Vertiges de l’amour
Le 12 octobre 2020
Méjugée à sa sortie, cette nouvelle adaptation du roman de Laclos est une œuvre subtile de Forman, qui se réapproprie avec intelligence le matériau littéraire.
- Réalisateur : Miloš Forman
- Acteurs : Colin Firth, Annette Bening, Henry Thomas, Fairuza Balk, Nils Tavernier, Sandrine Dumas, Christian Bouillette, Meg Tilly
- Genre : Drame, Comédie dramatique, Romance
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pathé Distribution
- Editeur vidéo : Pathé Vidéo
- Durée : 2h17mn
- Date télé : 12 octobre 2020 20:50
- Chaîne : France 5
- Reprise: 29 mars 2017
- Date de sortie : 6 décembre 1989
- Festival : Festival de Cannes 2016
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Résumé : La marquise de Merteuil (Annette Bening) est très liée au vicomte de Valmont (Colin Firth). Leur complicité libertine les met au centre d’un pari cruel : il est chargé de séduire la prude Madame de Tourvel (Meg Tilly). En même temps, la marquise souhaite être vengée de son amant Gercourt (Jeffrey Jones) : le vicomte doit alors courtiser la très jeune Cécile de Volanges (Faruza Balk), dont la flamme amoureuse se porte sur le chevalier Danceny (Henry Thomas). Des complots sentimentaux et sexuels vont alors se forger, sous les frondaisons des parcs ou les lustres de l’Opéra, dans le secret des alcôves et surtout par des lettres envoyées en cachette...
Critique : Le roman Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos a été l’objet de plusieurs adaptations à l’écran, les plus mémorables demeurant le film américain éponyme de Stephen Frears, sorti la même année que Valmont, ainsi qu’une sublime dramatique télévisée de Claude Barma (1980). On peut par contre oublier les versions de Roger Vadim (Les Liaisons dangereuses 1960), Roger Kumble (le teen movie Sexe intentions, 1999) et Josée Dayan (la mini-série de 2003). Le film se présente sous la forme d’une coproduction internationale avec capitaux et équipe technique principalement français, casting anglophone et réalisateur américain d’origine tchèque. Valmont reçut à l’époque un accueil public et critique assez tiède et n’obtint que de rares distinctions, dont une timide nomination au César du meilleur réalisateur. Le temps lui a donné de la patine et il vient d’être restauré sous la supervision de Paul Rassam (coproducteur avec Claude Berri), Sophie Seydoux et Michael Hausman. Sans doute est-ce la liberté avec laquelle Miloš Forman et son scénariste Jean-Claude Carrière ont transposé le matériau initial qui avait déstabilisé de nombreux spectateurs, d’autant plus que le film dégageait une mélancolie et une sécheresse de ton qui contrastaient avec l’humour noir et le rythme effréné du film de Frears. Miloš Forman, qui sortait du triomphe mondial d’Amadeus, s’était-il laissé pris au piège du film en costumes académique ?
- Copyright 1989 PATHE PRODUCTION. TIMOTHY BURRILL PRODUCTIONS. TOUS DROITS RESERVES
On peut mal le concevoir, surtout rétrospectivement. Comme Frears, Forman et son scénariste Jean-Claude Carrière ont voulu rompre avec le caractère épistolaire de la narration. Ils ont été plus loin en tournant le dos au « roman d’artilleur » (le livre était celui d’un stratège militaire qui transposait ses compétences dans le domaine de l’amour), en éliminant des personnages (la prostituée Émilie dont le corps sert d’écritoire), et surtout en optant pour des choix qui tempèrent la personnalité des protagonistes : Valmont est ainsi sincèrement amoureux de Madame de Tourvel, ce qui explique le caractère suicidaire de sa démarche, qui le conduira à un duel absurde et tragique. Quant au dénouement, il est sans rapport avec celui du roman qui devait suivre les règles morales de la censure de l’époque. Par ailleurs, même si le film semble reconstituer le faste du XVIIIe siècle de l’Ancien Régime (les costumes de Theodor Pistek et les décors de Pierre Guffroy n’y sont pas pour rien), Forman a souhaité donner un cadre intemporel à l’intrigue, à l’instar de la démarche initiée dans son chef-d’œuvre Vol au-dessus d’un nid de coucou. Et les aspects prophétiques du roman de Laclos, dont on a dit qu’il annonçait le déclin de la noblesse et la montée des idées révolutionnaires, sont ici purement gommés. Les auteurs ont par contre souhaité conserver la jeunesse et la spontanéité des personnages du livre, mais pour refuser toute distance et intellectualisation dans leurs rapports.
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Et les dangers de l’idéalisme sont ici mis en exergue, davantage que ceux du cynisme : « Mais c’est le plus grand enjeu de la vie ! Chacun, quels que soient son statut social et l’époque à laquelle il vit, grandit avec un certain idéal, une certaine représentation du monde. En un jour, il est confronté à une réalité plus complexe et plus dure, qui met à l’épreuve cet idéal. La réponse qu’il apporte à cette épreuve constitue sa personnalité […] L’affrontement entre l’idéal et l’expérience est ce qu’il y a de plus fascinant dans la vie », avait déclaré Forman. Ces éléments de fidélité ou de liberté d’adaptation ne suffiraient pas à eux seuls à assurer la réussite du film. Valmont frappe par son style à la fois élégant et sobre, et sa capacité à mobiliser les apports d’autres arts comme la musique et la danse, les personnages semblant se mouvoir au cœur d’un véritable ballet. L’œuvre est composée d’un casting dominé par Colin Firth, peut-être le meilleur Valmont de l’écran. Si Annette Bening en fait un peu trop dans la sournoiserie, à l’image de Glenn Close chez Frears, Meg Tilly est d’une délicatesse froide qui sied à son rôle, sans égaler les plus touchantes Tourvel de l’écran que furent Maïa Simon et Michelle Pfeiffer.
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