Irréversible

"Noé comme la nausée", "un précis de torture...", "un des plus sombres poèmes cinématographiques", "un scandale préfabriqué", "Il ne reste que la crasse...", "film d’exorcisme, viscéral et organique", etc. Tels sont les commentaires qui, à l’époque, ont accompagné la présentation d’Irréversible de Gaspar Noé au Festival de Cannes 2002. Huit mois après cette levée de bouclier, mâtinée toutefois de louanges, que reste-t-il de l’événement Irréversible ?

Indiscutablement, la sortie de cette édition DVD permet d’appréhender le "phénomène" avec le recul nécessaire, et de ne retenir que les qualités et les défauts intrinsèques au film de Noé. En dépit de son transfert sur ce support, Irréversible reste toujours une incroyable expérience sensorielle. Il fait partie intégrante de ce cinéma qui, grâce à une osmose entre la teneur du propos, la mise en scène des images et les effets sonores, transporte littéralement le spectateur au coeur du sujet. D’où ce sentiment nauséeux qui s’est emparé de nombreuses personnes.

C’est toujours cette histoire brutale de vengeance aveugle et de viol abject, une mise en exergue de nos pulsions les plus abominables parmi lesquelles la raison n’a plus lieu d’exister. Outrancier, Gaspard Noé utilise sa caméra comme une loupe avec laquelle il grossirait nos distorsions morales. Il s’agit certes d’un film au radicalisme éprouvant, contestable même ; il n’en demeure pas moins une petite révolution dans l’art de filmer l’impalpable, particulièrement en France.

Pour cette sortie DVD, l’éditeur Studio Canal s’est fendu d’un splendide boîtier qui renferme le film, la bande originale composée par Thomas Bangalter (la moitié de Daft Punk) et un petit livret de seize pages comprenant le scénario original. Côté bonus, l’intérêt se porte principalement sur les commentaires audio de Gaspard Noé. Il revient au travail collectif qui a permis au film de connaître cet aboutissement. Noé joue même la carte de la démythification en dévoilant absolument tous ses secrets de fabrication. On apprend par exemple que le son a été enregistré en 27 Hertz, fréquence la plus basse qui amplifie l’état nauséeux du spectateur ("c’est la fréquence utilisée par les forces de l’ordre pour disperser des manifestations", explique-t-il).

Autre bonus captivant, un reportage sur les effets spéciaux qui révèle les trucages pratiqués sur les deux scènes-clés d’Irréversible. Rodolphe Chabrier, le responsable en chef, décortique avec simplicité l’évolution du travail pour arriver à un tel degré de réalisme. Le film en revanche perd un peu de puissance visuelle suite à ces explications. Enfin, comme suppléments parfaitement inutiles, cette édition contient deux clips musicaux, un court métrage de Noé et une scène coupée (Alex sur son lit d’hôpital pendant deux minutes).

Il est inutile de vouloir conseiller l’achat de ce DVD, chacun s’étant déjà fait sa propre opinion sur le film. Toutefois, il est bon de souligner que Studio Canal édite un objet de belle facture qui ravira les dvdphiles. Enfin pour les convertis, respectez scrupuleusement les conseils de projection prodigués par Gaspard Noé : pas de lumière dans la pièce, volume à fond et un écran plutôt sombre... Bon film !

Le DVD

– Edition collector 1 DVD
– Format cinémascope 2.35
– Chapitré
– Couleur
– Audio français, Dolby Digital 5.1
– Interdit aux moins de 16 ans