Coffret Douglas Sirk : Le secret magnifique, Tout ce que le ciel permet, Le temps d’aimer et le temps de mourir, Mirage de la vie

Édition de quatre chef-d’œuvres du maître incontesté du mélo. Où éclatent style et sentiments, au service d’une subtile critique de la société.

LES FILMS [1]

Le secret magnifique, Magnificent obsession, 1954, 1h43mn
Tout ce que le ciel permet, All that Heaven allows, 1955, 1h25mn
Le temps d’aimer et le temps de mourir, A time to love and a time to die, 1958, 2h06mn
Mirage de la vie, Imitation of life, 1959, 1h59mn

L’argument : Le secret magnifique : Le jour où Bob Merrick a un accident de hors-bord, le chirurgien Dwayne Philips est victime d’une crise cardiaque. Et l’appareil de réanimation qui aurait pu le sauver est occupé pour Merrick. Soigné, ce dernier se sauve de sa chambre d’hôpital et est pris en stop par Helen Philips, femme du défunt chirurgien...
Tout ce que le ciel permet : Cary Scott, une jeune et jolie veuve, habite seule dans une petite ville de Nouvelle-Angleterre. Sa solitude n’est adoucie que par les visites occasionnelles de ses grands enfants qui fréquentent des écoles lointaines, de quelques amis et d’un admirateur, Harvey. Cary se lie d’amitié avec Ron Kirby, le jardinier...
Le temps de vivre et le temps de mourir : 1944. De retour du front russe pour une permission de trois semaines à Berlin, le soldat Ernst Graeber trouve sa ville en ruine et sa maison détruite. A la recherche de ses parents disparus, il rencontre Elizabeth, son amie d’enfance et fille du médecin de famille. Ils tombent amoureux et se marient...
Mirage de la vie : Lora Meredith, jeune veuve désireuse de devenir comédienne, fait la connaissance d’Annie Johnson, une femme noire dont la fillette, Sarah Jane, a la peau blanche. Sarah Jane et Susie, la fille de Lora, se lient d’amitié et posent sur la plage de Coney Island pour le photographe amateur Steve Archer...

Notre avis : Allergiques au Technicolor et aux grands sentiments, passez votre chemin ! Le cinéma de Douglas Sirk n’est pas pour vous. Mais amateurs de mélos, jetez-vous sur ce coffret, il contient quatre des plus pures pépites du genre. Jusque-là introuvables en DVD, ils bénéficient aujourd’hui d’une splendide édition.
Longtemps méprisé par la critique, c’est la Nouvelle Vague (et l’article enflammé de Godard [2] qui amorcera le début de la reconnaissance du talent de Douglas Sirk. Inspirateur de nombre d’auteurs, de Fassbinder à Ozon en passant par Demy, Almodovar, Todd Haynes [3] et de nombreux autres, il a aujourd’hui atteint une entière reconnaissance. Amplement méritée, tant l’originalité de son style et la force de son cinéma, déchiré de drames poignants, procurent d’émotions.
C’est que, comme dans tout bon mélo, le but premier est de nous faire pleurer. Et il faudrait vraiment être doté d’un cœur de pierre pour rester de marbre devant les évènements qui nous sont contés [4]. Mais Sirk, fin lettré, est beaucoup plus subtil que cela et s’il recourt aux artifices du style et aux romans de gare pour bâtir ses intrigues, c’est pour mieux dépeindre la réalité des vies menacées, hantées par la solitude, l’exclusion, la mort. Allemand ayant fuit le nazisme, Sirk s’est complètement coulé dans les canons du cinéma américain. Mais ce faisant, il les a dynamités de l’intérieur, pratiquant une critique aussi fine que systématique de l’ « American dream », voire du modèle de vie américain. Derrière la réussite matérielle se cachent l’individualisme forcené, la solitude, le racisme, le rejet, l’incompréhension (que l’on retrouve également dans Le temps de vivre et le temps de mourir , sans doute la plus personnelle des quatre oeuvres présentées ici. Dans une société excessivement normée, gare à ceux qui dévient, même à peine. Et même ses happy-ends en sont-ils vraiment ? Alors oui, il y a bien des raisons de pleurer...

LES DVD

Carlotta fait à nouveau très fort : abondance de bonus et splendeur des copies pour une superbe édition.

Les suppléments

Qualité et quantité sont ici associées. Qu’on en juge : les premières versions du Secret magnifique (1935) et de Mirage de la vie, (Images de la vie, 1935), toutes deux réalisées par John Stahl ; des entretiens avec Jean-Loup Bourget, Todd Haynes, Philippe Le Guay, Christophe Honoré et d’autres encore ; un troublant exercice de ciné-mix réalisé par François Ozon, qui s’amuse des dissonances/correspondances entre Tout ce que le ciel permet et le remake épuré et radical qu’en fit Fassbinder, Tous les autres s’appellent Ali (l’un de ses meilleurs films). Cerise sur le gâteau, un entretien avec Sirk lui-même, réalisé en 1984, trois ans avant sa mort. Passionnant.

Image et son

Les copies sont splendides, tant au niveau du rendu des couleurs que de la définition de l’image (particulièrement appréciable étant donné l’importance donnée à l’arrière-plan). La bande-son originale est parfaite, beaucoup moins riche et précise en version française (que nous ne conseillons vraiment pas, et pas seulement pour cette raison !).