La perle noire
Le 19 août 2014
Cet opus Abdellatif Kechiche est tout simplement un choc !
- Réalisateur : Abdellatif Kechiche
- Acteurs : Olivier Gourmet, Elina Löwensohn, François Marthouret, Yahima Torres, André Jacobs, Olivier Loustau
- Genre : Drame, Biopic, Historique, Drame historique
- Nationalité : Français
- Durée : 2h44mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 27 octobre 2010
Résumé : Paris, 1817, enceinte de l’Académie Royale de Médecine. « Je n’ai jamais vu de tête humaine plus semblable à celle des singes ». Face au moulage du corps de Saartjie Baartman, l’anatomiste Georges Cuvier est catégorique. Un parterre de distingués collègues applaudit la démonstration. Sept ans plus tôt, Saartjie, quittait l’Afrique du Sud avec son maître, Caezar, et livrait son corps en pâture au public londonien des foires aux monstres. Femme libre et entravée, elle était l’icône des bas-fonds, la « Vénus Hottentote » promise au mirage d’une ascension dorée...
Critique : À chaque nouveau film, Abdellatif Kechiche propose un pari de cinéma. En l’occurrence : Vénus noire, qui dure plus de deux heures trente, où chaque plan s’arrache des tripes sa livre de chair. À défaut d’enchaîner les gros mots qui font peur (édification, didactisme, pédagogie) et les citations évidentes (Elephant Man, Freaks), Kechiche va plus loin qu’une simple réflexion sur le racisme en Europe au début du XIXe siècle ou sur la monstruosité (« le monstre, c’est les autres »), et cherche avant tout l’immersion totale, sans morale ni bouée de sauvetage, dans un monde de rats. Plus métaphysique que politique, il plonge l’âme du spectateur dans le corps désiré, ridiculisé, humilié, disséqué d’une callipyge aux parties génitales hypertrophiées. Un monstre de foire pour l’époque, exhibé aux scientifiques, aux badauds, aux libertins, aux plus curieux. Plus elle se produit sur scène, plus elle est regardée, plus elle perd son identité. À chaque représentation, on est proche de l’écœurement, du sadomasochisme, de l’exploitation, entre la lutte des gladiateurs d’hier pour survivre et l’exhibition des stars de la télé-réalité aujourd’hui pour se faire connaître. Abandonnée de tous, la Vénus star meurt comme une épave humaine, une dépouille d’œuvre d’art inachevée.
Grâce au jeu atone de Yamina Torres (le rôle d’une vie), Kechiche se concentre sur les réactions outrées que le corps de sa Vénus provoque : la fascination, le rire, le dégoût, l’excitation. Son art - sa manière de cadrer des visages en bouillie, d’accentuer la laideur des hommes, de générer des micro-suspenses - fonctionne encore mieux que dans La Graine et le mulet, comme si, sur ce coup, la transe ivre de la dernière demi-heure de son précédent film était étirée jusqu’à l’étourdissement - une provocation lancée, une éjaculation qui ne vient pas, un fantôme qui ne veut pas faire la paix. Rares sont les films qui émeuvent aux larmes sans que l’on sache pourquoi. Sans doute se passe-t-il quelque chose d’organique et de viscéral que l’on ne voit pas ailleurs et qui défie la raison ou l’explication. Une seule certitude : Kechiche filme magistralement le corps, dans toute sa trivialité, sa monstruosité et au fond sa choquante beauté. Pour sûr, avec un sujet aussi controversé, certains pusillanimes trouveront à redire : trop de complaisance, pas de distanciation, misanthropie forcenée, parti pris trop radicaux, intimidation au coup de poing, violence insoutenable. Peu importe : il faut avoir le courage d’y entrer. Cette Vénus noire a beau être invendable : sa force surhumaine, sa sublime intransigeance, sa liberté inouïe, sa démence maladive la placent au-dessus de tout et de tous.
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Norman06 31 octobre 2010
Vénus noire - Abdellatif Kechiche - critique
Encore une réussite totale pour ce cinéaste inspiré. Ce qui aurait pu être un biopic politiquement correct et convenu est en fait un passionnant portrait d’un personnage ambigu et d’une période charnière de l’histoire du spectacle et de la science. Troisième César pour Abdellatif Kechiche ? Si Dieu et des hommes le voudront...
Mlleba 5 novembre 2010
Vénus noire - Abdellatif Kechiche - critique
Film faussement révélateur de la réalité historique des premiers contacts entre les blancs et les noirs ;il ne nous apprend rien que nous ne sachions déjà sur ce commerce.Il s’agit juste d’un étalage pervers de bêtise,de cruauté humaines et de morceaux de chair d’un être déshumanisé.Les noirs qui sont ciblés à travers cette Vénus sont juste une nouvelle fois rabaissés et remis à leur place "imaginaire" qui est celle de de l’asservissement absolu.Les occidentaux, les blancs sont également mis en porte-à-faux à travers les spectateurs et les clients anglais.Ils apparaissent comme des monstres avides de sangs se laissant aller à leurs plus sombres instincts.Ce film ne peut nous rassembler tant il est choquant inutilement, il n’innove pas il déstabilise pouvant créer de la gêne.Il est difficile d’avoir envie d’aller les uns vers les autres au sortir du cinéma.Selon moi seul un public très averti et ayant un grand SENS DU RECUL peut éventuellement s’y aventurer pour en juger.