Huppert parricide pour Chabrol
Le 8 juillet 2013
En relatant un célèbre fait divers judiciaire, Chabrol signe l’un de ses meilleurs films et offre un rôle en or à Isabelle Huppert.
- Réalisateur : Claude Chabrol
- Acteurs : Isabelle Huppert, Stéphane Audran, Bernadette Lafont, Fabrice Luchini, Jean Carmet, Mario David, Dominique Zardi, Henri Attal, Jean-François Garreaud, Lisa Langlois, François Maistre, Bernard Alane, Greg Germain, Dora Doll, Zoé Chauveau, Jean Parédès, Benoît Ferreux
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Thriller, Policier
- Nationalité : Français
- Distributeur : Gaumont Distribution
- Editeur vidéo : René Chateau vidéo
- Durée : 2h10mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 24 mai 1978
- Festival : Festival de Cannes 1978
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Résumé : En 1933, Violette a dix-huit ans. Son père, Baptiste Nozière, est mécanicien dans les chemins de fer. Sa mère, Germaine, son père et elle, vivent dans un minuscule appartement. Ses parents, de condition modeste, rêvent pour Violette d’une existence autrement plus brillante que la leur. La fille, étouffée par cette atmosphère petite-bourgeoise, s’enfuit la nuit, fréquente des étudiants. Elle ne tarde pas à contracter la syphilis. C’est le scandale. Violette est exaspérée par l’attitude lâche de ses parents. Elle tente une première fois de les empoisonner.
Critique : Adapté d’un livre de Jean-Marie Fritère, Violette Nozière relate un fait divers qui défraya la chronique judiciaire du début des années 30. Curieuse destinée que celle de cette jeune fille de milieu modeste, taciturne, mythomane et mystérieuse, s’inventant une double vie, couchant avec des étudiants (Fabrice Luchini, tout jeunot) et des hommes plus âgés, se prostituant à l’occasion sans l’admettre véritablement, et tombant amoureuse d’un bellâtre (Jean-François Garreaud) au point de voler ses parents, puis vouloir les assassiner. Le film est scindé en deux parties. La première évoque les semaines précédant le drame, la seconde se focalise sur le crime et le procès de celle qui partagea l’opinion publique, deviendra une égérie des surréalistes, et inspirera les artistes de rue (la ritournelle chantée par Jean Parédès dans le film). Le dernier plan montre une Violette figée dans sa cellule, persuadée que sa condamnation à mort ne sera pas exécutée. Ce qui fut effectivement le cas, l’œuvre n’évoquant qu’en voix off la suite de sa vie, qui la verra libérée et réhabilitée après une conduite exemplaire en prison. Ce qui intéresse Chabrol est le portrait en forme de puzzle d’une adolescente atypique, en décalage avec une époque rigoriste et étriquée. On retrouve ici le peintre féroce d’une petite bourgeoisie confinée dans ses certitudes et préjugés, et le cinéaste adopte une démarche similaire à celle qu’il proposera dans Une affaire de femmes, autre récit d’une condamnée. « Les bourgeois réagissent quand on s’en prend à leur pognon », déclame d’un ton blasé et ironique la compagne de cellule (Bernadette Lafont). La classe moyenne n’est guère épargnée, à l’image du couple de voisins (François Maistre et Dora Doll), bienveillants mais sournois, dans la traditionnelle scène de repas chabrolienne.
Le style de l’ex-auteur de la Nouvelle Vague est ici aux antipodes du dogme de celle-ci : le scénario et les dialogues sont travaillés, le casting soigné, la technique impeccable, les décors et costumes élaborés, mais jamais la reconstitution du Paris des années 30 ne tombe dans l’académisme et le maniérisme. Chabrol épouse davantage un classicisme, que l’on retrouvera chez d’autres cinéastes de sa génération (Le dernier métro de François Truffaut). Car l’auteur du Boucher est ici à son meilleur : le montage subtil respecte la linéarité du récit mais comporte malgré tout une structure éclatée au sein de certains segments. C’est ainsi que l’image de Violette prenant le tramway la nuit est suivie d’un passage dont on comprend rétrospectivement qu’il s’agit d’un flash-back ; de même, la découverte par le spectateur du corps des parents inanimés et la tentative par Violette de faire croire à un accident de gaz précèdent la séquence de l’empoisonnement, qui arrivera bien plus tard. Cette subtilité narrative est renforcée par l’image de scènes de cauchemars et de souvenirs (l’enfance chez la grand-mère) qui brouillent les pistes quant à la personnalité véritable de Violette. Après La dentellière, Isabelle Huppert trouva le second grand rôle de sa carrière : son jeu intériorisé, à la limite de l’autisme, est d’une puissance rare et son personnage, insolent et ambigu, sera repris dans plusieurs de ses films. Le Festival de Cannes 1978 ne s’y trompa pas et lui décerna le prix d’interprétation féminine. À ses côtés, Stéphane Audran (la mère) et Jean Carmet (le père) forment un couple pathétique de mesquinerie.
– Festival de Cannes 1978 : Prix d’interprétation féminine pour Isabelle Huppert
– César 1979 : Meilleure actrice dans un second rôle pour Stéphane Audran
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