L’école face à la critique
Le 2 août 2018
Les petits écoliers sont en danger dans ce documentaire qui dresse un portrait très noir du système scolaire.
- Réalisateur : Erwin Wagenhofer
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Allemand, Autrichien
- Distributeur : Zootrope Films
- Durée : 1h48mn
- Box-office : 8.073 entrées France / 2.126 entrées P.P.
- Date de sortie : 21 octobre 2015
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Le documentariste Erwin Wagenhofer s’attaque au système scolaire mondial en suivant différents intervenants qui en critiquent les méthodes, le fonctionnement et l’angoisse qu’elle fait naître chez des élèves impuissants.
L’argument : Les méthodes pédagogiques utilisées pour éduquer nos enfants ne sont-elles pas dépassées ? De la France à la Chine, de l’Allemagne aux États-Unis, Alphabet questionne un système éducatif qui privilégie la performance au détriment de la créativité et de l’imagination. En exposant au grand jour les limites d’un modèle hérité de la révolution industrielle, pédagogues, chercheurs, scientifiques, chefs d’entreprise et élèves abordent le rôle de l’enseignement et envisagent des voies alternatives à nos pratiques actuelles. Après We Feed The World (sur la crise alimentaire) et Let’s Make Money (sur la crise financière), Alphabet clôt "la trilogie de l’épuisement", comme l’appelle son réalisateur Erwin Wagenhofer.
- © Pandora Filmverleih
Notre avis : L’école est-elle en danger, ou représente-t-elle un danger ? C’est, en grande partie, le signal d’alarme tiré par le réalisateur autrichien Erwin Wagenhofer, qui clôture sa "trilogie de l’épuisement" avec Alphabet, dressant un portrait très noir de notre société contemporaine. Après s’être intéressé à la crise alimentaire et financière, il est parti à la rencontre d’élèves, de scientifiques, de chefs d’entreprise ou encore de pédagogues renommés, tels qu’Arno Stern, afin d’illustrer les conséquences d’un système scolaire à bout de souffle, régis par le dogme de la performance.
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Appelé également La peur ou l’amour, Alphabet s’attarde peu sur les élèves eux-mêmes mais plutôt sur des adultes qui ont vécu dès le plus jeune âge un stress terrible, entre la recherche de la note parfaite et l’exigence des parents, souvent au détriment de leur santé mentale et physique. Que dire de cet élève chinois qui, poussé par sa mère, multiplie les compétitions sans se reposer ni profiter de son enfance ? Épuisé, triste, blasé... Il est l’illustration parfaite d’un système scolaire qui, selon le réalisateur et tous les intervenants, détruirait toute pensée personnelle et toute curiosité naturelle chez des élèves qui finissent par tous se ressembler, happés par le joug de la sacro-sainte école.
En mettant en valeur l’émancipation contrôlée de jeunes adultes qui n’ont pas encore une pensée critique et le recul nécessaire pour rejeter l’école traditionnelle, le film fait froid dans le dos en dressant un portrait noir et désespérant d’un système qui ne fait pas (plus ?) ses preuves. Pendant 1h48 de film, le documentaire montre à quel point l’école est soumise à la dictature du capital.
- © Pandora Filmverleih
L’individu passerait donc à côté d’une enfance heureuse en étant un étudiant épuisé, avant d’être un salarié épuisé. Les exemples donnés vont bien sûr dans le sens de l’opinion du réalisateur : l’école est nuisible aux adultes en devenir, et donc à la société toute entière. Pour le prouver, sa caméra suit un jeune homme qui vit dans une grande précarité après peu d’études secondaires, un autre qui n’a pas été inscrit à l’école, ce qui lui a permis de faire son propre apprentissage...
C’est une des limites du film : cette pratique, illégale en France où l’école est obligatoire, serait la solution miracle pour éviter que l’enfant devienne une copie de millions d’autres. Le dernier témoin raconte également son expérience, à prendre aussi avec des pincettes. Atteint d’une grave maladie, il a entendu de ses professeurs qu’il ne pourrait jamais suivre une vie scolaire normale. Des années après, le voilà titulaire de plusieurs diplômes. Certes, mais n’est-ce pas l’école qui lui a permis de se dépasser à ce point ? De s’émanciper et d’apprendre ? Le documentaire, à force de vouloir tout peindre en noir, finit par se perdre dans son propos. Pire, il essaye d’orienter l’opinion du public. Il ne s’agit pas d’exposer des faits, de peser le pour et le contre et d’en discuter. Alphabet se dresse contre l’école, en montre toutes les bassesses, tous les points négatifs, au point de trop tirer sur l’ambulance au détriment d’arguments véritables.
Si l’absence d’intervenants féminins se fait cruellement sentir, bien que le film ne soit pas sexiste (un début de débat sur la vie des femmes, leurs plans de carrière et la façon dont elles parviennent à mener vie de famille et parcours professionnel n’est pas abouti), le film a surtout pour intérêt de montrer que la pensée académique à ses limites.
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Bien que nécessaire, le film ne parvient pas à se détacher de ses pensées négatives pour laisser au public la possibilité de penser par lui-même. Ce qui est exactement ce qu’il reproche à l’école. Les intervenants sont certes pertinents, mais ils sont tous pour le contre. Où sont les défenseurs du pour ? N’aurait-il pas été préférable de laisser chacun s’exprimer au lieu de suivre une ligne droite ? Dire que l’école d’aujourd’hui est dépassée, beaucoup le pensent. Mais ce n’est pas ce film qui va donner des solutions. Au moins pourra-t-il entraîner une prise de conscience qui fait peur, au lieu de faire réfléchir. Au-delà de l’intérêt que le documentaire représente, il y a trop d’éléments néfastes pour vraiment le prendre au mot. L’école semble donc avoir encore de beaux jours devant elle.
- © 2016 Zootrop Films. Tous droits réservés.
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