Le 17 juin 2014
Xenia a fait partie de la sélection officielle du festival de Cannes 2014 dans le cadre de « Un certain regard ». Un film engagé, courageux et une magnifique ode à l’amour fraternel.
- Réalisateur : Pános Koútras
- Acteurs : Kostas Nikouli, Nikos Gelia, Aggelos Papadimitriou
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français, Belge, Grec
- Durée : 2h08min
- Date de sortie : 18 juin 2014
- Festival : Festival de Cannes 2014
L'a vu
Veut le voir
©Katerina Paspalieri
Xenia a fait partie de la sélection officielle du festival de Cannes 2014 dans le cadre de « Un certain regard ». Un film engagé, courageux et une magnifique ode à l’amour fraternel.
L’argument : A la mort de leur mère, Dany et son frère Odysseas, 16 et 18 ans, prennent la route d’Athènes à Thessalonique pour retrouver leur père, un Grec qu’ils n’ont jamais connu. Albanais par leur mère, ils sont étrangers dans leur propre pays et veulent que ce père les reconnaisse pour obtenir la nationalité grecque. Dany et Ody se sont aussi promis de participer à un populaire concours de chant qui pourrait rendre leur vie meilleure. Ce voyage mettra à l’épreuve la force de leurs liens, leur part d’enfance et leur amour des chansons italiennes.
Notre avis : Comment dire adieu à sa jeunesse ? Le trublion cinéaste grec Panos H. Koutras répond à sa manière, en réalisant un film autour d’une certaine jeunesse grecque abattue par la crise économique et autres crises existentielles. Koutras s’est intéressé tout particulièrement à ces adolescents apatrides ou étrangers, maltraités par un gouvernement grec aux abois et persécutés par les mouvements nationalistes florissants tel le parti néonazi « Aube dorée ». Un parti déchaîné contre toute forme d’immigration et qui de plus se déclare ouvertement antisémite, islamophobe – et bien sûr homophobe. Militant donc pour le « droit du sang » et une « Grèce aux Grecs », sous l’égide exclusive des valeurs chrétiennes orthodoxes. On reconnaît ici même la chanson du Front national sur « les vrais Français »…
©Katerina Paspalieri
C’est sur cet arrière-fond politique que Panos H. Koutras a réalisé un film engagé et très courageux autour de deux jeunes Albanais en mal d’existence en Grèce, pays où ils sont pourtant nés, d’un père grec les ayant abandonnés sans les reconnaître alors qu’ils étaient encore bébés. Après le décès de Jenny, leur mère, immigrée albanaise, dévorée par l’alcool et devenue chanteuse en Grèce, le jeune Dany, 16 ans (ou, plus exactement, « 15 ans, 9 mois et demi » !), au look néo-punk efféminé, tout en mèches peroxydées, piercing aux oreilles, fringues et bracelets fluos, et aux faux airs de Xavier Dolan, quitte la Crète pour rejoindre à Athènes son frère aîné Odysseas (Ody) qui, lui, a presque 18 ans. Dany, homo affirmé, se prostitue à l’occasion pour vivre. Volontiers excentrique, il a toujours des sucettes en bouche et son lapin « Dido » comme compagnon. Son frère Ody, qui travaille dans un fast-food, hétéro convaincu, est, lui, plus calme et réservé. Ils sont tous deux fans de chansons italiennes, notamment celles que chantaient leur mère et Pati Pravo, célèbre diva italienne des années 1970.
Les retrouvailles entre les deux frères sont d’abord difficiles et tendues. Dur, pour Ody et Dany, d’être reconnus et insultés en tant qu’Albanais venant manger le pain des Grecs – et davantage encore comme « pédé ». Koutras reconstitue parfaitement les « ratonnades » et autres « casses de pédés » perpétrées à Athènes par les fachos d’Aube dorée, de même que la complaisance des policiers à l’égard de ces militants fascistes. Les homos pestiférés sont obligés de se planquer dans des boîtes gays souvent sinistres et les étrangers de vivre dans des squats sordides, en cherchant un peu d’aide auprès d’associations et d’avocats dévoués, telle la pulpeuse avocate Antigone du film.
