Roméo & Juliette
Le 9 juillet 2003
Abel Ferrara filme l’innocence et l’amour de deux adolescents confrontés à la violence du monde adulte.
- Réalisateur : Abel Ferrara
- Acteurs : James Russo, David Caruso
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Gaumont/Columbia/Tristar Home Video
– Durée : 1h27mn
Au milieu des années 80, Abel Ferrara était considéré comme l’un des cinéastes les plus intéressants de sa génération. Des films comme L’ange de la vengeance ou encore New York, deux heures du matin avaient rapidement contribué à le présenter comme un artiste dénué de compromis, rongé par une vision noire de la société américaine.
Avec China girl, Abel Ferrara enfonce encore un peu plus le clou, occultant tout espoir dans un New York gangrené par la violence. Deux adolescents, l’un d’origine italienne l’autre chinoise, tentent de vivre leur amour malgré le racisme réciproque des deux communautés. Une version moderne de Roméo et Juliette, nettement plus intéressante de celle de Baz Luhrman.
Car Abel Ferrara ne se contente pas de filmer les flirts de ces deux jeunes gens. Il les intègre dans un monde où la famille établit des règles qu’il est dangereux de transgresser. La famille, qu’il s’agisse des liens du sang ou de la mafia, se retrouve au cœur du cinéma d’Abel Ferrara. Il la décrit comme un carcan inamovible que seule la mort peut faire voler en éclat.
Autre point d’orgue de China girl, la ville de New York peinte ici comme une métropole au bord de l’implosion. New York et ses quartiers délimités en fonction des communautés, la violence des gangs dans les rues, la mainmise des organisations mafieuses ; autant d’éléments qui installent un décor funeste, idéal pour respecter la tragédie shakespearienne.
Abel Ferrara aborde sa réalisation dans le même état d’esprit. Féru de l’expressionnisme allemand, il joue ici beaucoup avec les ombres et les teintes bleutées (la marque de fabrique des années 80). New York en ressort d’autant plus inquiétant et les protagonistes y circulent tels des fantômes oubliés.
Dans son style formel, dans la description d’un univers sans espoir, China girl annonce la venue des deux chefs-d’œuvre d’Abel Ferrara : The king of New York et Bad lieutenant.
Le DVD
– Edition 1 DVD
– Bonus : Interview de Nicole Brenez
Maître de conférence en Etudes cinématographiques à Paris I
Interview très intéressant sur le cinéma d’Abel Ferrara.
– Format cinémascope 1.33 compatible 4/3
– Chapitré
– Couleur
– Audio français, Dolby Digital
– Tous publics
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Maverick 12 février 2005
China girl
China Girl ou l’affrontement communautaire tragique de deux clans au coeur d’un Little Italy colonisé par Chinatown.
De toute évidence, dans la lignée des grandes oeuvres subversives des années 1980 sur le modèle américain (on pense à Mean Streets de Martin Scorsese, à Scarface de Brian De Palma, et bien sur à l’Année du Dragon, de Michael Cimino), le film dépasse la vision clanique shakespearienne, dont West Side Story était devenue la séquelle la plus aboutie. En effet, comme De Palma, ou Cimino, Abel Ferrara esthétise la violence urbaine, mais surtout il arrive à tourner en dérision son propre clan, étant lui-même issu de Little Italy. Le film est kitsch, à l’image des standards américain des années 80 : preuve en est les coupes de cheveux des acteurs, ou l’ambiance des boîtes de nuits (new wave, Funk). Il ne ménage ni la communauté chinoise, ni la communauté italienne, pas plus que les pouvoirs publics américains, et notamment la police qui contribue à cantonner les deux communautés au sein de leurs propres ghettos ("Chinatown, c’est par là"). Ferrara réussit une oeuvre riche pour la réflexion sur la ville et la géographie urbaine : toute l’intrigue tourne autour de la transgression de la frontière de Canal Street, rue séparant Chinatown de Little Itlay. Finalement, l’auteur est loin de nous proposer une vision simpliste de cet affrontement communautariste, dans la mesure où la guerre clanique que se mènent les chinois et italiens est traitée de manière hyperbolique (procédé stylistique Depalmien), et donc à prendre au deuxième degré ! Car derrière ce simplisme apparent et derrière cette vision caricaturale des maffias, le cinéaste nous montre aussi l’envers du décor, les tractations entre chinois et italiens, qui ont bien compris que leur intérêt n’est pas le chaos mais l’entente (on perçoit la stratégie de la spéculation immobilière).
En définitive, ce film réussit à mêler plusieurs influences : tragique (la dispute lors de l’enterrement du grand frère, très scorsesienne, est sans doute l’apogée du film tandis que la fin, très prévisible, en est l’ultime image), grecque (la scène du meurtre à l’arme blanche du poseur de bombes est monumentale), depalmienne (l’enfermement, les boîtes de nuits, le choix des armes), et subversive (la chute de la statue de la vierge Marie en est le parfait symbole). Du grand art !