Rose what ?
Le 25 juin 2022
Orson Welles, garnement surdoué, investit l’usine à rêves de Hollywood et y provoque un tremblement de terre.
- Réalisateur : Orson Welles
- Acteurs : Joseph Cotten, Orson Welles, Everett Sloane, Agnes Moorehead, Fortunio Bonanova, Dorothy Comingore, Paul Stewart, George Coulouris
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Théâtre du Temple, Action Cinémas
- Editeur vidéo : Éditions Montparnasse
- Durée : 1h59mn
- Date télé : 10 août 2023 00:50
- Chaîne : TCM Cinéma
- Date de sortie : 3 janvier 1946
– Année de production : 1941
Résumé : À la mort du milliardaire Charles Foster Kane, un grand magnat de la presse, Thompson, un reporter, enquête sur sa vie. Les contacts qu’il prend avec ses proches lui font découvrir un personnage gigantesque, mégalomane, égoïste et solitaire.
Critique : En 1941, le génie joufflu se remet à peine de ses péripéties radiophoniques new-yorkaises. Le phénomène vient tout de même de provoquer un joli mouvement de panique générale à coups de canulars extraterrestres. Il décide alors de s’en prendre au celluloïd et de faire tourner la tête, cette fois, au cinéma.
Voici donc Citizen Kane, grandeurs et décadences du citoyen Charles Foster Kane. Une biographie officieuse à peine romancée de William Randolph Hearst, le célèbre et rocambolesque magnat de la presse américaine du début du vingtième siècle. Dans sa somptueuse demeure de Xanadu, la construction individuelle la plus coûteuse depuis les pyramides selon les journaux, Charles F. Kane vient de décéder. "Rosebud" est le mystérieux dernier mot qu’il prononce sur son lit de mort. Pour trouver un angle original à son article nécrologique, un journaliste décide de comprendre le sens de ce mot. Il enquête pour cela auprès des gens qui ont connu le personnage. L’occasion de parcourir l’incroyable destinée du Citizen Kane.
Orson Welles est un garnement surdoué. Non seulement il investit l’usine à rêves de Hollywood, mais il y provoque en plus un tremblement de terre. Il fait table rase de toutes les règles, de tous les codes, de tous les principes narratifs et autres dogmes qu’ont déjà établis deux générations de cinéastes. Il profite à merveille des récentes innovations techniques et optiques des caméras pour bouleverser les perspectives de ses images, et créer de nouveaux espaces cinématographiques. A l’écran, l’effet est saisissant. Ses plans s’appuient sur des lignes de force vertigineuses, idéales pour retranscrire la démesure de l’empire médiatique de Kane. Ses cadres exploitent les nouvelles opportunités de composition avec un talent que n’aurait pas désavoué Eisenstein. Cette maestria est stupéfiante pour un premier film. Le cinéaste joue avec culot de la profondeur de champ, du contraste ou des contre-jours inquiétants. Il use du hors-champ ou de la tension visuelle avec une audace inégalée. Chez Welles, chaque image est une saga en soi.
- Copyright RKO Radio Pictures Inc.
Le montage offre au récit un rythme frénétique, aussi trépidant que furent les frasques de ce Murdoch d’antan. Citizen Kane est une symphonie endiablée de flash-back et d’ellipses redoutables qui s’entremêlent sans anicroches, ponctuée par des plages plus calmes laissant place à la mélancolie, à l’amertume, à l’amour déçu. Cette structure en puzzle innovante est maîtrisée de bout en bout. Malgré sa modernité, le spectateur ne s’y perd jamais. Alors le chef-d’œuvre devient référence, puis modèle, maintes fois copié, décliné, cité, jusqu’à aujourd’hui. Après Citizen Kane, rien n’est plus vraiment pareil dans le cinéma.<
Soixante ans plus tard, on ne peut oublier l’épopée de l’Inquirer, le journal de Kane, ni la fascination exercée par Xanadu, le seul "personnage" comparable à Kane : tellement grand, et tellement seul. Et ce fameux "Rosebud", ce bouton de rose qui intrigue tant. La clé, le noyau, le talon d’Achille du géant ? Pourquoi ? Qui est-ce ? Et la solution, en forme de magnifique conclusion fataliste qui montre que Rosebud est... Mais arrêtons-nous là, il reste quelques personnes qui, paraît-il, n’ont pas encore visité ce monument. Les veinards.
