5 x 2 - François Ozon - critique

Critique : De Possession à Lantana en passant par le récent Feux rouges, on ne compte plus les films qui illustrent l’usure d’un couple au bord de la dépression. Si ces trois films susnommés, au demeurant remarquables, ont recours à une forme policière teintée de fantastique pour sonder en filigrane un amour en perte de vitesse, Ozon, lui, préfère un style naturaliste, froid, dépouillé, sobre, qui n’accepte comme artifice que des coquilles kitsch réjouissantes (une chanson italienne à chaque fin d’épisode). Ceux qui pensent que le réalisateur de Sitcom s’est passablement assagi et embourgeoisé devraient peut-être regarder de plus près ce film déprimant et joyeux, grave et frivole, ambigu et étrange, qui enregistre en cinq temps deux mouvements les flottements, les longues plages troubles, l’extase, le bonheur, le cauchemar, les non-dits d’un couple ordinaire de la rencontre au divorce (ou plutôt du divorce à leur rencontre).
En effet, Ozon adopte un procédé narratif déjà utilisé précédemment (de Trahison conjugale à Memento en passant par Peppermint Candy et Irréversible), qui consiste à bouleverser la chronologie d’un schéma linéaire en l’inversant, pour mieux modifier la perception du spectateur. À défaut d’être novatrice, cette recette stylistique est ingénieuse et porte une nouvelle fois ses fruits ici puisque le plan final (superbe) fait complètement oublier la neurasthénie âpre du prologue. On sort de la salle presque heureux alors que cette vision finale est ironique. <
Mais une fois n’est pas coutume, ce n’est pas dans cette simple gageure formelle que le film cache tous ses atouts. Si, certes, on part de l’enfer pour atteindre un paradis - artificiel mais salvateur -, l’intrigue en elle-même est anodine. Pourtant, par la grâce d’une interprétation hors pair, premiers rôles (Stéphane Freiss et Valéria Bruni-Tedeschi, formidables) ou seconds rôles (Michael Lonsdale, Françoise Fabian, Géraldine Pailhas, Marc Ruchmann et Antoine Chappey, excellents), tous confondus et confondants, par l’acuité de regard d’un cinéaste subtil et malin, elle se trouve transcendée par une foule d’éléments et recèle de fait une quantité de scènes fortes qui fonctionnent sur la gradation, la durée et des détails indicibles. La vision du couple semble moins sinistre que dans Gouttes d’eau sur pierres brûlantes mais elle n’en possède pas moins le même cortège d’ambiguïtés, de doutes et d’angoisses : la culpabilité latente de l’adultère, la peur de devenir père, l’impossibilité de dire si on aime encore son conjoint, les désirs évanescents, les fantasmes, l’attirance électrique pour un corps... Lorgnant par intermittence dans la veine post-Pialat (la présence de Géraldine Pailhas semble presque justifier cet hommage), Ozon signe un superbe film sur l’amour, à la fois personnel et sensible, excitant et cérébral. Un tumulte charnel, douloureux, intense, qui ne s’oublie pas.

Le DVD :
– Coffret deux DVD comportant le film en deux versions (version originale et version remontée). Sous-titres français partiels.

Suppléments :
– Commentaire audio de François Ozon et l’équipe du film
– Bande-annonce
– 6 scènes inédites commentées par François Ozon
– Festival de Venise
– Interviews des comédiens par le réalisateur
– Les essais des comédiens
– Making of
– Photos du tournage et projets d’affiche