Le 7 novembre 2007
Hollywood en état de siège. Les scénaristes lèvent les armes et bloquent les studios. Un scénario catastrophe symptomatique d’une tendance à la dépression dans le secteur du divertissement, entre forte euphorie et pessimisme austère.
Hollywood en état de siège. Les scénaristes lèvent les armes et bloquent les studios. Un scénario catastrophe symptomatique d’une tendance à la dépression dans le secteur du divertissement, entre forte euphorie et pessimisme austère.
Si en 2001, des négociations entre la Writers Guild of America (WGA) et les studios avaient à la dernière minute permis à Hollywood d’éviter une longue et coûteuse grève - tout le monde à Los Angeles a gardé en tête les 5 mois de grèves de 1988, qui avaient coûté de nombreux millions de dollars à l’industrie, provoquant la paralysie des chantiers en cours. Le spectre d’une nouvelle crise, imminente, terrifie tout le monde. Entre les petits scénaristes qui ont beaucoup à perdre d’un arrêt de leurs activités et qui devront aller jusqu’au bout de leur engagement sous peine d’être rayés de la WGA et les studios qui chiffrent déjà des pertes colossales, chacun tente d’aboutir à des négociations satisfaisantes. En vain, vu les dernières nouvelles de Variety.
Les scénaristes réclament une augmentation de leurs intérêts et de leurs droits notamment dans le domaine de l’exploitation DVD et exigent d’être rémunérés sur le streaming (procédé permettant de voir des extraits de film sur le net). Les studios, eux, redoutent de voir les autres catégories professionnelles lever les mêmes revendications et refusent de céder malgré les menaces de piquets. Le ton monte et l’on parle déjà d’un mouvement qui se poursuivrait jusqu’à mi-2008. Un scénario catastrophe pour une industrie victime d’un paradoxe capitaliste pathétique : elle n’a jamais généré autant de profits et pourtant sa santé se révèle être des plus fragiles.
Cette grève est évidemment symptomatique du grand changement que les industries du divertissement traversent en raison des nouvelles technologies que tout le monde voudrait contrôler et qui s’avèrent être indomptables. Les auteurs n’ont jamais vu leurs œuvres autant diffusées qu’aujourd’hui (câble, téléchargement à la demande, piratage) et pourtant jamais leurs finances n’ont été aussi précaires. Le malaise se fait ressentir à tous les niveaux, y compris les plus élevés. Il n’y a qu’à voir la claque que Madonna a infligé à sa maison de disques, Warner, en acceptant un contrat de 120 millions de dollars pour 10 ans avec Live Nation, une boîte spécialisée dans l’organisation de concerts qui n’a jamais vendu le moindre disque. Avec l’hémorragie de talents vers de nouvelles sociétés qui rivalisent avec les groupes historiques (Google se lance dans la téléphonie aujourd’hui, mais demain où s’arrêtera le moteur de recherche ?), l’éclatement des recettes télévisuelles, le refus d’obtempérer d’une jeunesse qui n’a jamais acheté le moindre disque et qui n’aura jamais connu que le téléchargement illégal, la peur de la récession l’emporte. Déjà qu’à Hollywood, les chiffres ne sont guère glorieux depuis plusieurs mois en raison d’une baisse de qualité des programmes et d’une inspiration plutôt frêle. Comme si la grève des scénaristes avait déjà commencé depuis des lustres.
La mondialisation a eu pour conséquences la création de groupes monstrueux et arrogants qui se retrouvent piégés à leur propre jeu, chacun essayant de tirer un profit toujours plus élevé au détriment des autres, mais la réalité de ce nouveau millénaire - peu importe les avancées de la VOD et les possibilités de nouveaux supports comme le Bluray ou le HD DVD - c’est que les plus gros devront apprendre à partager un peu plus les recettes qui, de toute façon, baisseront considérablement. Devons-nous nous lamenter pour autant car les nababs du divertissement pourraient moins s’empiffrer ? Parce que, tôt ou tard, les plus grosses stars ne toucheront plus 20 millions de dollars par film ? Tant que chaque artiste, à tous les niveaux, puisse gagner dignement sa vie sans jamais être exploité, sincèrement, on s’abstiendra. A moins que la tendance à la concentration des pouvoirs et recettes ne s’accentue, le clash ne pourra être que plus violent. Et quand on voit en politique française Rachida Dati entre deux défilés et sa fonction de garde des sceaux, briguer la municipalité du VII arrondissement de Paris, la mode est plutôt au cumul, et c’est bien dommage.
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