La Nuit au Musée
Le 14 novembre 2017
À l’image de Scorsese avec Hugo Cabret, Todd Haynes explore en fétichiste quelques trésors anciens du septième art. Un hymne à l’enfance et à la différence qui manque toutefois, derrière le savoir-faire, de rythme et d’étoffe.
- Réalisateur : Todd Haynes
- Acteurs : Julianne Moore, Michelle Williams, Tom Noonan, Amy Hargreaves, Cory Michael Smith, Oakes Fegley, Millicent Simmonds
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Durée : 2h00mn
- Titre original : Wonderstruck
- Date de sortie : 15 novembre 2017
- Festival : Festival de Cannes 2017
Résumé : Ben et Rose souhaitent secrètement que leur vie soit différente ; Ben rêve du père qu’il n’a jamais connu, tandis que Rose, isolée par sa surdité, se passionne pour la carrière d’une mystérieuse actrice (Julianne Moore). Lorsque Ben découvre dans les affaires de sa mère (Michelle Williams) l’indice qui pourrait le conduire à son père et que Rose apprend que son idole sera bientôt sur scène, les deux enfants se lancent dans une quête à la symétrie fascinante qui va les mener à New York.
Notre avis : Adapté d’un roman graphique éponyme signé Brian Selznick, Wonderstruck (traduit en France sous le nom "Black Out" en 2012) évite de justesse l’hommage un peu ronflant au septième art - metteurs en scène pionniers et contemporains confondus - qu’avait déjà articulé assez maladroitement Martin Scorsese dans Hugo Cabret, autre transposition d’après une œuvre de l’écrivain américain. Avec d’un côté le destin de Ben en 1977, de l’autre celui de Rose en 1927, le grain du 35 mm varie entre les couleurs chatoyantes du Nouvel Hollywood et celles du noir et blanc période Le Vent de Victor Sjöström - Todd Haynes cite d’ailleurs ouvertement le film en s’en inspirant pour les images d’un long-métrage fictif dans lequel joue la mère de Rose, nommée ici Lilian Mayhew en échos à Lilian Gish. D’un bord à l’autre du récit, les protagonistes Ben et Rose suivent deux trajectoires a priori lointaines, mais qui vont s’entrecroiser. Une rencontre rendue possible par de nombreux sursauts dans l’histoire, à commencer par la surdité soudaine et quasi magique de Ben après qu’un éclair ait frappé son ancienne maison alors qu’il écoutait le combiné d’un téléphone, ou le cabinet de curiosité emprunt lui aussi de thaumaturgie. Si l’on sent bien dans ses superbes transitions en fondu ou cut d’une époque à l’autre - très graphiques -, dans ses expérimentations sur les chromatiques, ou dans le jeu de ses acteurs, que Todd Haynes a consacré sa minutie et son maniérisme pour adapter scrupuleusement le roman original, difficile cependant d’ignorer un certain sentiment de lassitude.
- Copyright Metropolitan FilmExport
Pour le cinéaste américain, le cinéma plus que tout autre est un art de l’artifice, point de vue déjà véhiculé avec Velvet Goldmine et de façon plus occulte dans toute son œuvre. Fidèle à cette vision, Wonderstruck décompose les sensations des personnages principaux (sourds et/ou muets) pour donner à ressentir leur handicap avec tout ce que le septième art compte d’effets. Non content de développer d’une part un cinéma muet pour le versant 1927, il multiplie les ruptures sonores par ailleurs en 1977. Sans doute est-ce là d’ailleurs l’un des points forts de Wonderstruck : le travail sur le son, et l’utilisation, outre les partitions sensibles à la Jonny Greenwood signées Carter Burwell, de bandes originales saisissantes en contrepoint de l’incommunicabilité - pas de dialogue au sens propre parfois pendant plusieurs dizaines de minutes. Ainsi, tandis que "Space Oddity" de David Bowie constitue quelque part le thème musical symbolisant la recherche de filiation de Ben, la version d’"Ainsi parlait Zarathoustra" de Strauss par le Brésilien Eumir Deodato renvoie plutôt à une transcendance (le hors-champ du père inconnu) jusqu’alors pour lui inaccessible. Certains cauchemars de Ben, aussi, jonglent avec un réseau d’images toujours fluctuantes et très picturales. À travers celles-ci, le cinéma de Todd Haynes ne s’égare pas complètement mais perd en profondeur ce qu’il gagne en consensus. Ici, même si l’on est assez loin du déluge de bons sentiments d’Hugo Cabret, persiste cette même mièvrerie trop souvent indissociable du parcours initiatique d’enfant. En réussissant à aborder sujet aussi tragique que le désespoir grâce au conte, le réalisateur dilue également une partie de son énergie.
- Copyright Metropolitan FilmExport
Heureusement, Wonderstruck sait aussi malgré tout susciter quelques belles émotions, et soulignons qu’il est assez rare de voir un orfèvre tel que Haynes s’emparer d’une œuvre aussi affectée et doucereuse. Pour autant, le manque général de rythme et de fulgurances laisse un arrière-goût de trop peu. Pas de quoi néanmoins bouder totalement son plaisir : les performances des jeunes comédiens Oakes Fegley et Millicent Simmonds sont bien au rendez-vous, et il serait dommage de se priver de ces plans splendides parfois même épiques sur le New York des années 1920 et 1970. Conclusion assez vibrante, enfin, que cette scène finale où le cinéaste juxtapose pour ne pas dire entrechoque les plans de la Grosse Pomme avec sa représentation miniature, où encore une fois l’idée pour Haynes repose toujours sur l’art de jouer avec le faux.
– Film présenté en compétition du Festival de Cannes 2017
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Marla 3 juin 2017
Le Musée des merveilles - Todd Haynes - critique
Bonjour, merci pour votre critique. Je suis moi aussi mitigée sur le film : http://bit.ly/2rv3VIF