Critique : Alors qu’elle ne s’autorisait plus à vivre, Sarah va faire deux rencontres qui changeront sa vie : d’abord celle de sa psychologue, personnage qui pourrait faire rire si elle n’était pas tragique. La seconde rencontre est celle de Théo, jeune garçon insouciant, libre, que l’existence a toujours choyé et qui, de ce fait, virevolte avec légèreté. Intrépide, voire fantasque, il irradie son entourage de cette pulsion de vie qui va très vite contaminer Sarah.
Si de prime abord, la rencontre entre cette femme déjà esquintée par son parcours et ce jeune homme solaire peut paraître un brin cliché, même clairement galvaudée, le lecteur ne peut pas s’empêcher d’être emporté par cette histoire d’amour. Comme si le roman, à l’image de Théo, déployait toute sa légèreté pour nous attacher à ce jeune couple, qui, comme beaucoup, subit parfois les coups durs.
Malheureusement, alors qu’ils viennent tout juste d’être parents, la maladie va venir frapper à leur porte et Sarah va tomber gravement malade. Petit à petit, le ton initialement léger du roman va s’infléchir vers l’obscur, dans toute sa crudité.
En effet, la suite du récit se déroule à l’hôpital où Sarah et Théo ne cesseront d’espérer, de désespérer aussi, d’être en colère, contre la vie, la maladie. Ils s’aimeront et riront aussi.

Grâce à ce premier roman, Thibault Bérard décrit avec énormément de justesse ce que peuvent ressentir les malades et leur entourage. Quiconque a éprouvé cette douleur d’avoir un proche à l’hôpital, aura de la difficulté à lire ce texte, tant il réveille, convoque une douleur qu’on refuse de revivre. Néanmoins, à l’image de ses personnages, le récit ne verse jamais dans le pathos. Bien que le couple traverse des moments âpres, qui sont d’ailleurs difficile à lire, il fait véritablement face. Si ce livre est avant tout un texte sur la difficulté d’un couple à affronter la maladie, c’est également un très beau roman d’amour qui parvient à éviter les écueils d’une narration remplie de bons sentiments et d’apitoiement. L’auteur n’hésite pas à parler frontalement de la mort et de l’envie des malades d’en finir avec l’existence, de ces moments où la souffrance est telle que plus rien ne peut apaiser cette envie mortifère.

Il est juste que les forts soient frappés est un ouvrage dont la lecture secoue et dont on ne sort pas indemne, mais qu’on peine pourtant à quitter tant les protagonistes évoqués par Thibault Bérard sont bien écrits. Alors même qu’au départ on pouvait craindre des personnages clichés, ceux-ci réussissent pourtant à prendre vie au fur et à mesure des pages et à devenir de véritables figures pour lesquelles on s’inquiète, on pleure, on reprend espoir.