Mélodrame pour un meurtre
Le 22 juillet 2012
Violent, fluo et troublant : trois adjectifs pour qualifier le dernier film de Sono Sion, à mi-chemin entre les mélodrames de Douglas Sirk et les romans de Murakami Ryû. Un polar désespéré et destructeur.
- Réalisateur : Sono Sion
- Acteurs : Miki Mizuno, Makoto Togashi
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h52mn
- Date de sortie : 25 juillet 2012
- Plus d'informations : Le site du distributeur
– Interdit aux moins de 16 ans
Violent, fluo et troublant : trois adjectifs pour qualifier le dernier film de Sono Sion, à mi-chemin entre les mélodrames de Douglas Sirk et les romans de Murakami Ryû. Un polar désespéré et destructeur.
L’argument : Izumi est mariée à un célèbre romancier romantique mais leur vie semble n’être qu’une simple répétition sans romance. Un jour, elle décide de suivre ses désirs et accepte de poser nue et de mimer une relation sexuelle devant la caméra. Bientôt, elle rencontre un mentor et commence à vendre son corps à des étrangers, mais chez elle, elle reste la femme qu’elle est censée être. Un jour, le corps d’une personne assassinée est retrouvé dans le quartier des "love hôtels". La police essaie de comprendre ce qui s’est passé.
Notre avis : Guilty of romance s’ouvre comme tant d’autres polars japonais : une scène de crime monstrueuse, aux frontières de l’ésotérique, prise en charge par un inspecteur – ici une inspectrice – perspicace. Ce cadavre de femme découvert au fond d’un taudis barbouillé de peinture rose, et dont la tête a été remplacée par celle d’une poupée, ne pourrait bien être que le prétexte à une vulgaire histoire de psychopathe, occupé à déchaîner ses passions fétichistes sur d’innocentes victimes. Le long-métrage s’annoncerait donc comme un film de traque, reposant sur l’éternel couple chasseur-chassé. Oui, mais voilà ; Sono Sion passe toute la première partie de son film à contredire – et c’est tant mieux – cette première scène. De l’univers glauque du crime nocturne, nous passons à un intérieur glaçant de femme au foyer, centré autour de répétitions (« Bonne journée, chéri ») et de leitmotiv (la paire de chaussons replacée chaque matin dans sa position la plus impeccable) dont le cinéaste sait filtrer le caractère angoissant. La scène où Izumi réussit enfin à sortir du foyer étouffant pour trouver un travail dans un supermarché où elle tente de « faire goûter ses délicieuses saucisses » est un délice d’ironie et d’amertume sur la libération illusoire d’une vie enfermée dans un carcan mental.
L’écriture cinématographique de Sono Sion a ceci d’original, qu’elle ne prend quasiment jamais la direction à laquelle le spectateur s’attend ; non pas tant à cause d’une culture de la surprise et d’une volonté de donner au scénario un côté « m’as-tu-vu », qu’en raison de la progression baroque du style filmique, au fur et à mesure que le récit avance. A certains égards, Sono Sion se rapproche d’un écrivain comme Murakami Ryû, qui avec Miso soup ou Parasites, recyclait les angoisses solitaires du Japon post-moderne dans un grand bain punk de sang et de sexe. Il y a de cette rage destructrice dans Guilty of romance, qui ne se refuse aucune dérive hystérique, ni dans la direction d’acteurs, ni dans la mise en scène : à la peinture des sentiments, le cinéaste fait répondre une peinture littérale, en couleurs vert et rose fluo, par touches de lumière pop qui font exploser les visages et les décors, délivrant une sorte de pinkû sous acide. Hasard ou hommage discret, l’un des personnages porte une tenue qui rappelle celle des droogs d’Orange mécanique de Kubrick ; rappel à un âge où la libération par la violence du corps semblait possible, et de surcroît conciliable avec l’extase des sens. Et pourtant, nul nihilisme, nul déni des valeurs ; Guilty of romance touche également, sans honte aucune, à l’univers du mélodrame. La perte du paradis des sentiments, la trahison, la culpabilité, sont autant de thèmes qui parcourent le tissu moral du film, conférant à cette farandole du kitsch une orientation bien plus grave et violente que celle annoncée initialement. Comme nombre de cinéastes japonais contemporains (génération Miike), Sono Sion use du sadisme comme ressort dramatique et psychologique, à ceci près que la grande force de cet emploi réside dans la conversion de ce sadisme, vers quelque chose que les personnages et les spectateurs ne peuvent que pressentir, sous la surface du récit. Une forme de romance, peut-être.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
birulune 4 décembre 2016
Guilty of romance - la critique
Critique chelou, bonne mais chelou.
Il filme la frustration surtout je crois ( " tu veux toucher mon pénis ?" pff.. On dirait qu’ils ne se sont jamais touché bord— !) et la honte de cette sexualité débridée dont les prédatrices sexuelles usent sans vergogne. Son mentor féminin sortie de sa classe use d’ailleurs d’un de ses étudiants dans les toilettes, et elle lui tient la main pendant cette scène abracadabrantesque. Et le château c’est quoi ? Kakanie du Japon, il y a des mots qui usent le Coeur
birulune 14 juin 2017
Guilty of romance - la critique
" vers qqch que les personnages et les spectateurs ne peuvent que pressentir"...
J’en ai parlé à une amie et concernant la scène de passage à tabac elle m’a apporté la réponse à la question que je me posais:elle cherche à se faire du mal. Tout simplement.
birulune 24 octobre 2017
Guilty of romance - la critique
Sion, c’est un pseudo ou la transcription phonétique de son nom en japonais ? Bibliquement c’est la terre où échoue l’arche de Noé. Là où tout renait. En tout cas ce film est une vraie apocalypse. C’est certain