Le 24 octobre 2007
Semaine à haut risque pour le cinéma français. Le deuxième souffle débarque sur nos écrans assassiné par une partie de la presse. Un vrai "procès d’ambition" pour Corneau qui ne méritait vraiment pas autant de haine
Semaine à haut risque pour le cinéma français. Le deuxième souffle débarque sur nos écrans assassiné par une partie de la presse. Un vrai "procès d’ambition" pour Corneau qui ne méritait vraiment pas autant de haine.
La frontière entre le succès populaire et l’échec cuisant est souvent ténue. Même au sein du cinéma français qui se gausse souvent - à tort - de ne pas être une industrie usant et abusant de formules (il n’y a qu’à voir l’inénarrable Les deux mondes . Toutes les recettes ont été testées par les pontes pour trouver les clés du box-office mais aucune ne s’est vraiment avérée fiable, y compris quand la qualité est de mise. Celle-ci n’assure pas automatiquement le succès. C’est un poncif, mais il est parfois bon de le répéter. Aussi, on imagine sans mal l’anxiété des équipes qui sortent leur film le mercredi alors que les premiers chiffres s’abattent comme un couperet.
Le distributeur ARP et les producteurs Michèle et Laurent Pétin, qui jouent gros cette semaine sur Le deuxième souffle, le remake du Melville (ou seconde adaptation du roman de Giovanni) en sont particulièrement conscients et s’inquiètent des réactions que leur événement cinématographique suscite. Une œuvre où les stars foisonnent, réalisée par un grand cinéaste en pleine possession de tous les moyens financiers, dont on parle depuis plus d’un an à grand renfort de pubs prestigieuses dans la presse. Tout cela, ça attise les curiosités malsaines. Les critiques veulent voir, mais souvent, par snobisme ringard, ne peuvent s’empêcher de diminuer le résultat. Le même métrage avec des inconnus au générique serait loué, mais façonné par des célébrités qui n’ont plus rien à prouver, l’enthousiasme n’est plus. Et à moins de s’appeler Lynch, Scorsese et autre Michael Mann, cinéastes aujourd’hui intouchables même lorsqu’ils sont en petite forme (il fallait voir la tête des journalistes à la sortie de INLAND EMPIRE, curieusement encensé par tous les canards, y compris par nous), il n’est pas facile d’échapper au cynisme des uns et des autres quand on revient au cinéma avec un projet d’envergure qui dénote une ambition personnelle forte et revendicatrice. Ce n’est pas pour rien si Lelouch prit un pseudo pour son retour (et premier succès en dix ans).
Le deuxième souffle risque de pâtir de cette sinistre tendance et à aVoir-aLire, nous le regrettons. La critique, tiède, lui a sorti le grand jeu du mépris, ce qui n’est pas surprenant. L’impressionnant polar de Corneau est victime de ce mal très français qui consiste à briser ce qui est trop attendu ; à ricaner de haut du talent exhibé, car c’est bien connu que trop de talent, cela dénature finalement le talent (sic). Le fossé entre les mots parfois assassins que l’on peut lire ici et là et la réalité des images faite d’efforts plus que respectables, est saisissant, comme si le cinéaste était victime d’un procès d’ambition. Mais les conséquences d’une cabale aussi facile sont souvent désastreuses et pas toujours très responsables vis-à-vis de la santé de notre cinéma.
Déjà, en octobre, Jean-Jacques Annaud avait connu les foudres de la presse de manière un peu semblable, mais en provoquant ouvertement le courroux de chacun (presse et spectateurs) avec sa farce grossière, Sa majesté Minor. Avec son budget gargantuesque de plus de 30 millions d’euros (les producteurs étaient-ils tombés sur la tête ?), le résultat fut cinglant : un bide monumental, l’un des plus gros jamais connus en France, du niveau de Blueberry et de San Antonio. De quoi mettre à mal la santé du cinéma hexagonal, victime d’une folie des grandeurs qu’elle ne peut pas toujours assumer.
Il est désormais probable que si Le deuxième souffle connaît un échec de cette nature, la fin d’année sera létale pour notre cinématographie dont aucun titre, si l’on écarte Le renard et l’enfant, ne possède un réel potentiel populaire pour conjurer le mauvais sort du second semestre. Faudra-t-il attendre la sortie d’Astérix aux Jeux Olympiques, début 2008, pour que notre production retrouve les faveurs du public, ou au contraire, l’arrogance de ce mastodonte pollué par le fric et les cancans assènera-t-elle à notre industrie le coup fatal qui le plongera dans une crise certaine. Réponse dans les semaines à venir.
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