Promenons dans les bois de Norvège
Le 15 janvier 2012
Avec humour et réalisme, Turn me on réalise l’opération à crâne ouvert de l’adolescence. Décalé à souhait !
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- Réalisateur : Jannicke Systad Jacobsen
- Acteurs : Helene Bergsholm, Malin Bjorhovde
- Genre : Comédie
- Nationalité : Norvégien
- Durée : 1h16mn
- Titre original : Få meg på, for faen
- Date de sortie : 18 janvier 2011
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Avec humour et réalisme, Turn me on réalise l’opération à crâne ouvert de l’adolescence. Décalé à souhait !
L’argument : Alma a 15 ans et vit avec sa mère dans un petit village de Norvège perdu en pleine région des fjords. Elle boit des bières en cachette avec ses copines, fantasme sur le guitariste de la chorale du lycée et fait appel à une hotline un peu spéciale pour satisfaire ses envies d’amour et de sexe. Très vite, néanmoins, ses pulsions lui font perdre pied avec la réalité et les catastrophes commencent !
Notre avis : Premier long métrage de la réalisatrice Jannicke Systad Jacobsen et adaptation du roman à succès du même nom, Turn me on est un film étrange voyageant entre trash et féerie. Dans cet univers du grand Nord, coincé entre les Fjords, Alma s’impatiente de vivre. Ici rien ne bouge si ce n’est les troupeaux de moutons. Le décor est planté : grandir dans les montagnes ça craint ! L’isolement, l’ennui et la solitude, sentiments propres à l’adolescence, sont gravés dans le paysage de Turn me on. Piégée en milieu hostile, Alma et ses copines (Sara et Ingrid) n’ont d’autres choix que de se fréquenter, solidarité oblige. Pourtant tout les oppose. Bientôt une histoire de garçon vient bouleverser l’ordre des choses et pour Alma, désormais brebis galeuse du groupe, la vraie galère commence...
Inspiré d’A Swedish love story de Roy Anderson, Turn me on mélange avec ingéniosité rêve et réalité, qui, loin de se distinguer, se rejoignent et s’entrelacent dans le récit. A l’image, impossible de différencier les moments fictifs des moments effectifs. La narration subjective et fantasmatique calquée sur l’introspectif d’Alma, créé parfois de surréalistes et délirantes situations dont on est heureux de pouvoir sortir le moment venu ! Car sous son visage d’Ange, Alma ne pense qu’à une seule chose : le sexe. Projetés à l’écran, ses désirs tournent à la confusion des genres et les songes deviennent pour elle des vérités. Un trouble qui lui coûte cher. Exclue et ostracisée car ne se conformant par à la cruelle norme adolescente, Alma tourne littéralement en rond dans le cadre. Maison, bus, lycée... les trajets routiniers sont marqués de petits rituels (le doigt d’honneur fait à l’entrée du village, le téléphone rose allongé sur le sol de la cuisine, la bière bue sous l’abribus) devenus désormais, ses seuls espaces de liberté, hors de ses rêves.
Avec ses allures et décors de conte de fées, ses mystérieuses forêts, sa belle au bois dormant, et son prince charmant, Turn me on, a l’innocence des premières fois. Vaporeuse, la lumière éclaire avec douceur et froideur aussi les premiers émois. Une blancheur qui temporise et allège la dureté de cet âge, nommé non sans raison ’’ingrat’’. Ambiance décalée et naturalisme constitue le corps de ce récit abordant sans filtres ni précautions la sexualité bouillonnante des ados de quinze ans. Dans Turn me on, la vie se rythme entre lenteur et précipitation, à l’écoute des émotions.
Le film a été tourné avec un casting local ; les héroïnes, entières et spontanées, sont savoureuses, à l’image des comédiennes dont on se délecte de la fraîcheur. Stéréotypées et étiquettées, Sara (rebelle gothique et militante anti peine de mort), Ingrid (populaire et adoratrice du gloss), et Alma (rêveuse mythomane solitaire) forment une bande hétéroclite, étonnante et pleine d’ironie. L’adolescence sans tabou qu’elles représentent, aussi insolite soit-elle, mérite bien qu’on s’y attarde, au moins pour toute la fantaisie inhérente à cette génération qui crève l’écran.