Drame au soleil
Le 14 août 2024
En tournant sur les terres de Pagnol ce drame en plein soleil souvent considéré comme un précurseur du néoréalisme, Renoir évite le folklore méridional et fait déboucher le documentaire sur la tragédie sans recourir à la dramaturgie forcée.
- Réalisateur : Jean Renoir
- Acteurs : Édouard Delmont, Charles Blavette, Celia Montalván, Jenny Hélia , Andrex, Max Dalban
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Films Marcel Pagnol
- Durée : 1h25mn
- Date de sortie : 22 février 1935
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Toni, immigré italien, trouve du travail dans une carrière près de Martigues et entame une liaison avec Marie, sa logeuse. Il tombe amoureux de Josepha, une espagnole dont l’oncle possède une petite propriété terrienne. Mais la jeune femme est séduite par Albert, le contremaître de Toni, et l’épouse. Albert se désintéresse vite de sa femme et de son enfant, se révélant brutal et intéressé surtout par l’argent de l’oncle...
Critique : Essentiellement tourné en extérieurs dans les environs de Martigues durant l’été 1934, Toni a été produit par Marcel Pagnol. Plusieurs des interprètes principaux du film ont apparu, ou apparaîtront par la suite, dans ceux de l’écrivain-cinéaste provençal (Blavette et Delmont, présents l’année précédente dans l’admirable Joffroi ; Andrex, le mauvais garçon séducteur d’Angèle).
Pourtant, malgré l’accent et le soleil du midi, le film de Renoir ne sacrifie guère au goût de la couleur locale et du (génial) théâtre pagnolien.
S’inspirant d’un fait divers Renoir, évite le crescendo mélodramatique et adopte un style sec, sans emphase, malgré la splendeur de la photo (signée Claude Renoir) et l’indéniable grandeur tragique qui envahit comme par mégarde ce qui ressemble à un documentaire.
Cette recherche de l’authenticité et ce refus de la dramatisation forcée éclatent par exemple dans la séquence où les ouvriers piémontais chantent autour du feu ou dans celle de la tentative de suicide de Marie (Jenny Hélia) : après qu’on ait emporté la jeune femme sauvée de la noyade, la caméra s’attarde un moment encore, laissant entrer dans le champ des badauds qui échangent des commentaires ou un homme qui ouvre son parapluie.
Formidable directeur d’acteurs, Renoir n’autorise jamais ses interprètes, professionnels ou non, à recourir aux ficelles du métier et laisse vivre ses personnages sans les enfermer dans des typologies toutes faites : la coquetterie et l’inconséquence de Josepha ne font pas d’elle une femme fatale et même l’ignoble Albert est plus veule que méchant.
Quant à la virtuosité, souvent époustouflante, des mouvements de caméra, elle n’est pas une fin en soi mais cherche, et parvient, à créer une sensation de précarité atmosphérique, un fort sentiment d’accidentel qui culmine avec la scène vertigineuse où Toni, courant sur le pont métallique, est abattu bêtement par un garde chasse qui semble d’abord le viser par jeu, désireux avant tout de démontrer ses qualités de tireur.
Cette séquence annonce celle de la mort, tout aussi idiote, de l’aviateur dans La règle du jeu.
On a souvent vu dans Toni un film précurseur du néoréalisme. Visconti, qui travailla sur le tournage comme assistant, a toujours reconnu sa dette envers son maître et se souviendra de la leçon renoirienne dans son sublime Ossessione (1942).
– Tournage : été 1934 à Martigues et Châteauneuf-les-Martigues (Bouches-du-Rhône)
– New York Film Critics Circle Awards 1935 : Meilleur film étranger
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.