Le 5 décembre 2018
Sixième collaboration entre Desplechin et Mathieu Amalric, autant de souvenirs de jeunesse...
- Réalisateur : Arnaud Desplechin
- Acteurs : Mathieu Amalric, Dinara Droukarova, Françoise Lebrun, Quentin Dolmaire, Lou Roy Lecollinet
- Genre : Comédie dramatique
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 2h03mn
- Date télé : 26 novembre 2022 20:50
- Chaîne : Ciné+ Frisson
- Box-office : 216 227 entrées France / 88 472 entrées P.P.
- Date de sortie : 20 mai 2015
- Festival : Festival de Cannes 2015
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Résumé : Paul Dédalus va quitter le Tadjikistan. Il se souvient… De son enfance à Roubaix… Des crises de folie de sa mère… Du lien qui l’unissait à son frère Ivan, enfant pieux et violent… Il se souvient… De ses seize ans… De son père, veuf inconsolable… De ce voyage en URSS où une mission clandestine l’avait conduit à offrir sa propre identité à un jeune homme russe… Il se souvient de ses dix-neuf ans, de sa sœur Delphine, de son cousin Bob, des soirées d’alors avec Pénélope, Mehdi et Kovalki, l’ami qui devait le trahir… De ses études à Paris, de sa rencontre avec le docteur Behanzin, de sa vocation naissante pour l’anthropologie… Et surtout, Paul se souvient d’Esther. Elle fut le cœur de sa vie. Doucement, « un cœur fanatique ».
Critique : Arnaud Desplechin retrouve son acteur fétiche Mathieu Almaric pour une sixième collaboration. À cette occasion, l’acteur reprend son rôle de Paul Dedalus, personnage principal de Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) (1996) et qui lui avait valu le César du meilleur espoir masculin. Le film n’a pourtant pas de lien direct avec le précédent, le réalisateur ne faisant que reprendre ce patronyme au titre de "double cinématographique" afin d’évoquer ses propres souvenirs d’enfance à Roubaix (un peu à la manière d’un Antoine Doinel chez François Truffaut).
Le film, bien que recalé de la Sélection Officielle du festival de Cannes 2015 (contrairement à son précédent Jimmy P. sorti en 2013) où il était pourtant pressenti, a laissé une forte impression aux festivaliers qui ont pu le découvrir dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs.
Albert Camus résumait ainsi son livre l’Étranger : « Dans notre société, tout homme qui ne pleure pas à l’enterrement de sa mère risque d’être condamné à mort ».
Après la projection de Trois souvenirs de ma jeunesse il est légitime de se demander si Arnaud Desplechin ne vient pas là de réaliser son propre Étranger, tant la haine qu’éprouve le héros envers sa mère (et dont on cherchera, en vain, tout au long du film, une explication rationnelle qui ne viendra pas) le condamne à rater sa vie, à passer à côté des liens essentiels qu’elle nous offre avec nos semblables (amour, amitié, famille) et à ne jamais réussir à se remettre en question.
Partant de ce postulat de « désamour maternel » (ou premier souvenir ?), le réalisateur semble faire le procès de sa propre jeunesse à travers ce Paul Dédalus arrogant, cynique, et dont l’insensibilité émotionnelle en devient « physique », jusqu’à un dénouement cinglant, où, tel un juge, il proclamerait sa sentence implacable : L’errance et l’envol de ses certitudes.
- © Le Pacte. Tous droits réservés.
Le réalisateur est aidé par deux jeunes acteurs faisant leur debut sur grand écran : un Quentin Dolmaire plein d’assurance et une Lou Roy-Lecollinet composant une « Esther » magnétisante. Il nous plonge dans le Roubaix des années 80 avec rythme et justesse (bien sûr, la bande originale apporte toujours un plus pour cette période-là), le tout imprégné de dialogues incisifs même si un peu trop écrits et déclamés par moment, et accompagné de personnages secondaires tous romanesques.
Le cinéaste présente les pièces à conviction une à une alors que dans le même temps, par une ironie sauvage, il fait de son personnage principal un étudiant en anthropologie… « Il s’étudie lui-même » comme lui répondra l’une de ses camarades. Évidemment, on se doute qu’il y passera toute une vie tant le sujet est complexe…
Car malheureusement pour Paul, de son voyage en URSS (deuxième souvenir) à sa vie estudiantine ponctuée de week-ends à Roubaix (troisième souvenir) jusqu’à un épilogue parisien qui ne lui laisse aucune issue possible, le bien nommé Dédalus se cherche et ne se trouvera probablement jamais, enfermé dans son labyrinthe de certitudes et son dédain pour les autres.
On se dit alors que par le biais de son « film/procès » empreint à la fois de nostalgie mais surtout de remords, le réalisateur nous délivre un cri. Un cri qui fait mal, mais surtout un cri qui alerte, met en garde sur ses propres erreurs de jeunesse ! Car oui, c’est aussi ça le cinéma : faire partager ses émotions et ses expériences de la vie, les bonnes comme les mauvaises ; et de ce point de vue-là, Arnaud Desplechin y arrive avec talent.
Notes : Depuis La Sentinelle en 1992, où il tenait un second rôle, le chemin de Mathieu Amalric n’a eu de cesse de croiser celle de son complice de cinéma, Desplechin. Le parcours de ce dernier s’est effectué tout en discrétion malgré des critiques au diapason, des succès publics réguliers, très parisiens, certes, mais succès réels : Comment je me suis disputé... (1996), Rois et reine (2004), Un conte de Noël (2008), et dans Jimmy P., en 2013, une réussite moindre cette fois.
Trois souvenirs de ma jeunesse, présenté à la Quinzaine, où la discrétion va de pair, est un préquel de Comment je me suis disputé... et se veut comme une nouvelle incursion dans la nébuleuse du cinéaste, qui aime confondre les époques, avançant un cinéma cérébral que n’aurait pas renié Truffaut à qui il emprunte la figure d’un "je" récurrent, Paul Dédalus, son Antoine Doinel à lui.
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– Sélection Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2015
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