Mort à l’arrivée
Le 2 juin 2009
Departures relève le défi d’aborder avec succès le thème délicat du deuil à travers une mise en scène des pompes funèbres pleine d’humanité et d’humour, avant de s’embourber aux deux tiers dans un pathos qu’il avait savamment évité jusque-là.
- Réalisateur : Yojiro Takita
- Acteurs : Masahiro Motoki, Tsutomu Yamazaki, Ryoko Hirosue , Kimiko Yo
- Genre : Drame, Musical
- Nationalité : Japonais
- Date de sortie : 3 juin 2009
– Durée : 2h11mn
– Titre original : Okuribito
Departures relève le défi d’aborder avec succès le thème délicat du deuil à travers une mise en scène des pompes funèbres pleine d’humanité et d’humour, avant de s’embourber aux deux tiers dans un pathos qu’il avait savamment évité jusque-là.
L’argument : Dans une province rurale du nord du Japon, à Yamagata, où Daigo Kobayashi retourne avec son épouse, après l’éclatement de l’orchestre dans lequel il jouait depuis des années à Tokyo. Daigo répond à une annonce pour un emploi "d’aide aux départs", imaginant avoir affaire à une agence de voyages. L’ancien violoncelliste s’aperçoit qu’il s’agit en réalité d’une entreprise de pompes funèbres, mais accepte l’emploi par nécessité financière. Plongé dans ce monde peu connu, il va découvrir les rites funéraires, tout en cachant à sa femme sa nouvelle activité, en grande partie taboue au Japon.
- © Metropolitan FilmExport
Notre avis : A mille lieues de la représentation froide et impersonnelle qui est l’apanage de la morgue, Departures construit un univers chaleureux (voir les scènes d’intérieur éclairées d’un chaud halo) habité par un Pierrot triste au moteur essentiellement comique. Daigo, un violoncelliste rongé par la frustration et l’abandon du père, compense la difficulté à se livrer aux autres par une très grande expressivité et une démarche gauche et sautillante. Masahiro Motoki, l’interprète principal, est à l’origine du film. C’est lui qui a soumis au réalisateur le thème des pompes funèbres pour lequel il nourrissait une profonde curiosité. Il n’est pas étonnant dans ce cas que le film donne beaucoup d’humanité au croque-mort, allant jusqu’à élever la profession à un art, semblable à la cérémonie du thé. La première mise en bière à l’écran est ainsi un véritable spectacle visuel et musical (on note la gestuelle des mains digne d’un spectacle de Bollywood). Au fur et à mesure que Daigo apprivoise la mort, les craintes et le dégout dont il fait preuve au début et dans lesquels tout spectateur peut se reconnaître, se transforment en parcours d’initiation doublé paradoxalement d’une leçon de vie. A défaut d’une vocation, croque-mort apparaît ici comme un sacerdoce qui ne doit rien au hasard, bien qu’il fasse de son occupant un paria aux yeux de la société. Pour le patron de l’entreprise mortuaire, c’est une façon d’accompagner encore et toujours sa femme morte 9 ans auparavant. Dans le cas de Daigo, le film développe un rapport subtil entre la mort et la musique alors qu’il retrouve une inspiration qu’il avait crue perdue. Mais il n’est pas question non plus de sublimer la mort, le film n’édulcorant ni les situations les plus morbides (la découverte d’un corps en état de décomposition avancé) ni les drames humains qui se jouent à chaque instant. Pas plus que le fait que, comme dans toutes les professions, on trouve à la fois des orfèvres et des bouchers. Le ton de la comédie n’en est pas pour autant abandonné, les situations les plus scabreuses (un clip publicitaire pour l’entreprise de pompes funèbres) se prêtant à autant de gags pour échapper au mélodrame.
Malheureusement, si le départ n’est que subtilité, l’arrivée se fait en fanfare. A mi-parcours, le sujet semble être soudainement devenu trop lourd pour le réalisateur et le scénariste qui n’évitent plus certains écueils. Un lyrisme excessif et un ton lacrymo-mélodramatique prennent le dessus tandis que la tentative d’élever le débat théorique autour de la vie et de la mort frôle la platitude. Pour couronner le tout, alors que la fantaisie faisait tout son charme, le film devient hautement prédictible (les « retrouvailles » avec le père).
Si le Meilleur Oscar 2009 du film étranger décerné à Departures (en compétition avec Entre les murs, Valse avec Bachir, La bande à Baader, et Revanche) a le mérite d’avoir mis un coup de projecteur sur une petite œuvre au sujet délicat qui serait autrement injustement passée inaperçue (et encore, elle n’est projetée que dans 44 salles en France), il peut sembler exagéré au vu de ses seules qualités, car malgré un départ brillant, Departures s’essouffle avant l’arrivée. Tout était donc dans le titre et c’est bien dommage.
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
Norman06 28 juillet 2009
Departures - la critique
En dépit d’un ton un peu sentencieux, ce joli film émeut par sa description d’un rituel assez peu abordé à l’écran et s’ancre dans la thématique de la famille, chère au cinéma japonais. Attachant.