Le 22 mai 2016
- Festival : Festival de Cannes 2016
Le 69e Festival de Cannes, présidé par George Miller, a annoncé dimanche 22 mai son palmarès. La Palme d’or a été décernée à Ken Loach pour son film Moi, Daniel Blake.
Le 69e Festival de Cannes, présidé par George Miller, a annoncé dimanche 22 mai son palmarès. La Palme d’or a été décernée à Ken Loach pour son film Moi, Daniel Blake.
Après une vidéo tape-à-l’œil mettant en scène le maître de cérémonie du 69e dans Le Mépris, Titanic, Shining, West Side Story, Gremlins, ou encore Vertigo, Laurent Lafitte évoquait pompeusement "la dernière marche" du festival, le palmarès. Puis vinrent Marina Foïs et Naomi Kawase pour annoncer la Palme du court métrage. "T’as du clito", dira plus tard Houda Benyamina, dit "le dragon", exaltée par sa caméra d’or remise par Catherine Corsini, mais aussi enflammée par la place grandissante des femmes aujourd’hui dans le cinéma.
Firent ensuite leur entrée sur la scène du Grand Théâtre Lumière George Miller et toute sa clique - Arnaud Desplechin, Kirsten Dunst, Valeria Golino, Mads Mikkelsen, Lazlo Nemes, Vanessa Paradis, Katayoon Shahabi et Donald Sutherland. "Merci", indiquait-il sobrement, "je ne peux que féliciter le festival d’avoir sélectionné une telle qualité de films et d’avoir pu constituer un tel jury. Cette véritable constellations de décisions que nous avons dû prendre, il s’agissait d’une des plus belles expériences de ma vie". Triste existence que celle du papa de Mad Max, au regard du verdict final.
La Palme d’or d’honneur du Festival de Cannes 2016, promise à l’éléphant Jean-Pierre Léaud, qui mourait cette année en Louis XIV chez Albert Serra en Séance Spéciale - what else ? - fut ensuite remise par Arnaud Desplechin. Quelques mots touchants de l’intéressé, vestige hors norme de la Nouvelle Vague : "À Cannes, en 1959, François Truffaut le plus redoutable critique de son époque présentait son film Les 400 Coups. À la fin de la projection, j’étais porté aux nus en fin de projection. Je n’ai jamais voulu construire une carrière, mais j’ai choisi de construire une carrière avec des réalisateurs que j’aime : Rivette, Eustache, (...) Garrel, Varda, Assayas, Bonnello, Tsai Ming-liang, Kaurismaki et tous ceux pour qui la Nouvelle Vague compte et qui reproduise le mouvement inlassablement. (...) Je me pose toujours la question de Bazin : qu’est-ce que c’est que le cinéma ? Je n’ai toujours pas résolu l’énigme, mais une phrase de Cocteau me revient : "regardez-vous toute votre vie dans un miroir et vous verrez la mort travailler comme les abeilles dans une ruche en verre." (...) "Je ressens aujourd’hui la même joie profonde qu’il y a 58 ans quand François me remettait le scénario des 400 Coups (...).
Les mélopées jazz-fusion d’Ibrahim Maalouf et L.E.J., entre autres, venaient par la suite faire vibrer d’impatience l’assistance. Performance insuffisante toutefois pour éclipser la pauvreté du palmarès à venir...
LE PALMARÈS
Palme d’or
MOI, DANIEL BLAKE, de Ken Loach
notre critique de Moi, Daniel Blake est à lire ici.
Grand Prix
JUSTE LA FIN DU MONDE, de Xavier Dolan
notre critique de Juste la Fin du Monde est à lire ici.
Prix de la mise en scène, ex-aequo
BACCALAURÉAT, de Cristian Mungiu
PERSONAL SHOPPER, d’Olivier Assayas
notre critique de Baccalauréat.
notre critique de Personal Shopper.
Prix du scénario
LE CLIENT, d’Asghar Farhadi
notre critique de Le Client est à lire ici.
Prix d’interprétation féminine
JACLYN JOSE, pour son rôle dans Ma’ Rosa de Brillante Mendoza
notre critique de Ma’ Rosa est à lire ici.
Prix d’interprétation masculine
SHAHAB HOSSEINI, pour son rôle dans Le Client de Asghar Farhadi
Prix du Jury
AMERICAN HONEY, d’Andrea Arnold
notre critique de American Honey est à lire ici.
Caméra d’or
DIVINES, de Houda Benyamina
COURTS MÉTRAGES
Palme d’or du court métrage
TIMECODE, de Juango Gimenez
Mention spéciale du court métrage
LA JEUNE FILLE QUI DANSAIT AVEC LE DIABLE, de João Paulo Miranda Maria
Un palmarès très politique
Outre un troisième Prix du Jury mérité pour Andrea Arnold, le palmarès reste assez inconsistant dans son ensemble. Deux prix pour Asghar Farhadi et son film Le Client, l’un via le Prix d’interprétation masculine de Shahab Hosseini, l’autre récompensant le scénario. Le cinéaste iranien avait déjà été récompensé indirectement de la sorte grâce au prix d’interprétation féminine pour Bérénice Bejo en 2013. Certes, la plupart des films couronnés ne déméritent pas, hormis Personal Shopper et dans une moindre mesure Ma’ Rosa, un Brillante Mendoza mineur, mais le manque de prise de risque du Jury est indéniable. Faut-il y voir un choix politique ? Évidemment, tant la Palme d’or décernée à Ken Loach (huitième cinéaste à remporter une deuxième Palme, après Sjöberg, Coppola, August, Kusturica, Imamura, Dardenne bros et Haneke) se veut le porte-voix d’une Europe meurtrie par des choix politiques pernicieux. Mais aussi charitable soit la décision de George Miller et de son jury, les véritables poids lourds de ce festival restent dans l’ombre.
Sacrifiés sur l’autel du conformisme
Quid des Paul Verhoeven (Elle), Maren Ade (Toni Erdmann), Pedro Almodovar (Julieta), Kleber Mendonça Filho (Aquarius), Alain Guiraudie (Rester Vertical) et autre Bruno Dumont (Ma Loute) ? Le Festival de Cannes avait cette année l’occasion de récompenser des cinéastes peu avares en idées de mise en scène, mais il opte comme souvent pour le conformisme sinon le conservatisme, une vision sage et quelque peu compassée du septième art. Vouloir concilier politique et mise en scène n’était pourtant pas chose si épineuse cette année : Aquarius, du brésilien Mendonça Filho, était par exemple le candidat idéal, lui qui mêlait structure malade à la Cronenberg et satire sociale. Que dire du Prix de la mise en scène à Baccalauréat de Cristian Mungiu ? Pas grand chose sinon que le roumain avait plus sa place pour un Prix du Scénario, au regard de sa mise en scène assez plate. Quant à Personal Shopper, seul vrai engagement de la part du Jury, son prix semble surévalué mais sans doute moins incohérent : Olivier Assayas y fait montre, que l’on aime ou déteste, d’une certaine invention et d’une évidente témérité.
Au fond, le choix le plus audacieux du jury pourrait être le Grand Prix octroyé à Xavier Dolan et son film Juste la Fin du Monde. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce film plutôt mal accueilli par la presse comporte l’une des propositions de cinéma les plus vivifiantes du canadien, mais aussi sous des apparences faussement glamours et consensuelles, l’une des plus radicales. Fâcheux que le reste du palmarès n’ait pas connu le même sort.
À noter que la rédaction a elle aussi décerné son palmarès du Festival de Cannes 2016, à découvrir ici.
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