Le 27 mai 2020
L’histoire de Stephen Hawking réunissait tous les ingrédients d’un chef-d’œuvre métaphysique. Une merveilleuse histoire du temps ne répond pas à cette attente démesurée, mais tient plus humblement la route en tant que mélodrame honnête et divertissant.
- Réalisateur : James Marsh
- Acteurs : Emily Watson, Charlie Cox, Felicity Jones, Simon McBurney, Eddie Redmayne
- Genre : Drame, Biopic
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Universal Pictures France
- Durée : 2h03mn
- Date télé : 12 novembre 2021 23:05
- Chaîne : France 3
- Titre original : The Theory of Everything
- Date de sortie : 21 janvier 2015
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Résumé : 1963, en Angleterre, Stephen, brillant étudiant en cosmologie à l’Université de Cambridge, entend bien donner une réponse simple et efficace au mystère de la création de l’univers. De nouveaux horizons s’ouvrent quand il tombe amoureux d’une étudiante en art, Jane Wilde. Mais le jeune homme, alors dans la fleur de l’âge, se heurte à un diagnostic implacable : une dystrophie neuromusculaire plus connue sous le nom de maladie de Charcot va s’attaquer à ses membres, sa motricité, et son élocution, et finira par le tuer en l’espace de deux ans. Grâce à l’amour indéfectible, le courage et la résolution de Jane, qu’il épouse contre toute attente, ils entament tous les deux un nouveau combat afin de repousser l’inéluctable. Jane l’encourage à terminer son doctorat, et alors qu’ils commencent une vie de famille, Stephen, doctorat en poche va s’attaquer aux recherches sur ce qu’il a de plus précieux : le temps. Alors que son corps se dégrade, son cerveau fait reculer les frontières les plus éloignées de la physique. Ensemble, ils vont révolutionner le monde de la médecine et de la science, pour aller au-delà de ce qu’ils auraient pu imaginer : le vingt et unième siècle.
Critique : L’histoire de Stephen Hawking est passionnante. Bien que prisonnier de son corps (il est atteint de la maladie de Charcot), c’est un des esprits les plus brillants de notre époque. Cette dichotomie corps – esprit est fascinante. Par ailleurs, il travaille sur la plus grande énigme de la science, le Graal absolu : la fameuse théorie du tout. Pour les profanes, on peut résumer la chose de la façon suivante. Einstein a développé la théorie de la relativité générale qui explique le monde macroscopique. A l’opposé de l’échelle des dimensions, la physique quantique explique le monde microscopique. Il s’agit donc désormais de trouver un modèle permettant d’unifier les deux approches. Les scientifiques s’y cassent les dents depuis longtemps. Le trou noir est un objet qui se prête parfaitement à cette quête, car étant infiniment dense et infiniment petit, c’est typiquement un objet qui ne pourra être expliqué que par cette théorie unifiée. Sauf qu’il ne nous dit pas grand-chose puisque du fait de sa très grande gravité, il piège absolument tout, même la lumière, et donc aucune information ne peut en sortir. Or, il se trouve que Stephen Hawking s’est fait connaître par ses travaux sur les trous noirs.
- © Universal Pictures
L’art en général et le cinéma en particulier ne parlent pas suffisamment de science. Il n’y a guère que la science-fiction qui ose imaginer des scénarios aventureux, utilisant les propriétés remarquables observées aux dimensions différentes des nôtres (relativité du temps, univers parallèles, interaction à distance, etc). Mais il n’y a quasiment aucun film qui aborde frontalement le défi lancé par les grandes énigmes scientifiques. C’est dommage, car il y a là une réserve inépuisable de possibilités. Il faut croire que le sujet est trop complexe. Récemment pourtant, Christopher Nolan a très courageusement abordé ce défi avec Interstellar. Certes, son scénario est totalement fantaisiste, mais au moins il a le mérite de créer quelque chose qui, au final, n’est pas si idiot que ça. Il y est question du temps. Celui-ci est effectivement peut-être la clé de la théorie du tout. Et là, on arrive à des abîmes de pensée. Car on croit connaître le temps, mais à y regarder de plus près, on n’y connaît rien. Tous les philosophes ont essayé de le penser sans jamais vraiment le cerner. Le temps est l’énigme absolue. Ce n’est pas qu’une question pour les théoriciens. C’est le sens même de notre existence qu’il met en jeu.
