Le 28 mai 2008
- Festival : Festival de Cannes 2008
Une Palme d’Or pour la France. Pas de quoi pavoiser pour Sarkozy, Darcos et les autres.
Une Palme d’Or pour la France. Pas de quoi pavoiser pour Sarkozy, Darcos et les autres.
Quelle curieuse jubilation que celle de la ministre de la culture, Christine Albanel, se félicitant de la Palme d’Or d’ Entre les murs de Laurent Cantet, une première en France depuis 21 ans. Une allégresse aux relents de cocorico, surprenante de la part d’une représentante directe du gouvernement Sarkozy à l’encontre d’un cinéaste engagé dans la défense des valeurs sociales (Ressources humaines abordait déjà en 1999 le thème des licenciements abusifs dans le milieu ouvrier). Une joie quasi déplacée vis-à-vis des enseignants, qui sont au cœur, avec les élèves d’une ZEP du XXe arrondissement de Paris, de l’adaptation éponyme du livre de François Bégaudeau. Des profs qui vivent dans le malaise et l’inquiétude depuis les coups bas portés contre leur profession. N’étaient-ils pas, quelques jours avant le palmarès, en compagnie des lycéens et de nombreux parents d’élèves en train de protester massivement contre la suppression excessive de 10 000 postes dans l’enseignement pour la rentrée 2008. La Palme est également la leur et redonne du sens à leur lutte ?
En ouvrant les portes d’un établissement difficile au regard extérieur et en mettant le doigt sur la pénibilité de leur métier, le cinéaste met à mal les préjugés de chacun sur cette profession souvent considérée à tort comme étant privilégiée. Cantet invite à la réflexion sociale. Les effectifs gonflent dans les classes, les statuts ZEP sont mis en péril, la carte scolaire disparaît pour favoriser les uns et stigmatiser les autres, la ghettoïsation sociale s’accentue avec l’avènement des établissements poubelles... Le film nous rappelle que l’évolution du métier d’enseignant vers plus d’heures de travail, face à des classes plus chargées et souvent plus difficiles, ne mènera à rien de bon si ce n’est à l’usure d’un personnel fragile, qui ne sera pas volontaire pour faire plus d’heures supplémentaires (déjà que par tradition on ne leur paie pas celles de septembre !), alors que son pouvoir d’achat défaillit, faute d’une augmentation sensible depuis une décennie. La jeunesse désenchantée et déjantée, terriblement humaine dans ses failles, nécessite de vrais moyens et une énergie qu’un prof usé et vieillissant ne pourra jamais lui procurer. C’est donc la vitalité de la société entière qui est en jeu ; des structures gangrénées ne mèneront jamais à la paix sociale escomptée.
La victoire d’Entre les murs rappelle donc à l’intransigeant ministère de Xavier Darcos une vérité qu’il est bon de montrer au plus grand nombre. On ne fait pas d’économie avec le budget consacré à nos enfants. Alors que, par contre, l’on pourrait en faire avec le salaire de notre président. Les primes à vie de nos députés qui cumulent les mandats... De manière symbolique évidemment, mais n’est-ce pas aux élites de montrer l’exemple ?
Merci donc à Sean Penn et à son jury d’avoir relancé le débat en soulignant l’universalité de cette dure réalité des quartiers de la pauvreté. Ils offrent une occasion essentielle de découvrir et de revaloriser une jeunesse abandonnée par nos politiciens qui ne voient en elle que l’échec de leurs politiques sociales, libérales et d’intégration.
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