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
minime 25 janvier 2006
Citizen Kane - Orson Welles - critique
Un monument du cinéma mondial, un chef d’œuvre absolu, un film qui mériterait que l’on invente la classification « 5 yeux », bref, n’en jetez plus, il faut voir Citizen Kane.
Construit comme une pique contre le magnat de la presse William Randolph Hearst (qui a tenté de le censurer)), Citizen Kane a traversé les âges pour symboliser le rêve perdu du puissant, une fable lucide sur notre monde qui grandit en oubliant son âme.
Que dire de plus sur le film que n’a pas dit Romain Rogier. Révéler ce qu’est « Rosebud » peut-être ? Non, ce serait vraiment trop bête.
Alors, je me contente de plagier notre illustre critique : que les veinards qui n’ont pas encore vu le film s’y précipitent !
JIPI 18 avril 2012
Citizen Kane - Orson Welles - critique
Charles Foster Kane s’éteint en solitaire dans un Xanadu Gothique surdimensionné bâti à l’image d’un Kublaï Khan décentralisé dans le nouveau monde.
L’énigme Rosebud est en marche accompagnée d’une nécrologie faisant de ce magnat de la presse un détenteur de la totalité des combinaisons universelles de son temps. Fasciste, Démocrate, Communiste, Belliciste, Sympathisant nazi, volage, Philanthrope. Quantités d’opinions n’ayant qu’une seule image Charles Foster Kane clone de William Randoph Hearst le célèbre industriel multimillionnaire.
Différents flashbacks nous montrent que l’homme à aussi de l’esprit. « Je ne vous fait pas de promesses, car je n’ai pas le temps de les tenir » ou bien encore « A quoi aimeriez vous ressembler ? A tout ce que vous détestez ».
Le retrait brutal d’un cocon familial opère un branchement conditionnant une entame de vie nostalgique vengeresse d’ébats stoppés soudainement. La maison sous la neige ainsi que la luge d’un adolescent sont cruellement abandonnées en cours d’usages. Ce traumatisme d’adolescent élabore la construction d’un personnage déterminé, complexe rupté trop tôt d’un parcours séquentiel menant tranquillement par des jeux d’enfant de l’adolescence vers le monde des adultes.
La démesure effrite peu à peu un homme ambitieux écrasé par son propre gigantisme, la voix ne porte plus, il faut presque hurler dans des pièces gigantesques pour se faire entendre, Kane ne maîtrise plus son espace.
Tout est haut de plafond, infini en profondeur. Pris de folie il saccage soudainement en fin de vie le contenu d’une pièce représentant symboliquement tout ce qui a été matériellement conçus depuis son déracinement d’enfance pour ne sauvegarder que ce dôme sous la neige porteur de son dernier mot.
Charles Foster Kane bâtit son empire sur un éclectisme psychologique faisant de lui un caméléon articulé par toutes les procédures politiques en vigueur. Récupérable au moins par un des composants de ses multiples facettes son parcours de départ élaboré de force fait de ce déraciné un goûteur universel anéanti par ses propres concepts.
« Citizen Kane » considéré comme le meilleur film de tous les temps est une rivière de diamants innovatrices pour son époque. L’œuvre croule sous la charge. L’aspect terrifiant de Xanadu, les hauteurs alpestres des pièces, les profondeurs de champs, les miroirs, les raies de lumières dans la pénombre, etc... tout est neuf ce qui fait de Citizen Kane une œuvre plus référencée sur ses conceptions nouvelles que sur son traitement nécessitant une attention particulière. L’oeuvre est plus téchnique qu’émotionnelle.