Le 12 août 2021
Emmanuel Pierrat est tellement épris de liberté qu’il a fait de sa passion sa profession. Avocat au barreau de Paris depuis 1993, il s’est spécialisé dans le droit de la propriété littéraire et artistique, défendant de grands noms et des causes variées, de l’écrivain Michel Houellebecq en 2002 au musée d’Art contemporain de Bordeaux, dans un procès qui a duré plus de dix ans. Son ouvrage s’inscrit naturellement dans la continuité de son action, et présente, sur plus de 150 pages, des œuvres controversées.
- Auteur : Emmanuel Pierrat
- Collection : Le lieu de l’archive
- Editeur : IMEC
- Genre : Essai
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 29 avril 2021
- Plus d'informations : Site de l’éditeur
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Résumé : L’Institut mémoires de l’édition contemporaine (IMEC), qui préserve et met en valeur une collection exceptionnelle d’archives consacrée à l’histoire de la pensée et de la création contemporaine, a confié à Maître Pierrat, le temps d’un livre, le soin de choisir des objets interdits, mis à l’index ou surveillés pour en raconter l’histoire. Le résultat est plutôt réussi. Chacune des 56 pièces retenues par l’auteur sont présentées et expliquées avec intérêt. Tous ces livres vilipendés, toutes ces photographies conspuées, tous ces films condamnés par les hommes sur l’autel des idées, permettent de mieux réaliser la grande fragilité de la liberté d’expression.
Critique : Les censeurs ont toujours une bonne raison pour justifier leurs actes, accomplis au nom d’une mission supérieure de sauvegarde et de protection de la foi, de la décence, de la morale, de l’ordre public ou encore de la jeunesse. Fernando Arrabal est ainsi poursuivi pour blasphème dans l’Espagne franquiste après la parution du livre Arrabal celebrando la ceremonia de la confusion, édité en France par Eric Losfeld en 1960. L’Épi monstre de Nicolas Genka est interdit de vente en 1962 dans notre pays, sur la base de la loi du 16 juillet 1949 relative aux publications destinées à la jeunesse (toujours en vigueur).
Dans ces deux cas comme dans de nombreux autres, Emmanuel Pierrat souligne le courage de certains éditeurs qui publient des ouvrages contestés, au risque de compromettre leur réputation et de subir une condamnation en justice laquelle peut parfois les conduire jusqu’à la ruine. Un hommage appuyé est ainsi rendu à Jean-Jacques Pauvert, à Eric Losfeld ou encore à Maurice Girodias fondateur en 1941 des éditions du Chêne puis, en 1953, de la mythique maison Olympia Press.
Le fait le plus célèbre de Maurice Girodias aura été d’avoir découvert et publié le roman Lolita de Vladimir Nabokov. Son audace lui a valu une descente de police en 1956, la saisie, puis l’interdiction de vingt-cinq de ses ouvrages, dont Lolita jusqu’en 1959, au terme d’un procès retentissant.
Si bon nombre des objets sélectionnés par Emmanuel Pierrat appartiennent désormais à l’histoire de l’édition, la réflexion qu’il engage et les interrogations qu’il suscite nous font prendre conscience de la permanence de la menace qui pèse sur des droits que l’on pourrait croire intangibles. Dès la première ligne de son introduction, il nous met en garde : « Censure et culture forment un tandem bien rôdé, toujours vivace, et les nouvelles formes prises par les interdits n’ont rien à envier à celles de jadis. »
Répertoriées au sein de neuf chapitres ("Censurés", "Le pouvoir et la politique", "Guerre et colonisation", "La religion", "Les mœurs"", Autocensure hier et aujourd’hui", "Le censeur et ses catalogues", "Les grands séditieux", "Les grands défenseurs de la liberté d’expression"), les dizaines d’œuvres commentées sont exposées dans un ouvrage particulièrement soigné, à la manière d’un catalogue d’exposition.
Un beau livre à lire ou à offrir.
170 pages - 28,00 €
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