Le miel de la guerre.
Le 18 février 2012
Racoleur et lourdement didactique malgré de bonnes intentions, le premier film d’Angelina Jolie est un pamphlet caricatural contre la guerre, doublé d’un éloge maladroit de l’interventionnisme made in USA
- Réalisateur : Angelina Jolie
- Acteurs : Zana Marjanovic, Vanessa Glodjo
- Genre : Drame, Historique
- Durée : 2h05mn
- Titre original : In the Land of Blood and Honey
- Date de sortie : 22 février 2012
Racoleur et lourdement didactique malgré de bonnes intentions, le premier film d’Angelina Jolie est un pamphlet caricatural contre la guerre, doublé d’un éloge maladroit de l’interventionnisme made in USA
L’argument : Alors que la guerre fait rage en Bosnie, Danijel et Ajla se retrouvent dans des camps opposés malgré ce qu’ils ont vécu. Danijel est un soldat serbe et Ajla une prisonnière bosniaque retenue dans le camp qu’il surveille. Pourtant, avant le conflit, l’un et l’autre partageaient d’autres sentiments. C’était une autre vie, avant la barbarie, avant que cet affrontement ethnique violent ne prenne leur futur en otage. A nouveau face à face dans cet épouvantable contexte, leur relation devient complexe, ambiguë, incertaine. La guerre a miné leur lien. Voici leur histoire, bouleversante, écrasée par l’effroyable poids qu’une guerre fait peser sur des gens simples qu’aucun pouvoir politique ne semble vouloir sauver.
Notre avis : Préparez vos mouchoirs ! Du sang, du miel, le premier film d’Angelina Jolie en déborde. Certes, la réalisatrice a le mérite de s’attaquer à un sujet "difficile" ; certes, elle prend le parti de délaisser son image pour s’effacer derrière une production plus "indépendante", réalisée en langue étrangère, qu’elle a rencontré des difficultés à financer et dans laquelle elle ne figure pas en tant qu’actrice, mais qu’on ne s’y trompe pas : Au pays du sang et du miel n’en délaisse pas pour autant l’attirail didactique et les moyens spectaculaires façon Hollywood. Après un début pourtant sobre, d’une facture classique et même joliment ténébreuse, le film explose littéralement et la réalisatrice s’empêtre dans le grand spectacle le plus affligeant. Rien ne nous est épargné : vision de cadavres hyper-réalistes, corps en décomposition (beaucoup de sang, donc), femmes violées publiquement aux yeux de tous, enfants jetés par-dessus les balcons, et bien sûr, lot de civils exécutés de la façon la plus sommaire qui soit ; bref du sang, beaucoup de sang et beaucoup de bruit aussi, puisque le montage sonore fait tout pour entretenir la peur du spectateur et lui faire partager celle des Musulmans persécutés d’un bout à l’autre.
Mais où est donc le miel dans cette surenchère de violence ? Le miel est bien là, c’est même là que le bât blesse : car le miel est partout, dans les effets spéciaux, l’hyper-réalisme des décors et du jeu des acteurs, dans cette manière de filmer des corps à corps plus vrais que nature, bref dans la convocation de tous les artifices permis par le septième art pour atteindre le plus grand degré de réalité possible et dénoncer, en la représentant fidèlement, toute la violence du conflit. Mais voilà : chacun sait, au moins depuis la polémique qu’avait suscitée la sortie de La Liste de Schindler - film dont le sujet est à bien des égards très différent de celui-ci, et qu’il serait dangereux de confondre : mais les enjeux polémiques soulevés à sa sortie n’ont pas perdu leur actualité - que s’emparer de l’illusion référentielle comme d’un argument d’autorité conduit souvent à une impasse dangereuse. Nier la part de mensonge inhérente à toute représentation, imposer par l’émotion une vision des choses en la faisant passer pour la plus authentique ou la plus réelle qui soit, aboutissent plus souvent à la mise en sourdine de l’esprit critique qu’à sa stimulation : on se demande comment Angelina Jolie a pu passer à côté de telles interrogations.
Non seulement son film déplaît par la culpabilité qu’il cherche à engendrer d’un bout à l’autre chez le spectateur, mais il se fait même le défenseur maladroit d’un interventionnisme à l’américaine dont on ne peut pas dire qu’il ait rencontré jusqu’à ce jour des succès probants. Dans Au pays du sang et du miel, les seuls regards critiques portés sur l’intervention de l’ONU sont ceux de vieux Serbes machistes, barbares, nationalistes et tout bonnement inhumains, alors que la passivité de l’Organisation nous est rappelée d’un bout à l’autre par les journaux TV. Résultat, le nationalisme apparaît comme le mal à abattre, au risque d’éluder bon nombre d’enjeux propres au conflit et de le réduire à une opposition binaire. Evidemment, en tant qu’ambassadrice de bonne volonté, Angelina Jolie a sans doute le "mérite" tout relatif de porter sur cette institution un regard critique : on ne lui tiendra pas rigueur de chanter les valeurs universelles de la paix. Mais ce faisant, elle confère à l’ONU une fonction de justicière plus que douteuse au regard de la situation géopolitique des Etats-Unis. Par ailleurs, en imposant par la force des images la violence du passé, elle prend le risque d’en simplifier la compréhension et de balayer la complexité du Mal qu’elle cherche à dénoncer. Finalement, même si ce premier long-métrage n’est pas dénué de qualités techniques (direction d’acteurs, sens de la mise en scène), il ne peut manquer d’apparaître comme une arme idéologique à la crédibilité douteuse.
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michelbardin2000@yahoo.fr 23 février 2012
Au pays du sang et du miel - la critique
Considérer le film d’Angelina Jolie de racoleur et de pamphlétaire est tout simplement ignoble et indécent. Ce film nous rappelle certes notre mauvaise conscience devant notre refus d’aider un peuple en danger d’extinction entre 1992-95. Et cela nous gêne alors que "nous envoyions des colis pendant trois ans et demi ainsi que nos casques bleus".
Chercher à partager les torts en Bosnie sous prétexte d’équité de traitement dans le film est tout simplement minable et indigne après autant de corps exhumés, des femmes violées, des personnes déplacées.
Ce film, pourtant, n’exige pas de nous de nous auto-flageller pour avoir accepté le siège interminable de Sarajevo, pour avoir regardé sans agir les images des corps émaciés derrière les barbelés des camps de concentration, puis d’avoir passé en silence les viols en masse et la purification ethnique. Ce film nous demande de nous réveiller et de ne pas accepter ni un nouveau génocide, ni la création en Bosnie d’un état basé sur le génocide. Faut-il toujours attendre cent ans et une nouvelle élection pour interdire le déni d’un génocide ou il faut être lucide et rappeler sans cesse celui qui s’est déroulé devant nos yeux.
Oui, hélas, l’opinion américaine nous a devancés sur ce coup-là. Désolé, mais le film est véridique à 100 % et le nier encore frôlerait la folie. Ce n’est pas en faisant l’autruche que nous bâtirons un monde meilleur.