Le 25 septembre 2007
Est-ce que le dernier Jan Kounen est à consommer sans modération ? Ou faut-il l’écouter et dire non à la société de surconsommation et par conséquent à son film ? Curieux dilemme.
Est-ce que le dernier Jan Kounen est à consommer sans modération ? Ou faut-il l’écouter et dire non à la société de surconsommation et par conséquent à son film ? Curieux dilemme.
Consommez ! Encore et toujours plus. Changez de PC tous les 2 ans, d’Ipod tous les 12 mois, de fringues à tire-larigot même quand votre armoire en est pleine à craquer ! Apprenez que si vous ne le faites pas, des millions d’autres le feront pour vous et des milliards d’autres - à qui on est prêt à taper sur les doigts (« c’est pas bien ça, faut pas faire bobo à la planète, on s’en charge pour vous ») - s’apprêtent à faire de même.
Allez, consommez je vous dis ! C’est bon pour le moral et l’économie. Tous les politiciens vous le diront. Bush. Sarkozy. Bush. Sarkozy... Tous ensemble contre le chômage par le gaspillage. Laissez votre conscience au vestiaire. Après tout on vous parle de milliers d’espèces d’animaux qui disparaissent par jour, mais vous les avez déjà vues vous ces bestioles ? Et la fonte des glaces, alors qu’on nous bassine avec la sécheresse chaque année !
Pensez plutôt à vos enfants ! Qu’est-ce qu’ils en ont à faire de la diversité biologique quand on leur fait rencontrer le 3ème type sur leur console de jeux. Achetez leur plutôt le dernier téléphone à la mode et au moins durant les repas vous n’aurez pas à voir à quel point l’humanité est laide.
Et puis si vous ne savez pas qu’être consommateur c’est dans votre nature, vous pourrez compter sur les agences de pub pour vous le rappeler. Elles vous vendent du rêve (vous savez ce truc irréel censé être gratos qui ne devrait se dérouler que dans votre sommeil) non pas pour vous rapprocher du paradis (les crédits révolving, les agios, les dettes, les frustrations, la jalousie, c’est quand même pas l’enfer), mais pour engraisser la bedaine d’une poignée d’individus, chefs d’entreprises pour les plus gros, qui ont bien besoin de millions d’euros pour imaginer qu’ils sont supérieurs à cette populace qui les fait pourtant vivre. Menton levé, lunettes de soleil aux yeux, toujours au bras d’une pin-up prête à faire fi de l’âge de leur concubin pour quelques carats de plus... Vous pensez nourrir vos gosses et puis non vous finissez par donner la becquée au boss d’à côté.
Ah le monde de la pub, de l’économie, et de la politique ! C’est qu’il ne tourne pas très rond. Mais les petites gens non plus. Après tout, ils peuvent tous réfléchir un peu avant de se complaire dans l’aliénation beauf. Et ce n’est pas moi qui vais contredire la tendance avec mes habitudes de surconsommateur. Je profite de rabais par-ci et de soldes par-là, c’est le futile qui m’habille. Ne suis-je pas moi aussi fasciné par l’imagination fertile des médias si démoniaques qui au final font tant de bien à mes petites névroses d’Occidental ?.
Cette contradiction inhérente à chacun est au centre de l’excellente adaptation du roman de Frédéric Beigbeder, 99francs. Cette critique féroce et tonitruante du monde de la pub et de la société de surconsommation a fait peur aux chaînes de télé nationales. De la Une à la Six. Seules Arte et Canal ont osé investir dedans, les autres ayant fait marche arrière afin de ne pas se mettre à dos leurs annonceurs face à ses indélicates et cyniques vérités. Le message n’est pas nouveau, mais cela fait du bien de le voir passé à une telle échelle. Osée, décalée, jusqu’au-boutiste, cette fable sous acide joue sur tous les fronts ; finalement avec sa promo de blockbuster made in France elle rejoint volontiers le système qu’elle décrie, prouvant qu’avoir la conscience du Mal, on n’en est pas forcément prêt à changer sa nature pour faire le Bien.
Alors 99 francs, film de la semaine ? Pas forcément, mais une oeuvre incontournable au même titre que la réflexion esthétique sur la guerre de Sokurov (Alexandra) ou à un moindre niveau que la déclaration de misanthropie de Denys Arcand dans L’âge des ténèbres. Ces deux oeuvres valent bien mieux que le dernier Neil Jordan et Jodie Foster, véritable hymne archaïque aux expéditions punitives dont on se passerait bien. Rappelons à la dame qu’on est quand même en 2007 et que Un justicier dans la ville, c’était en 1974 !
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