Contes cruels de la jeunesse
Le 4 mars 2014
Le cinéaste israélien Tom Shoval signe un premier long-métrage dérangeant, magnétisé par le visage de ses deux protagonistes, mais dont le propos ambigu se perd parfois dans l’efficacité de son récit.
- Réalisateur : Tom Shoval
- Acteurs : Eitan Cunio, David Cunio, Moshe Ivgy
- Genre : Drame
- Nationalité : Israélien, Français, Allemand
- Durée : 1h47mn
- Date de sortie : 5 mars 2014
- Plus d'informations : Le site du distributeur
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Le cinéaste israélien Tom Shoval signe un premier long-métrage dérangeant, magnétisé par le visage de ses deux protagonistes, mais dont le propos ambigu se perd parfois dans l’efficacité de son récit.
L’argument : Yaki et Shaul, deux frères aux liens étranges, vivent dans une banlieue de Tel Aviv. Leur famille, endettée, est menacée d’expulsion. Yaki, qui ne se sépare jamais de son arme de service, passe quelques jours en permission et les deux frères échafaudent alors un plan d’enlèvement. Mais c’est le jour du Shabbat et rien ne se passe comme prévu.
Notre avis : L’image la plus frappante de Youth est celle des visages quasi-jumeaux des deux personnages principaux, dont les caractères et destins pourtant bien distincts s’entremêlent à la fois dans l’intimité la plus quotidienne et le projet crapuleux qui occupe le cœur du film. Le récit tisse habilement le lien entre la chronique sociale d’une famille moyenne, rongée par la menace du déclassement, et le thriller qui se joue littéralement en sous-sol, dans la cave de l’immeuble dont la famille des deux frères va bientôt être expulsée. En 2012, Le policier de Nadav Lapid mettait en scène un acte curieusement similaire, fou et désespéré, destiné à signer une forme de revanche sociale contre les riches, mais le pointait du doigt comme un fantasme idéologique né dans le salon confortable de jeunes bourgeois désœuvrés et s’enivrant dans la passion du gauchisme. Youth donne au contraire à voir une stratégie de l’ombre, mue par une frustration personnelle, tout en tension et en rancœur. C’est en assistant à l’effondrement progressif de leur père – effondrement tant financier que psychologique –, que les deux fils sont convaincus de l’urgence de leur action. Depuis son titre très programmatique, le film tout entier ne vise qu’à tenter d’expliciter le saut qui s’est produit entre la génération du père et celle des enfants, et qui aboutit à deux réactions opposées, un désespoir que l’on retourne vers soi-même, et une colère que l’on retourne vers les autres – ceux qui « ont tout » et qui méritent à présent de payer leur part.
Youth plonge assurément le spectateur dans un malaise certain, celui de se retrouver dans la position du bourreau – et ce, même si le jeu est en apparence dénué de tout sadisme. Le caractère sociopathe des frères, amorcé dans une première séquence troublante où le cadet suit à la trace la future victime du kidnapping à sa sortie de l’école –, est redoublé par une évocation tout aussi singulière de la relation fusionnelle qu’entretiennent les deux garçons, qui pensent ensemble, mangent ensemble, et même urinent ensemble. Dans son refus constant d’adopter une position de juge face à ses personnages, et en s’en tenant à une position d’observateur neutre, quasi-behavioriste, Tom Shoval tente un pari de récit osé et dérangeant, qui capte immédiatement l’attention, mais que le cours du film finit par rompre de lui-même, « forcé » de réintroduire une forme d’explication psychologique et sociale plus attendue.
Difficile parfois de savoir où le film veut nous emmener, d’autant qu’il n’est jamais plus efficace que dans les minuscules mécanismes de thriller qu’il met en place (peur d’être découvert, de se faire voler un téléphone compromettant…), mais qui nous pose précisément question : à trop vouloir garder le spectateur en haleine, le récit peut bien tomber au piège de sa propre efficacité, et masquer l’originalité du propos. Comme les personnages, la vue à court-terme nous empêche de considérer l’ensemble de ces actions qui sont exposées froidement à l’écran, et de nous forger une opinion. Une « erreur de jeunesse », peut-être.
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