La fièvre dans le danse
Le 10 décembre 2011
Le nouvel hymne de Carlos Saura au flamenco... une réussite qui nous transporte dans les moiteurs d’une danse fébrile.
- Réalisateur : Carlos Saura
- Genre : Comédie musicale, Musical
- Nationalité : Espagnol
- Durée : 1h40mn
- Titre original : Flamenco flamenco
- Date de sortie : 14 décembre 2011
Le nouvel hymne de Carlos Saura au flamenco... une réussite qui nous transporte dans les moiteurs d’une danse fébrile.
L’argument : Flamenco Flamenco, nouveau chef-d’œuvre musical de Carlos Saura, fait un portrait plein de grâce des musiques, chants et danses du flamenco actuel. En réunissant aussi bien les plus grands maîtres (Paco de Lucía, Manolo Sanlúcar, José Mercé…) que les nouveaux talents de cet art envoûtant (Sara Baras, Miguel Poveda…), le réalisateur nous propose un véritable voyage au cœur du flamenco, de sa lumière, de ses couleurs.
Notre avis : Flamenco, Flamenco se présente comme son premier opus. Un long travelling avant nous fait traverser le hangar, entre deux rangées de peintures espagnoles représentants des scènes de vie aussi bien que du flamenco moderne et classique. Puis la caméra s’arrête sur l’unique scène où se succèderont les artistes. Cette fois, le décor est beaucoup plus travaillé que dans Flamenco. Il est en harmonie totale avec les tableaux de chants et de danses qui vont se succéder. Une toile peinte tient lieu de fond évoquant des paysages tantôt rougeoyants (pour les Martinetes) ou de clair de lune (Silencio...).
Une fois le décor planté, c’est du montage de Saura que l’âme flamenca sera révélée ou pas...
Le film ouvre sur Te quiero verde. Rumba sympathique, gentiment interprétée. Juste de quoi mettre en condition.
Puis, Sara Baras fait son apparition. Ouf ! Déjà un bon point. La jeune femme à la robe verte de Flamenco est passée aux oubliettes mais elle annonçait déjà une Sara Baras.
Danseuse populaire aussi bien en Espagne qu’en France, découverte par Antonio Canales (qui dit de ses danseurs : " Ce sont des athlètes de haut niveau qui se couchent tôt, se lèvent tôt, ne prennent pas de drogues et font 8 heures de studio par jour. ") Sara Baras est le produit réussi du flamenco moderne.
Saura met en valeur la silhouette athlétique de la danseuse grâce à une lumière subtile jouant sur l’ombre et la lumière. La jupe rouge tournoie dans une Alegria jubilatoire. Quelle belle entrée en matière ! Olé !
La suite du film s’articule en deux parties.
La première, repose sur la succession de tableaux de chants et de danses aussi bien traditionnels que modernes. Le chant évoque, par exemple, les grandes figures du passé comme Lola Flores ou la Paquera de Jerez. On découvre, pelle mêle,une Eva Yerbabuena ( grande figure du flamenco moderne des années 2 000 ) interpréter de façon magistrale une solea classique avec une robe à traîne. Et que penser de cette jeune Rocio Molina ? En tenue à la fois masculine et sensuelle, la cigarette au bec, elle danse une Garotin moderne. Compas parfaitement maîtrisé, elle livre sa danse avec un naturel déconcertant.
Oui, Saura sait encore dénicher des talents.
Puis arrive le point culminant. Celui qui va marquer une rupture dans le film.
L’arrivée d’Israël Galvan.
Compas maîtrisé, grâce incontestable dans les mouvements de corps et de bras, le danseur crée des chorégraphies sur des bases flamencas. Mais la modernité des attitudes ( beaucoup de pauses en équilibre ), des sons ( les dents et les semelles de chaussures deviennent des percussions ) et des mouvements ( souvent asymétriques ) transcendent totalement le flamenco. Comme en leur temps, Merce Gunningam, Martha Graham et Pina Bauch, le danseur révolutionne le regard sur la danse. Après les ballets néo-classiques de Maurice Béjart, l’ère du néo-flamenco nait avec Israël Galvan.
Et Carlos Saura lui fait la part belle.
Il interprète son Silencio : buleria de La Edad de oro qui a fait sa renommée. C’est le seul tableau où Saura réintroduit les jeux d’ombres chinoises, ne laissant que la silhouette du danseur investir l’espace. Mais, ici, pas de forfanteries ni de show biz, la danse est mise en valeur avec amour, respect et admiration.
L’arrivée de Galvan, point culminant du film, est elle-même mise en scène par les deux tableaux qui l’encadrent.
Celui qui le précède : une buleria interprétée par un jeune garçon ( El Capetillo ) n’est pas sans rappeler la performance de Farruquito dans l’opus précédent.
Celui qui lui succède : une alegria très classique dansé par une jeune femme dans une robe à traine emplumée de blanc.
Ainsi Galvan est entouré de tradition.
La deuxième partie du film va monter petit à petit vers le final. Montage qui ressemble à ceux des ballets flamencos. On y retrouve Eva Yerbabuena dans une chorégraphie plus moderne interprétée sous une pluie battante. Peut-être une allusion à son spectacle La lluvia. Puis, arrive Farruquito, trentenaire, qui danse comme il respire. La présence de l’ami de toujours : Paco de Lucia. Le compagnon fidèle qu’on retrouve dès les premiers films sur la danse de Saura. Et de finir, comme il se doit, sur una pena dans la plus pure tradition des familles gitanes. Les parents, les oncles, les tantes, les grands-parents et les enfants, tous réunis aux palmas et à chacun de se lever, de danser et d’être encouragé !
Enfin, la caméra fait le chemin inverse. Un travelling arrière nous invite à quitter sur la pointe des pieds cette famille absorbée par ses chants et par ses danses. Nous reculons entre les toiles et retraversons le hangar vers la sortie, sans perdre une miette des chants joyeux qui continuent. Alors nous nous retrouvons à l’extérieur, dans les bruits quotidiens de la rue.
Le flamenco est un art vivant ; il n’est pas coupé des réalités.
Décidément Carlos Saura a tenu son pari. Ce film donne la pêche en ces temps plutôt moroses. De quoi se ruer vers le premier théâtre qui passe un spectacle de flamenco. N’oublions pas que Christina Hoyos fera ses adieux sur scène à Paris à la fin du mois de janvier 2012....
Lire aussi : Carlos Saura et le flamenco
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Frédéric Mignard 15 décembre 2011
Flamenco Flamenco - la critique
Tout l’art du flamenco filmé avec grâce par un Carlos Saura esthète ; le cinéaste anime des toiles de maître avec des rythmes et toute la passion incarnée d’un peuple pour une danse toujours en pleine évolution.