Les jours avant demain
Le 14 janvier 2004
Grandir sous le fascisme. Le second roman de la grande auteure italienne dans une nouvelle traduction qui rend justice à sa voix unique.
- Auteur : Natalia Ginzburg
- Editeur : Liana Levi
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Italienne
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Une nouvelle traduction vient enfin rendre justice au second roman [1] de Natalia Ginzburg, présentée souvent - et à juste titre - comme l’un des phares des lettres italiennes. L’auteure évoluait, en compagnie de son mari Leone Ginzburg, dans un milieu résolument antifasciste. Persécuté puis relégué, le couple ne cessera jamais son combat qui se terminera, en 1944, par la mort de Leone Ginzburg dans la prison de Regina Coeli à Rome, établissement de triste mémoire, réservé aux opposants au régime mussolinien. Dès la fin de la guerre, Natalia reprend la plume. Nul esprit de vengeance dans la vocation d’écrivain de cette femme meurtrie. Il ne s’agit pas de régler des comptes, ce qu’elle veut, c’est comprendre le pourquoi et le comment. S’approcher au plus juste de l’âme humaine et débusquer le dérapage, aussi près que possible de la vie comme elle est.
Tous nos hiers suit pas à pas deux familles voisines de la petite bourgeoisie turinoise. Trois enfants d’un côté de la rue, quatre de l’autre. La montée du fascisme et la guerre comme terrain de jeu de leur adolescence. Tout pourrait les rapprocher mais tout va les séparer. Insidieusement. Car ainsi va la vie sur laquelle on a peu de prise, ainsi vont les hasards qui vous mènent ici ou là. Les grands mots finissent par se fracasser contre de petites réalités et on se retrouve, dans la paix retrouvée, avec ses hiers derrière soi. Presque incrédule. Ce serait donc ça, grandir ?
Si le thème peut paraître classique, l’écriture de Natalia Ginzburg ne l’est en rien. Et c’est justement le mérite de la traduction de Nathalie Bauer de nous redonner à lire ce texte dans tout ce qui fait son extraordinaire modernité : une langue formidablement (et faussement) simple, poétiquement répétitive. Un ton d’une telle subtilité et d’une telle originalité qu’aucun auteur italien ne s’en est inspiré depuis. Ginzburg est unique, sa voix est unique, et Tous nos hiers (publié en Italie en 1952) n’a pas pris une ride. Cette fiction annonce ce qui sera, dix ans plus tard, le chef-d’œuvre de Natalia Ginzburg, Les mots de la tribu [2], l’histoire de sa propre famille, juive, piémontaise et antifasciste. Lorsqu’enfin l’auteure aura pu surmonter sa méfiance à l’égard de l’autobiographie...
Natalia Ginzburg, Tous nos hiers (Tutti i nostri ieri, traduit de l’italien par Nathalie Bauer), Liana Levi, coll. "Piccolo", 2003, 409 pages, 13 €
[1] En 1942, Einaudi avait publié son premier roman, La strada che va in città, écrit sous le pseudonyme d’Alessandra Tornimparte (qu’on pourrait traduire par Alessandra Morcelée)
[2] Disponible chez Grasset dans la collection "Cahiers rouges"
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