©Katerina Paspalieri
Un climat que les deux frères, une fois leurs tensions et règlements de compte un peu retombés, préfèrent fuir pour partir à la recherche de leur père biologique qui, s’il les reconnaissait, pourrait leur assurer la nationalité grecque. Ainsi, Ody va finalement se joindre à Dany dans un périple, précipité par une bagarre qui tourne mal, en direction de Thessalonique. Il s’agit de retrouver d’abord le cabaret où a officié leur mère, de rencontrer leur père, mais aussi de se qualifier pour participer à un concours de chant. Ody rêve en effet, sans doute en souvenir de sa mère, de participer à la prochaine « Greek star », un télé-crochet façon « Nouvelle star ».
Au cours de cette épopée, véritable quête initiatique aux multiples desseins, les deux frères se retrouvent dans un hôtel dévasté en pleine forêt. Ils vivent ici pleinement comme deux gamins une complicité qui leur a tant manqué. Cet hôtel appartenait à la chaîne de luxe Xenia, célèbre du temps de la supposée prospérité de la Grèce. Mais Xenia, c’est surtout le mot grec désignant l’hospitalité que chacun doit aux étrangers – un principe majeur de la Grèce antique. Xenia sonne un peu bizarrement aujourd’hui dans ce pays où le droit du sang prime désormais sur le droit du sol. Un pays qui de plus n’accorde aucun secours ni droit aux demandeurs d’asile, contrairement aux directives européennes et aux accords de Dublin !
Lors de ce road movie au rythme endiablé, Dany et Ody découvrent effectivement le cabaret où leur mère se produisait du temps de sa gloire. Ils retrouvent ainsi le patron Tassos, un personnage haut en couleur, sorte de « vieille folle ratée », selon Dany. Tassos est superbement campé par Aggelos Papadimitriou. Ce Tassos les met sur la piste du père, qui serait un certain Lefteris Christopoulos, devenu un militant d’extrême droite.
Le film s’achève – sans se terminer – par la prestation d’Ody à la « Greek star » et les retrouvailles plutôt trashs avec un père supposé. Peu importe d’ailleurs, l’aventure continue… Dans leur quête, peuplée de fantasmes véhiculés par des effets spéciaux oniriques et humoristiques, seul compte au fond pour Dany et Ody leur chemin parcouru avec leur volonté de ne jamais se résigner. L’important pour eux est de poursuivre leurs chimères, qu’il s’agisse d’un grand lapin blanc en peluche, d’une chanteuse ringarde ou d’une figure paternelle.
Après ses précédents – et décapants – films, L’attaque de la moussaka géante (2000) et Strella (2009), et au-delà du message politique délivré dans Xenia, Panos H. Koutras nous offre ici une fable flamboyante à l’humour corrosif, flirtant parfois avec un certain fantastique, et pourtant bien ancrée dans la réalité contemporaine. Xenia est également une ode à l’amour fraternel, qu’il soit de sang ou spirituel. Un sujet rarement aussi bien traité au cinéma.
Le cinéaste a choisi pour incarner les deux frères des comédiens non professionnels, ayant affronté dans leur vie les problèmes évoqués dans le film et bien représentatifs de leur communauté. Il ne pouvait pas en être autrement pour Koutras, qui a par ailleurs la volonté dans ses films de faire jouer ensemble acteurs professionnels et non professionnels : « Pour moi, le casting est un véritable choix politique. » Kostas Nikouli et Nikos Gelia sont absolument époustouflants, ils ont mis tout leur être et leur sincérité dans cette belle odyssée et ses superbes moments d’altérité.
©Katerina Paspalieri
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.