Le 2 mai 2014
- Scénariste : Jim>
- Dessinateur : Mig
- Editeur : Grand Angle
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 1er mars 2014
- Durée : 1
Un Petit Livre Oublié Sur Un Banc, le nouvel opus de Jim dessiné par Mig, nous offre, comme tous bon livre, un voyage. Un voyage en images, au gré des pages, dans la vie d’une femme, les rues d’une ville, le cœur d’un livre. Un voyage intrigant, poétique et un peu fou. Un voyage sans réponses et sans bagages, à part ceux que vous y emmènerez...
Résumé :
Tout commence par un livre laissé sur un banc. Par oubli ? Par choix ? Peu importe, ce livre va croiser la route de Camélia, jeune femme pétillante menant une vie simple et tranquille au côté de Hervé, plus obnubilé par son téléphone que par sa compagne. Camélia a un travail assez routinier, seule sa collègue y apporte un peu de piment. Tout va pour le mieux dans sa vie, pourrait-on dire... Alors pourquoi ce petit livre trouvé sur un banc tracasse-t-il tant la jeune femme ?
Notre avis :
Une accroche simple, dont Jim détient le secret : Que feriez-vous d’un livre trouvé sur un banc et annoté d’un petit mot ? A partir de cette petite idée, Jim a élaboré une histoire de prime abord classique, mais qui nous entraîne par sa simplicité à la suite de sa jeune héroïne et de ce livre mystérieux.
Finalement, le seul problème de la vie de Camélia est sa monotonie. Sa collègue lui ouvre peut-être un autre chemin, mais pas assez pour forcer l’inertie de la jeune femme.
Ce petit livre va tout changer. D’abord intriguée, Camélia va être fascinée, puis de pus en plus obsédée par ce livre et son message. Enfin, le message caché qu’il doit probablement contenir, celui qu’elle veut à tout prix percer.
Et une question se pose rapidement : « Et si Camélia donne un sens à quelque chose qui n’en a pas ? Si elle imagine plus de chose qu’elle n’en vit ? »
On s’identifie rapidement à l’héroïne. Que ferions-nous avec ce livre ? Basculerions-nous comme elle dans la pure obsession ? Toute personne un tant soit peu curieuse peut facilement comprendre ce qui motive Camélia.
La jeune femme, au fur et à mesure de l’histoire, ose de plus en plus, sans jamais trouver de réponses. Elle ne creuse que de nouvelles pistes, souvent infructueuses et du coup, à chaque « échec », elle creuse encore, avec l’espoir de juste trouver une réponse, une oreille, une harmonie. Et nous la suivons, sans hésiter.
Jim arrive avec talent à nous rendre palpable la quête de la jeune femme, sans jamais s’attarder sur les raisons et le sens de son envie, que l’on devine aisément en découvrant sa vie, à moins que...
Le spectateur arrive, tout comme le livre, dans la vie de Camélia. Et tout comme une personne qui s’immisce dans la vie de quelqu’un, nous avons tout à découvrir. Rien ne nous est donné. Dans quelle ville sommes-nous ? Quel est le travail précis de Camélia ? Le nom de ses amis ? Tout son quotidien n’est jamais précisé car, étant sa vie de tous les jours, il n’y a aucune raison de l’expliquer, de le préciser, de le détailler. Il est là, c’est tout.
Faites l’expérience : Écoutez parler deux personnes entre elles qui se connaissent depuis longtemps et qui se sont vus récemment. Vous ne les entendrez jamais se nommer par leurs noms, parler du nom de leur société, de leur poste. Leur quotidien est acquis. A vous de construire, deviner, découvrir, à partir de leurs phrases, qui ils sont et ce qu’ils font.
Créer cette vie avec ses questions, c’est là tout le talent de Jim dans cette histoire.
En regardant bien, on peut même se rendre compte qu’il n’y a pas d’antagoniste, pas d’ennemis, pas de rivales qui sèment la discorde, pas de tensions familiales ni de rancœurs cachées. Aucune des sources classiques d’intrigue. Juste ce ronronnement du quotidien que l’on oublie parfois, ou que l’on ne veut plus entendre. C’est peut-être cela, le drame de Camélia...
Malgré ce choix dramaturgique, on avance dans la lecture avec l’envie de savoir la suite mais aussi l’envie de fermer la BD pour foncer chez notre libraire et lui demander un exemplaire de « A l’ombre des grands saules pleureurs », ou l’envie de ne pas le faire, par peur d’être déçu de découvrir que ce livre n’existe pas. D’ailleurs, nous vous laissons le plaisir de chercher, ou non, à répondre à cette question...
Pour servir la curieuse histoire de Jim, il y a les dessins de Mig.
Dans un style réaliste et très esthétique, Mig travaille à saisir les personnages dans leurs poses du quotidien, les saisir dans l’instant, dans un mouvement, une attitude. Les émotions passent parfois autant par le corps que par le visage.
Par contre, à l’opposé, certains visages s’en trouvent presque caricaturaux. Comme cette femme portant des lunettes au sourire rivé sur le visage et qui garde sans cesse les yeux ouverts, vous fixant sans ciller et qui rappelle ces photos de la bourgeoisie américaine de personnes au sourire déformant le visage et exprimant un surplus de gentillesse qui en devient effrayant. Mais il s’agit là d’un exemple isolé.
Les décors sont très simples, s’estompant rapidement pour céder la place aux personnages et à leurs émotions. Les couleurs prennent un rôle mixte. Elles favorisent ces atmosphères qui renvoient aux sentiments des humains et permettent aussi de poser le décor.
Le cadrage démarre de manière très classique et dès que le livre rencontre Camélia, il change insensiblement. Les cases varient plus, se haussent, se rapetissent, s’étalent, se compactent suivant les situations pour servir le mieux possible les émotions.
Les angles de vue et le découpage savent marquer très discrètement ce temps qui hésite, ces instants de doute, ces regards perdus.
Un poteau électrique, la pluie sur une gouttière, le ciel gris entre deux toits, un éclair qui zèbre le ciel, autant de plans, de cases, qui, reliés à la scène en cours, marque un état, une émotion.
Devant ces petites cases disséminées au long du tome un, je n’ai pas pu m’empêcher de repenser à ces plans de linge séchant au vent, de nuages flottants dans le ciel, de bouilloire sifflante, et aux films d’Ozu où s’insèrent ces images vides de vie, mais pleines de sens.
Un Petit Livre Oublié sur un banc nous conte une histoire qui oscille entre le conte de fées et la descente aux enfers. Mais c’est ce balancement trouble qui nous entraîne avec plaisir et curiosité dans le sillage de Camélia et nous plonge dans l’attente du prochain tome, conclusion de ce récit.
Zéda, frappé par la BD de Jim et Mig, tente une expérience...
Galerie photos
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