Triste monde tragique
Le 8 juin 2011
Le nouveau Ken Loach est digne des précédentes réussites du cinéaste. D’une noirceur à toute épreuve et sans la moindre concession. On aime.

- Réalisateur : Ken Loach
- Acteurs : Kierston Wareing, Juliet Ellis, Leslaw Zurek
- Genre : Drame
- Nationalité : Britannique, Espagnol, Allemand, Italien
- Date de sortie : 2 janvier 2008

L'a vu
Veut le voir
– Durée : 1h33mn
Le nouveau Ken Loach est digne des précédentes réussites du cinéaste. D’une noirceur à toute épreuve et sans la moindre concession. On aime.
L’argument : Angie se fait virer d’une agence de recrutement pour mauvaise conduite en public. Elle fait alors équipe avec sa colocataire, Rose, pour ouvrir une agence dans leur cuisine. Avec tous ces immigrants en quête de travail, les opportunités sont considérables, particulièrement pour deux jeunes femmes en phase avec leur temps.
Notre avis : Free world, mad world, sad world. Avouons-le : le réalisme loachien ridiculise depuis de nombreuses années la concurrence en autopsiant les turbulences de la société britannique et ses conséquences douloureuses sur les hommes et les femmes d’une working class déchiquetée. A l’inverse de son précédent long métrage Le jour se lève, certes émouvant mais plombé par la démonstration martelée, It’s a free world, pamphlet contre une mondialisation qui touche tout le monde sans exception, échappe aux raisonnements théoriques et au didactisme lourdaud en détaillant minutieusement les dérives du capitalisme à travers l’itinéraire de deux femmes d’aujourd’hui. Après avoir écumé les jobs minables, elles montent une boîte d’intérim et exploitent des immigrés pour se protéger elles-mêmes.
Dans cette affaire âpre de revanche sociale, les anciens dominés deviennent les nouveaux dominants et subissent bon gré mal gré les conséquences morales de leurs actes. A son meilleur, avec un classicisme formel idoine, le cinéaste démontre s’il en était besoin qu’il n’a rien perdu de sa fougue dans la peinture vériste d’une société à la dérive et toujours conservé son envie de pourfendre les horreurs de ce bas monde en réveillant les consciences endormies. Que de louables intentions au service d’un script qui évite au passage toute dérive mélodramatique ou consensuelle. Même ceux qui d’ordinaire ne partagent pas la vision du monde de Ken Loach peuvent se risquer à fréquenter ce nouveau cru qui a tout d’un grand. Avec, à la clé, une fracassante révélation : Kierston Wareing, rayon de lumière d’un monde de désespoir.