Le vieil homme indigne
Le 25 novembre 2008
Documentaire hagiographique sur une personnalité controversée de l’intelligentsia mondiale. Des zones d’ombre persistent dans ce reportage stylistiquement télévisuel.
- Réalisateurs : Olivier Azam - Daniel Mermet
- Acteurs : Noam Chomsky, Normand Baillargeon
- Genre : Documentaire, Politique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Mutins de Pangée
- Durée : 1h52mn
- Date de sortie : 26 novembre 2008
L’argument : Noam Chomsky, théoricien du langage et analyste politique, évoque son parcours d’enfant terrible de la pensée critique, de sa dénonciation de la propagande médiatique dans les démocraties occidentales à sa défense des négationnistes au nom de la liberté d’expression.
Notre avis : Journaliste et écrivain, Daniel Mermet s’est associé au reporter Olivier Azam pour réaliser ce portrait de « l’intellectuel planétaire le plus populaire », selon Alain Finkielkraut. Le ton humoristique de l’interview et des documents montrés lorgne sur la méthode de Michael Moore, et le philosophe médiatique (certes moins connu en France) est filmé avec la même complaisance qu’Al Gore dans le brulôt de Davis Guggenheim.
Vieillard sympathique et politiquement peu correct, Chomsky relate son passé et ses idées, sans jamais avoir un interlocuteur critique pour susciter le débat. La partie la plus intéressante du film est celle qui montre le processus de muselage de l’information et de manipulation de l’opinion dans nos démocraties : de la reconquête de l’opinion pour justifier l’intervention américaine dans le premier conflit mondial au bourrage de crâne des partisans du « oui » lors du dernier référendum européen, Chomsky est habile dans l’explication d’un processus d’infantilisation des masses. Et l’on appréciera son analyse de l’influence des grandes firmes mondiales, des compagnies de tabac dans les années 20 aux lobbies du pétrole de l’ère Bush.
Les passages du film vilipendant George W. enfoncent justement des portes ouvertes : après Moore mais aussi William Karel, Karl Zéro et Oliver Stone, que nous apprennent de plus ces révélations sur les mensonges d’Etat ? Mais c’est surtout dans les affaires « Pol Pot » et « Faurisson » que Chomsky, jouant les Maître Vergès de seconde catégorie, n’est pas clair. Dénoncer les massacres commis par les Indonésiens dans les années 70 est nécessaire et juste, mais cela suffit-il à relativiser les atrocités commises par le tyran cambodgien ? Si l’idée de lois condamnant les propos révisionnistes se discute, Chomsky ne pourrait-il pas clamer ouvertement la bêtise du professeur Faurisson ? C’est cette ambiguïté dans le personnage qui dérange, Chomsky et ses filmeurs entrant le même processus de manipulation qu’ils entendent dénoncer et alimentant la suspicion de mauvaise foi, à l’instar d’une Leni Riefenstahl.
Et c’est enfin la facture télévisuelle terriblement académique qui dérange, le documentaire s’apparentant ici à un banal reportage d’Arte. Que visent à montrer ces plans de traversée en voiture des Etats-Unis et du Canada, si ce n’est que les réalisateurs ont su habilement transformer les fonds de leurs « souscripteurs modestes et géniaux », en confortables frais de déplacement ?
Tel quel, ce document peut toutefois se voir ne serait-ce que pour la richesse des problématiques économiques, sociales et politiques qu’il soulève.
- © Les Mutins de Pangée
– Extrait de Chomsky & Cie
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4s-de-p1que 15 juillet 2009
Chomsky & Cie - la critique
Pour ce qui est des zones d’ombre, votre critique n’est pas en reste ! C’est n’importe quoi du début à la fin, félicitations...
En passant sur Avoir-Alire, on peut apprendre que des films comme "Transformers 2" sont mieux notés qu’un documentaire essayant d’analyser et de faire bouger les choses... Ah, mais c’est vrai que son style est assez télévisuel.
Quand c’est le fond qui compte, il est tellement capital de juger la forme... Un problème de compréhension du fond, peut-être ?
Merci tout de même de rappeler que "ce document peut toutefois se voir ne serait-ce que pour la richesse des problématiques économiques, sociales et politiques qu’il soulève". Trop aimable.
Norman06 16 juillet 2009
Chomsky & Cie - la critique
Commençons par ce qui devrait suffire : rien de ce que montre ce film n’a de valeur cinématographique, ce qui est le minimum à signaler sur un site de 7e art. Sur le fond, les auteurs manient avec aisance la rhétorique et enfoncent des portes ouvertes sur les illusions et désillusions de la démocratie. Dans le même registre, La Bombe et Punishment Park de Peter Watkins étaient d’une autre subtilité et beaucoup plus incisifs. Ici, on se contente d’aligner des lieux communs sur les dysfonctionnements du système sans proposer de solutions alternatives. Tocqueville et Hannah Arendt peuvent dormir en paix : leur rigueur intellectuelle est loin d’être dépassée. Laissons aux universitaires le soin de débattre si Mr Chomsky est un penseur incompris ou un Trissotin des temps modernes et préférons un bon blockbuster à ce mauvais cours de première année de philo.