Zoologie - Ivan I. Tverdovsky - critique

Critique : Jeune cinéaste auteur de documentaires aux nombreux prix internationaux, Ivan I. Tverdovsky avait réalisé Classe à part, premier long métrage de fiction remarqué, radioscopie cinglante de la jeunesse russe. Ce second opus confirme son talent et à son aptitude à créer une atmosphère prenante, au-delà d’une trame narrative à la fois recherchée et minimaliste. Directrice des achats dans un zoo municipal, Natacha mène une morne existence, sans amie ni vie sentimentale, suscitant les sarcasmes de ses collègues de travail et de sa supérieure hiérarchique, et partageant ses rares moments de loisirs avec une vieille mère bienveillante mais bourrue, dans un taudis de province. L’irruption de sa transformation physique fait l’effet d’une bombe dans son existence, et c’est cette mutation, physiologique, affective et sociale, qui est décrite par l’auteur avec une rare acuité et un ton incisif.

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Malgré son humour récurrent, Zoologie se refuse au traitement burlesque. En dépit de son pitch cronenbergien (on songe à un temps à La Mouche), le fantastique n’est pas le cœur du récit, encore que les premières séquences, d’une troublante suggestion, ne sont pas sans évoquer l’ambiance équivoque du Jacques Tourneur de La Féline. Par contre, Ivan I. Tverdovsky a bien la fibre critique vis-à-vis des névroses d’un pan de la société russe. Si Natacha ne s’avère pas contagieuse (pas de symptôme d’une aliénation collective à la Rhinocéros), le trouble qu’elle suscite autour d’elle est la métaphore d’une intolérance récurrente dont le réalisateur se veut le témoin.

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« Aujourd’hui, la société dans laquelle je vis et les gens qui m’entourent vivent d’une façon qui est différente de qui se passait il y a même cinq ans. Les gens ne recherchent plus leur individualité, au lieu de cela ils se tournent vers quelque chose d’universel […] ’’Zoologie’’ porte avant tout sur l’identification de soi-même dans l’espace qui nos entoure », a déclaré Ivan I. Tverdovsky. Cette satire de l’intolérance se combine à une dénonciation de la bureaucratie omniprésente depuis l’ère soviétique : les médecins de Natacha, loin de prendre en charge son mal, jouent la politique de l’autruche et ne font que se renvoyer la balle, persistant à ne pas affronter l’altérité. L’œuvre vaut enfin pour son insolite histoire d’amour, l’idylle entre la quinqua sur le retour et son jeune radiologue empruntant de déviants sentiers que n’auraient pas dédaignés Buñuel, Lynch ou Haneke. Après Le Disciple de Kirill Serebrenniko, Zoologie confirme la vitalité de nouveaux réalisateurs russes alliant inspiration et subversion, et que nous ne pouvons qu’encourager.