99F, Bourgoin en pourboire
Le 11 février 2021
Pour sa première réalisation, Frédéric Beigbeder signe une comédie assez fidèle à l’esprit de son livre, non dénuée d’humour, d’inventivité et de fantaisie, mais qui s’empêtre parfois dans le mauvais goût racoleur
- Réalisateur : Frédéric Beigbeder
- Acteurs : Valérie Lemercier, Frédérique Bel, Anny Duperey, JoeyStarr, Louise Bourgoin, Gaspard Proust
- Genre : Comédie, Comédie romantique
- Distributeur : EuropaCorp Distribution
- Durée : 1h38mn
- Date télé : 25 juin 2022 20:50
- Chaîne : Ciné+ Emotion
- Titre original : L'amour ne dure que trois ans
- Date de sortie : 18 janvier 2012
- Plus d'informations : Page Facebook du film
Résumé : Marc Marronnier, critique littéraire le jour et chroniqueur mondain la nuit, vient de divorcer d’Anne. Il est sûr à présent que l’amour ne dure que trois ans. Il a même écrit un pamphlet pour le démontrer ; mais sa rencontre avec Alice va ébranler toutes ses certitudes.
Critique : Ceux qui connaissent et qui, dans une certaine mesure, apprécient le goût de Beigbeder pour les invectives aguicheuses et les formules provocatrices, savent ce qu’ils ont à redouter d’une adaptation filmique de L’amour dure trois ans, anti-roman en forme de réflexions désabusées et qui se propose surtout, avec un bonheur inégal mais une énergie incontestable, de radiographier l’état sentimental trop jouissif mais hélas trop peu réjouissant de notre monde. Difficile, en effet, de restituer à l’écran ce sens du rythme sans tomber dans une surenchère de dialogues verbeux au détriment de la dramaturgie la plus élémentaire, travers dont on sait qu’il est fréquent chez les écrivains se lançant dans la réalisation. Or, à cet égard, L’amour dure trois ans constitue plutôt une bonne surprise. Même si Beigbeder recourt à des procédés attendus tels que la voix off, l’adresse directe au spectateur ou encore, une certaine théâtralité dans les échanges dialogués, sa mise en scène n’est pas pour autant dépourvue d’inventivité et a du moins le mérite - non négligeable - de ne pas se limiter à un plan par plan purement explicatif et dont on sait qu’il est le pire ennemi de l’adaptation littéraire.
Le choix des acteurs, fidèle à cet esprit déluré, est pour beaucoup dans la force comique du film. Gaspard Proust, arrogant à souhait et Louise Bourgoin, pétillante et charismatique, forment un couple efficace, à l’image d’un casting qui fait la part belle aux seconds rôles grinçants et ne manque pas de contribuer au rire inlassable du spectateur. Car il est indéniable, que l’on aime ou non la modernité clinquante affichée par le métrage et ses effets de narration parfois racoleurs (voir la scène d’écriture du roman où les signes typographiques défilent sur l’écran), que L’amour dure trois ans est un film drôle se hissant très nettement au-dessus de la grande majorité des comédies françaises.
Le mérite en revient aux acteurs, aux dialogues, aux nombreux gags rythmant l’intrigue, bref à ce qui faisait déjà le charme du livre, à savoir cette capacité de l’auteur à détourner des lieux communs pour mieux les parodier et livrer une peinture férocement désabusée d’un monde sans repères. Mais cette force comique a aussi son revers et l’entreprise menace parfois de se laisser déborder par le cynisme complaisant. Difficile, dans cette comédie où l’on rit beaucoup, de ne pas rire avant tout de soi-même et de notre attachement dérisoire aux personnages : le rire menace de tout engloutir, de rendre uniforme le monde qu’il représente en en faisant une pâle imitation du nôtre, dissimulé sous un second degré étouffant tant il surplombe la moindre scène. Ainsi lorsque Marc explique qu’il est souvent d’accord avec ceux qui désapprouvent ses critiques : moment révélateur qui prouve combien la moindre remarque susceptible d’être porteuse de sens, d’intensité, se trouve balayée d’un revers de manche pour laisser place à une ironie dont on doute parfois de la sincérité et qui fait surtout la part belle au roman lui-même, prenant le risque de tomber dans le piège du trip narcissique tendu par le remaniement de l’intrigue (la mise en abyme était quasiment absente dans le livre). Ajoutons à cela quelques fautes de goût, comme le personnage de Jean-Georges s’entichant d’un surfeur et clamant vulgairement qu’il n’est pas une "tarlouze", et l’on obtient une comédie qui, grosso modo, commence en éclats de rire pour s’achever en une caricature un peu terne d’elle-même.
Tout cela n’empêchera pas les amateurs de Beigbeder de retrouver la veine énergique de cet auteur et à ceux qui ne la connaissent pas encore, de la découvrir. Si l’on compare ce que Despentes a fait de son Bye Bye Blondie, devenu pur produit d’un militantisme de surface, et ce que l’auteur d’Un roman français propose dans ce premier film inventif et somme toute assez rythmé, il est clair qu’au petit jeu de l’adaptation de soi-même, c’est le second qui l’emporte. Mais si l’on examine de plus près le potentiel dramaturgique de L’amour dure trois ans, alors il devient impossible de fermer les yeux sur tout ce qui vient le saboter en cours de route. Reste alors une comédie romantique à la française bien jouée, pas gnangnan, divertissement efficace en ce début d’année.
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Frédéric Mignard 26 mai 2012
L’amour dure trois ans - la critique
Une comédie sympathique, mais sans âme, marquée par le jeu un peu faiblard de Gaspard Proust, dont on se serait bien passé des apartés monotones. N’est pas Jean-Pierre Léaud qui veut !