Le 26 février 2015
Sans misérabilisme ni naturalisme racoleur, Asak Korman ajoute une belle pierre l’édifice d’un cinéma israélien critique, et ne tombe pas dans le piège d’un certain cinéma didactique.
- Réalisateur : Asaf Korman
- Acteurs : Dana Ivgy, Liron Ben Shlush, Yaakov Daniel Zada
- Genre : Drame
- Nationalité : Israélien
- Distributeur : Potemkine Distribution
- Durée : 1h30mn
- Titre original : At Li Layla / Next to Her
- Date de sortie : 4 mars 2015
- Festival : Festival de Cannes 2014
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Résumé : Chelli vit recluse avec Gabby, sa jeune sœur handicapée mentale de vingt-quatre ans. Elle ne la quitte que pour se rendre dans un lycée, où elle exerce l’emploi de vigile et surveillante. Chelli a une relation fusionnelle avec Gabby, qu’elle dorlote, câline, lave, nourrit, soigne, réprimande, poursuivant avec elle l’intimité physique qu’une jeune mère aurait avec son nourrisson.
Notre avis : Réalisateur de courts métrages et monteur de plusieurs films importants dont Jaffa, Asak Korman signe ici son premier long, épaulé par un beau scénario autobiographique de l’actrice Biron Ben-Slush, qui interprète le rôle principal. On songe parfois aux échanges entre Liv Ullmann et Bibi Andersson dans Persona ou, dans un registre plus dérangeant, au lien qui unissait Isabelle Huppert et sa mère Annie Girardot dans La Pianiste. Deux événements vont amplifier mais en même temps faire dérailler ce rapport. D’une part, les services sociaux découvrent que Gabby reste seule dans la journée, et obligent Chelli à la placer dans un institut de jour. D’autre part, Chelli entame une relation de couple avec Zohar, un prof de sport remplaçant, qui déménage pour vivre avec les deux sœurs. Dans son rapport avec Gaby, Zohar se veut une figure masculine bienveillante, jouant à la fois les rôles du père absent et du grand frère attendri, jusqu’à une révélation embarrassante pour tous... Le scénario, minimal, est une subtile radioscopie d’une dépendance : non pas tant celle de Gabby que celle de sa protectrice, qui tente toutefois un compromis courageux en immergeant son amant dans son univers familial spécifique. La tension du récit culmine dans la seconde partie, la présence d’un homme rassurant (peut-être trop) amplifiant chez les personnages (et le spectateur) une gêne qui était pourtant permanente dès le début de l’œuvre. Mais nuls excès mélodramatiques et violents ne viennent ternir ces scènes d’une vie familiale. On est loin de la pression glauque que l’on pouvait ressentir à la vision de Loin de mon père, le second des trois films israéliens présentés à la Quinzaine des Réalisateurs 2014. Pourtant, il faut reconnaître une constante dans la thématique du nouveau cinéma israélien : le traitement de l’aliénation de la femme dans une société qui semble faciliter les névroses. Le rapport au handicap fait ici écho aux ravages de l’inceste dans le film de Keren Yedaya, au refus du divorce dans Le Procès de Viviane Ansalem, ou au mépris de l’artiste dans L’Institutrice, révélation de la Semaine de la Critique 2014. Sans misérabilisme ni naturalisme racoleur, Asak Korman ajoute une belle pierre à cet édifice, et il ne tombe pas dans le piège d’un certain cinéma didactique qui surfe sur les débats sociétaux dans l’air du temps. Dans le rôle difficile de Gabby, Dana Ivgy, qui avait incarné l’adolescente de Or/Mon trésor, réalise une composition admirable, toute de retenue et de nuances.
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