La liste de Smolensk
Le 29 juillet 2020
Retour sur l’un des épisodes sombres de la Seconde Guerre mondiale, le massacre en 1940 de milliers d’officiers polonais par les Soviétiques. Wajda dresse un film traditionnel et sobre, en guise d’hommage solennel à leur mémoire et à celle de leurs familles.
- Réalisateur : Andrzej Wajda
- Acteurs : Maja Ostaszewska, Artur Zmijewski, Jan Englert
- Genre : Drame, Historique, Noir et blanc
- Nationalité : Polonais
- Distributeur : Kinovista
- Durée : 2h00mn
- Date télé : 29 juillet 2020 20:40
- Chaîne : OCS Choc
- Date de sortie : 1er avril 2009
Résumé : Un film sur la lutte incessante pour la mémoire et la vérité. C’est aussi un règlement de compte sans compromis avec le mensonge qui a forcé la Pologne populaire à oublier ses héros. Anna, la femme d’un capitaine d’un régiment des Uhlans, attend le retour de son mari. Elle ne peut se résoudre à l’idée qu’il ait été assassiné par les Russes. En avril 1943, l’épouse d’un général apprend la mort de son mari quand les Allemands découvrent l’existence de charniers dans la forêt de Katyn contenant des milliers d’officiers polonais. Silence et mensonges brisent le cœur d’Agnieszka, la soeur d’un pilote qui a connu le même sort. Quel sens les mots Patrie et Liberté ont-ils dans un Etat polonais d’après-guerre tombé sous la dépendance de l’URSS ?
Critique : Une foule de gens, hommes, femmes et enfants, se presse sur un pont. Soudain, un tumulte : l’avant-garde a fait demi-tour, c’est l’incompréhension derrière. Tandis que les derniers poussent à accélérer la marche, car les Allemands sont entrés en Pologne, les premiers reculent en sens inverse, sous l’effet de l’invasion soviétique... La séquence d’ouverture de Katyn est ainsi un condensé symbolique et éminemment tragique du choc - entre l’Histoire avec “sa grande hache” et les histoires individuelles - qui a bousculé des milliers de familles au début de la guerre. La question n’est plus celle d’un hypothétique héroïsme ou d’une audace révélée dans la lutte : le mouvement qui se dessine ici est celui d’une fatalité, plaçant ses victimes devant une absence totale de choix. La peur de ceux qui fuient l’envahisseur occidental est exactement symétrique des réactions devant l’ennemi oriental, et ce pôle double reste important tout le long du film. Avec finesse, Wajda rappelle les grandes lignes d’évolution des alliances au cours de la guerre, du pacte germano-soviétique jusqu’à l’affrontement idéologique final. Souvenir douloureux d’une Pologne qui, en perdant son indépendance, s’engage pour une période de tutelle de près d’un demi-siècle, devenant tour à tour “Gouvernement général” à l’entière disposition du Reich et “démocratie populaire” sous la gestion plus ou moins directe de Moscou. Ce que résume la sentence un peu lapidaire prononcée par un des personnages, mais que Wajda a la finesse de placer dans la bouche d’une civile, au terme d’une séquence, en guise de point d’orgue au dialogue : “La Pologne ne sera jamais libre. Jamais.”
Car Katyn est autant le récit d’un événement trop méconnu de la Seconde Guerre mondiale - l’exécution systématique par les Soviétiques dans une forêt de quelque vingt-deux mille officiers polonais - que la juste restitution de sa mémoire occultée. Après une introduction classique, le film devient volontairement elliptique, éludant en quelques épisodes la période de la guerre elle-même pour se concentrer sur la manière dont les victimes “indirectes” du drame - sous la triple figure d’une épouse, d’une mère et d’une sœur - ont vécu l’attente, l’espoir puis la souffrance d’un deuil interdit. Wajda montre que le caractère odieux du crime ne s’arrête pas au moment du massacre : la violence continue, psychologique - et parfois physique -, lorsque les autorités soviétique et nazie, devenues ennemies, se renvoient dans des films de propagande rigoureusement symétriques la responsabilité de l’exécution. De ces actualités aux commentaires soigneusement manipulés, seules restent bien palpables les images des corps découverts dans les fosses communes. Le cinéaste signe ici un film dans l’ensemble traditionnel sur le plan de la forme, visant à centrer l’attention sur son propos et une page partielle - mais tragique - de l’histoire polonaise de la Seconde Guerre mondiale. Katyn reste néanmoins parcouru de choix intelligents de composition - ce n’est qu’à la fin, et comme une messe finale, que nous voyons se dérouler le récit proprement dit du massacre - que sert beaucoup la partition de Krzysztof Penderecki, l’un des grands noms de la musique contemporaine. Devoir de mémoire.
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Norman06 29 avril 2009
Katyn - La critique
Poignante chronique historique qui marque le grand retour de Wajda à l’écran. On appréciera la construction filmique, remarquable de subtilité tout en gardant de l’épaisseur romanesque. Du grand art !