- © Universal Pictures
A partir de toutes ces considérations, on pourrait sans doute faire un chef-d’œuvre d’une histoire de Stephen Hawking, en la liant à l’objet de ses recherches. Mais Une merveilleuse histoire du temps ne répond pas vraiment à ces attentes. On ne peut pas vraiment le lui reprocher d’ailleurs, car comment reprocher à un long métrage de ne pas être un film totalement différent de ce qu’il voulait être ? Ça n’a pas de sens. Non, l’histoire n’évoque que de loin les théories scientifiques modernes. Fondée sur le témoignage de le femme d’Hawking, elle s’attache plutôt à aborder la vie privée du physicien. On y parle de sa maladie, des aspects pratiques qui en découlent, de son couple, de sa famille. C’est un combat de tous les jours, une autre forme de recherche qui se fait en parallèle de la recherche scientifique. Le film a un vrai point de vue sur le temps. Il affirme que la vie se joue avant tout dans l’existence concrète, alors que la quête scientifique a une dimension plus lointaine, plus abstraite et qu’elle ne garantit pas qu’on trouvera quelque chose. On ne dévoilera pas la conclusion du film en disant que finalement Hawking semble prendre conscience que tout ce qui est vraiment important est dans l’histoire de sa vie. C’est quelque part la grande leçon qu’il apprend sur le temps. Le flashback associé a un caractère proustien qui n’est pas inintéressant. L’air de rien, en opposant le temps ressenti au temps scientifique, le film s’inscrit dans la filiation d’une certaine histoire de la pensée sur cette thématique, qui va de Saint Augustin à Bergson. Mais ça n’en fait pas un chef-d’œuvre métaphysique.
Le film a pas mal de défauts. D’abord traduire The theory of everything par Une merveilleuse histoire du temps non seulement trahit un peu l’intention originale, mais fait aussi un peu injure à l’intelligence du spectateur. Ce n’est pas tant le fait de parler de ce sujet qui est choquant que le fait d’utiliser l’adjectif merveilleuse. Cela ressemble à une tentative de fournir une compréhension du film, clé en main. Le procédé manque de finesse. Par ailleurs, le biopic se veut réaliste, mais rate parfois son but. Certes, il nous épargne le conte de fées, puisque l’histoire d’amour du couple s’érode lentement face aux difficultés liées à la maladie de Hawking. Mais certaines scènes sont un peu trop idéalisées. On a ainsi du mal à croire à la séquence de la rencontre. Il est à une soirée étudiante, elle rentre dans la pièce, elle le remarque tout de suite et demande à sa copine qui est ce garçon. On veut bien que les coups de foudre existent, mais là c’est peu crédible. Et puis, les personnages sont un peu trop beaux. On ne se plaindra pas que Jane Hawking soit jouée par Felicity Jones qui est très agréable à regarder, mais cela donne au film un côté roman-photo, notamment lorsqu’elle rencontre son amant, lui aussi joué par un acteur plutôt beau gosse. De plus, la musique est un peu trop envahissante, elle souligne à la truelle les sentiments. Enfin, certains moments sont un peu trop formatés. On pense notamment à la scène de présentation : Hawking et son copain font du vélo à Cambridge, ce qui permet d’introduire le personnage, de dérouler le générique, d’avoir des vues de carte postale sur l’université. On ne compte plus les films hollywoodiens qui insèrent leurs personnages et leur cadre avec ce genre de procédé. Les protagonistes sont bien entendu joyeux : à Hollywood, la joie et l’innocence sont toujours un prélude à la chute.
- © Universal Pictures
Malgré tout cela, le film est agréable à regarder. Il sait ménager, s’avère un suspense domestique plutôt bien ficelé. Et puis, les scènes de crises de Hawking sont glaçantes. On avait oublié ce qu’implique la souffrance d’une maladie dégénérative. L’image publique d’e Hawking ne laisse rien voir de ces aspects. A défaut d’être un grand film scientifique sur le temps, Une merveilleuse histoire du temps distrait en honnête mélodrame.
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