Simulation et simulacres
Le 4 décembre 2013
Cette œuvre profondément théorique utilise le genre fantastique pour livrer une réflexion magistrale sur l’avenir de la jeunesse japonaise. Le meilleur film de Kiyoshi Kurosawa.
- Réalisateur : Kiyoshi Kurosawa
- Acteurs : Kōji Yakusho, Kumiko Asô, Haruhiko Kato, Koyuki
- Genre : Fantastique, Épouvante-horreur
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h57mn
- Date de sortie : 23 mai 2001
- Festival : Festival de Cannes 2001
Cette œuvre profondément théorique utilise le genre fantastique pour livrer une réflexion magistrale sur l’avenir de la jeunesse japonaise. Le meilleur film de Kiyoshi Kurosawa.
L’argument : Taguchi, un jeune informaticien, est retrouvé pendu dans son appartement. Sous le choc, ses collègues cherchent à en savoir plus sur ce suicide inexplicable. La victime a laissé un mystérieux message contenu dans une simple disquette. De toute évidence, celle-ci recèle un virus qui contamine ses utilisateurs et a de graves répercussions sur leur comportement. A Tokyo, l’inquiétude grandit au fur et à mesure que le virus se propage à travers les réseaux informatiques. Des petits groupes de jeunes gens tentent de résister, tandis que les disparitions se multiplient.
Notre avis : Ce film de commande est sorti au début des années 2000 en pleine vague du cinéma horrifique japonais (Ring notamment.) A la vision de Kaïro, on comprend très vite que Kiyoshi Kurosawa souhaitait se démarquer de ses confrères, son projet étant surtout d’analyser la jeunesse de son pays.
Le réalisateur nippon réalise ainsi une véritable oeuvre métaphorique comprenant de nombreuses références artistiques et philosophiques. Il établit une analogie entre les vivants et les fantômes, ces derniers symbolisant les jeunes Japonais qui vivent dans l’errance et dans l’incommunicabilité. Pour signifier cet état spectral, l’auteur filme ses personnages dans des espaces vides rappelant l’œuvre d’Antonioni. Le cinéaste italien a montré l’absence de rapports humains liée à la société de consommation en faisant de ses personnages des figures fantomatiques se mouvant dans de lieux déserts (L’éclipse ou le Désert rouge.) Cette déshumanisation est le sujet de Kaïro.
Kurosawa baigne alors son métrage dans un ensemble de couleurs ternes : de la disparition de la teinte découle la disparition de l’humain. Cette atmosphère "délavée", renforcée par le clair-obscur de la photographie, crée un aspect virtuel qui est en corrélation avec la thématique du scénario : Tokyo et le Japon sont irréels et artificiels, alors que les irruptions fantomatiques projettent une réalité douloureuse qui frappe tout l’archipel. La déshumanisation est également signifiée par les références explicites à Francis Bacon pour l’esthétique des fantômes. Ces derniers ont le visage flou et une démarche saccadée, ce qui fait écho aux peintures torturées de l’artiste irlandais. Il peignait des métamorphoses qui préludaient à l’apparition du monstrueux, tels les protagonistes du récit qui se transforment en quelque chose d’inhumain.
Enfin, le réalisateur japonais semble faire appel à la théorie de la simulation et des simulacres de Baudrillard, les personnages de Kaïro vivant dans un univers dénué de contenu ; les vivants se transforment en taches qui se désintègrent par la force d’un vent de réalité. On est en présence d’une jeunesse sans passé et sans référence, le Japon décrit n’étant qu’un système informatique entièrement composé de simulacres. Très pessimiste sur l’avenir du pays, Kairo est certainement le plus beau film de son auteur grâce à la puissance de ses images métaphoriques.
En 2003, Kurosawa réalisa (Jellyfish), un second opus beaucoup moins réussi sur la jeunesse nippone et en 2006, Kaïro donna lieu à un remake américain sans génie (Pulse).
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moimeme 11 avril 2019
Kaïro - la critique
Critique intéressante, cependant je n’ai pas l’impression que seule la jeunesse soit visée par le cinéaste. D’ailleurs le personnage qui dit qu’il ne faut pas aider les autres parce qu’on est toujours mal compris est le patron (de la boutique de plantes) qui n’est pas un jeune.
En plus, tout le Japon semble avoir disparu, donc pas seulement les jeunes. Et dans les fantômes il y a clairement des personnes plutôt âgées.