La fureur de vivre
Le 30 juin 2024
Boudée par le public et quasiment ignoré des critiques en 1988, À bout de course est une œuvre émouvante et juste où River Phoenix excelle dans le rôle d’un adolescent tiraillé entre ses obligations familiales et son indépendance.
- Réalisateur : Sidney Lumet
- Acteurs : River Phoenix, Christine Lahti, Judd Hirsch, Martha Plimpton, Bobo Lewis, Ed Crowley, David Margulies
- Genre : Drame, Teen movie, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h55mn
- Date télé : 22 septembre 2024 23:20
- Chaîne : TCM Cinéma
- Reprise: 2 avril 2009
- Titre original : Running on Empty
- Date de sortie : 26 octobre 1988
Résumé : Danny, jeune homme de dix-sept ans, est le fils d’anciens militants contre la guerre du Vietnam. Ses parents Annie et Arthur Pope organisèrent un attentat a la bombe contre une fabrique de napalm. Un gardien mourut lors de l’explosion. Depuis, les Pope sont en fuite. Danny vit assez mal cette situation de mensonge et de dissimulation. Mais tout va basculer lors de sa rencontre avec Lorna Philips, la fille de son professeur de musique.
Critique : Sidney Lumet a réalisé nombre d’œuvres engagées qui pointent du doigt les travers sociaux, la corruption et les dérives de la justice (Serpico en 1973, Le prince de New York en 1982...). Mais avec À bout de course, le cinéaste se concentre sur la vie de famille ; le contexte politique et social n’est qu’une toile de fond. Celui qui se qualifie lui-même comme « the flag of the protest » ne dévoile que très rapidement, à demi-mots de surcroît, les convictions idéologiques qui ont conduit le couple d’À bout de course à entraver les limites de la légalité et à fuir le système judiciaire. Les deux anciens opposants à la guerre du Vietnam ont quitté depuis bien longtemps le monde du militantisme : leurs enfants sont désormais leur raison de se battre... et de fuir le passé pour éviter que celui-ci ne les rattrape.
Seule contre tous, la famille a tissé des liens tellement étroits qu’elle constitue une unité, une identité à laquelle il est difficile d’échapper. C’est ainsi qu’à dix-sept ans, Danny, le fils aîné, n’a jamais rien connu d’autre que la route et les changements d’identité. Mais il n’est pas question de s’apitoyer sur le sort du garçon. River Phoenix incarne avec charisme un lycéen en retrait des autres adolescents, trouvant talentueusement refuge dans le piano. Le cinéaste s’attache à prolonger chaque séquence où Danny joue. Lumet à choisi de faire passer l’émotion de ces instants d’évasion non pas en montrant le visage illuminé du jeune homme, mais en s’attardant en gros plan sur ses bras, ses mains, son dos. Tout comme Danny n’a pas le droit, sur ordre de son père, de songer sérieusement à son avenir, le spectateur saisit au vol le bonheur intense de l’adolescent, aussi fugace soit-il.
Grâce à Lorna, la fille de son professeur de musique, Danny réalise enfin ce à côté de quoi il est passé pendant toutes ces années de fuite. Leur histoire d’amour est une renaissance pour le jeune homme qui se met à songer à un destin autre que celui de ses parents. Un plan pourrait résumer l’étouffement dont souffre l’adolescent et dont il chercher à s’échapper. Ivre, son père est allongé sur le sol de la cuisine, soutenu par sa mère. Le cadrage déstructuré révèle un grand vide dans toute la partie droite de l’écran. Consignés dans le coin gauche, l’homme et la femme sont enfermés dans le passé, alors que l’avenir est représenté par une fenêtre derrière laquelle on ne voit rien puisqu’il fait nuit. Le couple parle peu, la scène est silencieuse, aucune musique ne l’accompagne pour mieux saisir l’âpreté de cette existence sans but. Le désarroi est saisissant.
La sobriété et l’authenticité d’À bout de course n’est pas sans rappeler La fièvre dans le sang d’Elia Kazan (1961) où les jeunes protagonistes voient leurs projets bouleversés par la fureur et l’autorité intempestive de leurs parents. Il est désormais temps de découvrir ce juste et émouvant long-métrage de Sidney Lumet dont on se souvient longtemps après la projection, à l’image du dernier plan - une route traverse le cadre et offre un horizon à perte de vue.
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Norman06 29 avril 2009
À bout de course - Sidney Lumet - critique
Décidemment, la redécouverte de la filmographie de Lumet offre plus d’une surprise. Comment la presse et le public des années 80 avaient-ils pu passer à côté de cette chronique émouvante et désenchantée ? C’est aussi l’occasion de redécouvrir le regretté River Phoenix, étoile filante de Hollywood.