Le 18 novembre 2022
Cette parabole politique et religieuse est le chef-d’œuvre de Pasolini et conserve son pouvoir de fascination.
- Réalisateur : Pier Paolo Pasolini
- Acteurs : Silvana Mangano, Terence Stamp, Massimo Girotti, Anne Wiazemsky, Laura Betti, Carlo De Mejo, Ninetto Davoli, Adele Cambria
- Genre : Drame, LGBTQIA+
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Tamasa Distribution
- Durée : 1h45mn
- Reprise: 23 novembre 2022
- Titre original : Teorema
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 25 janvier 1969
- Festival : Festival de Venise 1968, Festival de La Rochelle 2022
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Résumé : Une famille de grands bourgeois milanais : le père, la mère, le fils, la fille et une servante. Cette famille mène l’existence de son milieu jusqu’au jour de l’arrivée d’un singulier visiteur. C’est un jeune très beau d’environ vingt-cinq ans, parlant très peu, très aimable. Sa venue va bouleverser la vie de ce foyer.
Critique : Produit par Franco Rossellini et Mano Bolognini, Théorème est l’un des films les plus célèbres de Pasolini, avec L’évangile selon Saint Matthieu et Salò ou les 120 journées de Sodome. Le réalisateur avait aussi écrit un roman éponyme. Sa construction narrative subtile et en apparence étrange est la première qualité de l’œuvre, qui débute par un prologue en guise de faux reportage donnant la parole aux ouvriers d’une usine de la région milanaise, dont on apprendra qu’elle est la propriété de Paolo (Massimo Girotti), un riche industriel. Le récit à proprement parler commence avec la description du quotidien du chef d’entreprise et de sa famille. Lucia, son épouse (Silvana Mangano), trompe son ennui en organisant des réceptions, quand ses deux grands enfants, sages et conformistes, partagent leur morne existence entre leur vie universitaire et le confort familial : le fils a certes des liens de camaraderie avec une bande de joyeux lurons, mais toute fantaisie semble écartée, quand la fille (Anne Wiazemsky) semble peu motivée par une vie amoureuse. Pendant ce temps, la fidèle domestique Emilia (Laura Betti, Mme Pasolini) accomplit ses devoirs professionnels et se mue dans un silence austère, ne riant pas aux facéties du facteur messager (Ninetto Davoli).
- © Tamasa Distribution
L’art de Pasolini éclate déjà dans ces séquences, certaines étant quasiment muettes, mais bercées par l’audacieux mélange musical de Mozart et Ennio Morricone. Le second segment voit l’arrivée d’un séduisant et jeune visiteur (Terence Stamp), dont on ne sait s’il est le fils d’amis de la famille, un voyageur ou un étudiant locataire. Il va progressivement avoir une relation sexuelle puis affective avec tous les membres de la famille (ainsi que Lucia), qui resteront désemparés après son départ prématuré, ce que montre la dernière partie. On a pu dire que Pasolini s’est livré avec ce film à une violente critique contre la bourgeoisie et, partant, de la société de consommation remise en cause en ces dernières années de Trente Glorieuses, rejoignant par là-même la mouvance de plusieurs cinéastes, tels Marco Ferreri avec La grande bouffe quatre ans plus tard. En même temps, l’obscur objet du désir qui apporte bonheur et réconfort à la famille a une dimension christique. Ce n’est pas par libertinage ou manipulation qu’il est proche des deux époux et de leurs enfants, mais par une réelle volonté de satisfaire leurs besoins profonds, y compris spirituels et intellectuels.
- © Tamasa Distribution
Le culot de Théorème est dans cette capacité à proposer une grille de lecture marxiste et chrétienne, en abordant des thèmes tabous à l’époque (l’homosexualité), tout en ayant recours à une mise en scène fascinante, mêlant ascèse romanesque et mystère, peinture sociale et surréalisme. Présenté au Festival de Venise 1968, Théorème sortit en salle quelques mois plus tard et suscita le scandale dans les milieux conservateurs et religieux, qui appelèrent à la censure. Toutefois, la communauté catholique fut partagée, même si majoritairement hostile au film : quand Pasolini se vit instruire un procès pour obscénité (il fut heureusement acquitté), l’Office catholique du cinéma décerna son Grand prix annuel au long métrage. Avec le temps, Théorème conserve sa force plastique et symbolique, même si son caractère subversif s’est forcément émoussé. On reste subjugué par son scénario insolite, ses choix esthétiques (les cadrages de Giuseppe Ruzzolini), et son interprétation sublime, dominée par les très beaux et charismatiques Terence Stamp et Silvana Mangano.
– Reprise en version restaurée : 23 novembre 2022
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