Le 11 décembre 2012
Après 21 longues années de maison d’incorrection, passées à conspirer ouvertement contre le bon goût ou les compromissions de son prochain, et surtout après avoir réalisé la plus aboutie (et la plus grandiose) de ses ruades ,Balada Triste, Alex de la Iglesia ne pouvait revenir au cinéma que par une porte dérobée : la petite comédie sociale. Bonne nouvelle : la demi-mesure n’était qu’un leurre, et l’animal taille toujours aussi large.
- Réalisateur : Álex de la Iglesia
- Acteurs : Salma Hayek, Blanca Portillo, José Mota
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Américain, Espagnol, Français
- Durée : 1h35mn
- Titre original : La chispa de la vida
- Date de sortie : 12 décembre 2012
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Après 21 longues années de maison d’incorrection, passées à conspirer ouvertement contre le bon goût ou les compromissions de son prochain, et surtout après avoir réalisé la plus aboutie (et la plus grandiose) de ses ruades , Balada Triste, Alex De La Iglesia ne pouvait revenir au cinéma que par une porte dérobée : la petite comédie sociale. Bonne nouvelle : la demi-mesure n’était qu’un leurre, et l’animal taille toujours aussi large.
L’argument : Ancien publicitaire à succès désormais sans emploi, Roberto ne supporte plus d’être au chômage. Désespéré, il veut faire une surprise à sa femme en l’invitant dans l’hôtel qui fut le théâtre de leur lune de miel. Mais l’établissement a laissé place à un musée, sur le point d’être inauguré et présenté à de nombreux journalistes. Au cours de sa visite, Roberto fait une grave chute... En quelques minutes il devient l’attraction numéro 1 des médias présents et comprend que cet accident pourrait finalement lui être très profitable...
Notre avis : Sachons le, Alex de la Iglesia ne tire jamais à blanc. Mais après avoir envoyé un clown défiguré mordre la main de Franco dans son dernier film, il lui fallait faire le vide au risque de s’étouffer sous ses propres ambitions d’ironiste bouillant. Quoi de mieux, dans ce cas, que le scénario d’un autre (Randy Feldman) et un bon contexte socio-économique pour faire revenir le pouls de ses adeptes à la normale ? Solidement ancré dans la triste actualité espagnole et le joyeux monde des communicants de tout poil, Un Jour De Chance s’ouvre sur la dépression d’un quinqua courant après son âge d’or ou un simple salaire, et la satire d’un royaume des publicitaires déshumanisés que l’on estime d’emblée un peu en deçà des talents de l’entreprise de démolition Iglesia. La cible est facile, et le schéma du « seul contre tous et dans la crise » pas moins bas du front. Oui, mais il se trouve que le papa du Crime Farpait a rangé ses crocs dans le double-fond de son script.
Bien entendu, La Chispa de la vida (en VO) charrie son lot de caricatures ambulantes. Du politicien pressé d’étouffer le scandale au patron de chaine adepte du buzz facile et de la chair facturée, en passant par l’imprésario sans âme de Roberto, chargé de négocier le temps d’antenne de son nouveau produit phare, De La Iglesia grossit les traits au pinceau de chantier. Comme il l’a toujours fait, et comme il continuera à le faire s’il veut garantir le bon ordre des choses. D’ailleurs, toute cette histoire fleurit dans les ruines d’un amphithéâtre romain, et s’autorise donc ainsi les outrances nécessaires au bon déroulement d’une farce cosmico-macabre qui se resserre mais ne perd rien de son allure de spectacle universel au fil des actes.
Quasi-irréelles et globalement archétypales, ces figures d’un monde captivé par son propre naufrage ne sont peut-être là que pour attirer l’attention sur le cœur battant du métrage : la relation entre Roberto et sa femme, jouée par une Salma Hayek qui vient certainement de tomber sur le rôle qu’elle attendait depuis dix ans.
Si le film nous demande d’abord d’épauler moralement Roberto, victime collatérale d’un système qui l’a éjecté de la chaîne pour défaut de fabrication, et centre de toutes les attentions de sa première partie, c’est au personnage de Luisa que, scène après scène, dérapage après dérapage, l’on va s’identifier naturellement. Plus digne et plus lucide que les trois quarts des pantins qui valsent autour d’elle, l’épouse du martyre aveugle se voit confier la lourde tâche de rester une boussole dans la furia des flashs et des opportunismes (le manager de Roberto ira jusqu’à placer des produits autour du corps de son client), tout en prenant la mesure du degré d’intoxication de son mari, qui, en confondant estime sociale et amour du clan, poids de l’argent et poids de la vie, se fait levier de sa propre perte. Le caillou en puissance, somme toute, propose de cirer la chaussure qui l’a (littéralement) propulsé au fond du trou. Et le tout sans pour autant manquer d’amour ou d’intégrité, poussant de la Iglesia dans des abîmes d’ironie poignante qu’il avait rarement atteint.
Un Jour de Chance est un récit magistral, d’une intelligence rare, et un laboratoire des paradoxes du bipède moderne qui n’oublie jamais de compatir - à travers le personnage de Luisa - lorsqu’il ausculte ses patients les plus corrompus, preuves éclatantes qu’il n’existe pas de puissances du mal prêtes à exploiter nos moindres fêlures, mais une armée des ombres dans laquelle chacun s’enrôle au mépris de ses plus bas instincts. Et si le film s’appuie un peu trop souvent sur ce qui ne fait pas sa force (les intrigues secondaires nourries par des personnages qui ne le sont pas moins), sa mise en scène à l’économie parvient toujours à en faire le mélodrame venimeux et le brûlot clinique que l’on attendait d’un homme qui, pour une fois, avait décidé de privilégier le feu de camp au brasier. Reste que tout ça manque quand même de clowns avec des machettes.
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