Lost in la Manche
Le 27 novembre 2012
Dur, froid et rugueux comme toujours, le nouveau film de Bruno Dumont s’inscrit dans la maîtrise de son art, pour un résultat pourtant mitigé, entre redite et grâce pure. Une oeuvre très intrigante, à découvrir absolument à la rentrée.
- Réalisateur : Bruno Dumont
- Acteurs : David Dewaele, Alexandra Lematre, Aurore Broutin
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Durée : 1h50mn
- Date de sortie : 19 octobre 2011
- Plus d'informations : Le site du distributeur
- Festival : Festival de Cannes 2011
Dur, froid et rugueux comme toujours, le nouveau film de Bruno Dumont s’inscrit dans la maîtrise de son art, pour un résultat pourtant mitigé, entre redite et grâce pure. Une oeuvre très intrigante, à découvrir absolument à la rentrée.
L’argument : En bord de Manche, sur la Côte d’Opale, près d’un hameau, de sa rivière et ses marais, demeure un gars étrange qui vivote, braconne, prie et fait des feux.
La fille d’une ferme prend soin de lui et le nourrit. Ils passent du temps ensemble dans le grand domaine de dunes et de bois à se recueillir mystérieusement au bord des étangs, là où rode le démon...
Notre avis : Le titre choisi par Bruno Dumont pour son nouveau film, à peu près intraduisible à l’international, sonne comme du métal précieux : « hors Satan », à l’oreille, c’est tout aussi bien « or Satan », lequel peut lui-même se comprendre de plusieurs façons... A certains égards, ces deux mots lapidaires pourraient être à l’image du cinéma de Dumont : l’art du ciselé au sein d’une réalité apparemment brute et monolithique, qui ne révèle que progressivement ses couches et sa profondeur. Les éléments qui composent le paysage thématique et formel sont « sales » (le sexe, le ciel, la fange des plaines du Nord...), mais la grâce survient lorsque ces éléments se sont suffisamment transformés, et que de la boue nous parvenons à obtenir de l’or... Ainsi, le cinéaste fait par exemple un usage très impressionnant du son, notamment grâce à un mixage audacieux en mono : nous traversons les premières séquences pleinement conscients - et presque gênés - de son caractère agressif, jusqu’à en intégrer finalement la sensation. A plusieurs niveaux, et c’est à double tranchant, la première heure de Hors Satan pourrait être rebaptisée Manifeste esthétique de Bruno Dumont ; le réalisateur éprouve les différents pans de sa méthode, aux confluents lointains de Bresson et Dreyer : le travail avec des comédiens non-professionnels, le défi de filmer des personnages solitaires, le refus de tout psychologisme... Mais avec toute la maîtrise qu’il faut lui reconnaître, la mise en scène, peut-être trop sûre d’elle-même, peine à produire une impression durable, et la lenteur du film s’enfonce peu à peu vers la léthargie.
La deuxième partie du film n’en apparaît donc que relevée ; c’est par de petits détails et un effort vers la narration - même si c’est dans un sens non-traditionnel - que Hors Satan devient subitement troublant et émouvant. On retiendra moins les curieuses (et très « premier degré ») scènes d’exorcisme dans les petits villages de la Manche que la profondeur dégagée par les deux personnages principaux, dont Dumont parvient à capter des émotions d’une apparence très vierge et pure. Le cinéaste prouve une fois encore son don pour repérer les « gueules » (et ce qu’elles expriment), et sa capacité de diriger des apprentis comédiens pour en faire non des acteurs, mais des figures cinématographiques - ce qui effrayait apparemment David Dewaele et Alexandra Lematre, timides à Cannes devant le parterre de journalistes venus à « Un certain regard » pour la projection... Hors Satan illumine et déçoit à la fois ; l’alchimie que le film propose, composant avec des éléments parfaitement virtuoses (photographie, bande-son, cadre...), offre le caractère aléatoire de ces solutions de laboratoire dont on ne sait si elles vont produire ou non une réaction adéquate. Un travail exigeant et de longue haleine, dont nous avons toute confiance qu’il sera encore remis sur le métier par Bruno Dumont.
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Frédéric Mignard 2 mars 2012
Hors Satan - La critique
L’une des oeuvres les plus déroutantes de Bruno Dumont, un road movie où l’on fait du sur place, entre ésotérisme lumineux, métaphysique embuée par un fort recours au symbolisme. On ne comprend pas tout, mais dans les silences forcés on vient tout de même à s’y nicher in extremis. Superbe photographie et interprétation à point. Cadrage au couteau. A découvrir.