clandestinité. Mais les enfants ont grandi – et la cavale, sans fin, les prive des rêves et des joies de leur âge. Quand le filet se resserre et qu’il faut fuir à nouveau, Pierre, l’aîné, disparaît. Seul avec son père sur une île de la Loire, Sylvain rencontre Gilda : première fille, premiers regards tendres et première étape sur le chemin de la belle vie – la sienne.
©Chrysalis Films
Notre avis : C’est l’aube dans une campagne baignée dans la brume. On distingue à peine, dans un plan d’ensemble fixe, une petite caravane blanche assoupie. Et puis la caméra nous fait pénétrer dans cette caravane. Un homme barbu d’une quarantaine d’années fume, puis frappe sur la vitre et crie : « Debout les gars ! » Un bel adolescent, à la chevelure blonde et bouclée, à la silhouette robuste, sort dehors tout habillé et crie à son tour : « Debout les poules ! » Vite rejoint par l’homme barbu et un jeune homme un peu plus âgé que lui. Le trio se retrouve rapidement dans une carriole d’un autre temps, tirée par un cheval qui emprunte une route de montagne au son d’une musique country. Non, nous ne sommes pas au début d’un western. C’est la première séquence de La Belle Vie – l’histoire d’un trio inspirée d’un fait divers qui a défrayé la chronique en 2009 : l’affaire Fortin.
Xavier Fortin et Catherine Martin avaient vécu dix ans ensemble en néo-ruraux dans une roulotte, jusqu’à une rupture douloureuse en 1996. Leurs deux fils, respectivement âgés de quatre et six ans à l’époque, furent d’abord confiés au père, puis à la mère. À Noël 1997, le père kidnappe les enfants. Une cavale qui dura onze ans pour se terminer par l’arrestation du trio en janvier 2009. Le procès du père déboucha sur un verdict clément : 24 mois de prison, dont 22 avec sursis. Et Jean Denizot de s’interroger : comment élever ses enfants en cavale, vivre dans la clandestinité, la précarité et, peut-être pire, le mensonge ?
Jean Denizot et ses coscénaristes sont donc partis de ce fait divers et l’ont librement adapté en imaginant une ultime cavale, au moment où les enfants devenus adolescents se posent une question cruciale : est-ce vraiment « la belle vie », celle que nous menons dans une prison à ciel ouvert ? Bien évidemment, le film pose plus largement la question de la paternité. Et comment un père peut devenir en quelque sorte le « geôlier » de ses enfants…
En fait, le film balance constamment entre réflexion sur des sujets d’une certaine gravité et situations plus légères. Au risque de nous dérouter parfois par le va-et-vient de ce road movie. De cavale en cavale, nous voyageons dans une nature tantôt tourbillonnante, tantôt apaisée, mais toujours sauvage. Jean Denizot sait remarquablement filmer ses personnages en interaction avec la nature. Que ce soit dans la vallée pyrénéenne d’Aspe, où commence le film, que dans une île sauvage de la Loire où il se termine. Cet amoureux de la nature n’a pas hésité à sublimer ces lieux tout en les laissant reconnaissables. Si bien que les Pyrénées prennent des allures de Grandes Rocheuses et que la Loire se retrouve en plein Mississipi !
©Chrysalis Films
D’emblée, La Belle Vie installe donc un trio constitué du père Yves (Nicolas Bouchaud) et de ses deux fils, Pierre (Jules Pélissier) et Sylvain le cadet (Zacharie Chasseriaud), dans le microcosme d’une caravane quelque peu déglinguée. Le père est toujours dans l’utopie d’une vie alternative, où l’on se suffit à soi-même en mangeant par exemple du ragoût de hérisson et en tirant des petits revenus de produits bio vendus au marché… Mais les deux garçons, atteignant un certain âge, ressentent confusément une contradiction entre la liberté qu’inspirent leur mode de vie et les espaces traversés et leur enfermement. Aussi, lors d’une nouvelle cavale, Pierre l’aîné quitte-t-il le navire en disant auparavant à son cadet qu’il en a « ras l’cul d’être encore puceau ». Et le trio de personnages de devenir un duo…
Le père clame à une complice, Éliane (Maya Sansa) : « C’est pour eux que j’ai fait tout ça. » Sylvain, lui, parle de sa mère : « Elle nous veut pour elle toute seule, c’est son bonheur égoïste. »
Au fur et à mesure que le récit avance, nous suivons surtout le parcours de Sylvain dans ses rapports nouveaux à son père. De protégé, il devient protecteur de ce père qu’il aime et qui l’étouffe. Mais tout commence vraiment à basculer pour Sylvain lorsque, dans cette île de la Loire, il rencontre Gilda, une adolescente sensuelle et lumineuse – déjà une jeune femme à la gravité secrète qui, elle aussi, protège un père fragile, François (Jean-Philippe Écoffey) qui « picole ». Sa désaliénation, Sylvain la devra à Gilda, à ses échanges avec elle, à ses premiers émois amoureux. La scène de leur première étreinte sexuelle, de la découverte de leur corps, est d’une beauté éclatante, toute en pudeur.
©Chrysalis Films
De guerre lasse, le père est sur le point de jeter l’éponge. Sylvain part, décidé à ne plus être l’otage de son père. Émouvante scène du départ, où Sylvain assure son père qu’il le défendra lors du procès. Et Yves de lui dire : « Tu es un mec bien. » Ce à quoi Sylvain répond : « Toi aussi. »
La fin de La Belle Vie est totalement ouverte. Que se passera-t-il pour le père ? Sylvain rejoint son frère qui a préféré la sédentarité et parle de l’avenir : c’est quoi, au fond, « la belle vie » ? Il rencontre, non par hasard, sa mère sur un banc, à Orléans… Nous n’en saurons pas davantage.
Jean Denizot nous propose un film sincère, toutefois un peu inégal et manquant parfois de rythme. Regrettons aussi une musique volontiers envahissante, voire intrusive. La Belle Vie doit en fait beaucoup à sa distribution excellente. Zacharie Chasseriaud, dans le rôle de Sylvain, a une capacité expressive remarquable. Naturel, instinctif, séducteur. Solène Rigot, très remarquée tout dernièrement dans Lulu, femme nue et dans Tonnerre, confirme qu’elle est vraiment une comédienne sensible, pertinente, capable de jouer dans des rôles très différents. Il était difficile d’incarner ce père ambivalent, complexe, dur et aimant, piégé par ses convictions : Nicolas Bouchaud, homme de théâtre, y parvient avec brio.
Une « belle vie » pleine de promesses ! Nous attendons avec intérêt le prochain film de Jean Denizot.
©Chrysalis Films
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bruno 6 avril 2014
La Belle Vie - la critique du film
Super film, tout simplement.