Le 24 novembre 2014
À partir d’un sujet épineux, le conflit entre la Russie et la Tchétchénie à la fin des années 1990, Michel Hazanavicius signe un long métrage insolite, une sorte d’ovni dans le paysage cinématographique français et à mille lieues - au sens propre comme au figuré - de sa filmographie, du moins en apparence...


- Réalisateur : Michel Hazanavicius
- Acteurs : Bérénice Bejo, Annette Bening, Maksim Emelyanov, Abdul Khalim Mamutsiev, Zukhra Duishvili
- Genre : Drame, Film de guerre
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 2h14mn
- Date de sortie : 26 novembre 2014
- Festival : Festival de Cannes 2014

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Résumé : Le film se passe pendant la seconde guerre de Tchétchénie, en 1999. Il raconte, à échelle humaine, quatre destins que la guerre va amener à se croiser. Après l’assassinat de ses parents dans son village, un petit garçon fuit, rejoignant le flot des réfugiés. Il rencontre Carole, chargée de mission pour l’Union européenne. Avec elle, il va doucement revenir à la vie. Parallèlement, Raïssa, sa grande sœur, le recherche activement parmi des civils en exode. De son côté, Kolia, jeune Russe de vingt ans, est enrôlé dans l’armée. Il va petit à petit basculer dans le quotidien de la guerre.
Critique : Une claque. The Search pourrait se résumer ainsi. Après The Artist et son casting franco-français trois étoiles, Hazanavicius effectue un virage à cent quatre-vingts degrés. A vrai dire, personne n’aurait misé sur le succès inespéré de ce film, muet, en noir et blanc, qui rendait alors hommage à tout un pan du cinéma devenu impopulaire... Jusqu’à la consécration ultime, aux Oscars.
- © La Petite Reine / La Classe Américaine / Roger Arpajou
En réalité, le réalisateur a pour habitude de se passionner pour des sujets historiquement boudés du grand public et d’utiliser le cinéma pour ce qu’il considère être, un rassembleur de foules. Et c’est en connaissance de cause que Hazanavicius réattribue une visibilité à la guerre de Tchétchénie. En cela, il semble reprendre le concept de kino-glaz (ciné-œil) cher aux grands Vertov et Eiseinstein et emblématique du cinéma russe des années 1920.
Comme si le sujet ne se suffisait pas à lui-même, Hazanavicius invoque de nouveau, comme il sait si bien le faire, ses qualités de cinéphile averti et ses références les plus inattendues. Et convoque ses talents de réappropriation, de réinterprétation et d’actualisation hors pair. Alors oui, il fallait oser passer de l’artiste maudit à l’orphelin recueilli mais, sans nul doute, Hazanavicius impose son style, sa marque de fabrique à chacun de ses films, aussi dissemblables qu’ils paraissent.
- © La Petite Reine / La Classe Américaine / Roger Arpajou
Car le fil conducteur se nomme bel et bien Bérénice Bejo. Telle une muse, l’actrice honore de sa présence chaque long métrage, sans exception. Et parvient, même au cœur de la guerre, à illuminer chaque plan et adoucir chaque image, sans fard, avec une simplicité et une humilité déconcertantes. En accord parfait avec la réalisation, sobre, épurée, contrastée, aux confins du documentaire, qui dénonce avec justesse l’injustice de la guerre.
Afin de la mettre en lumière, Hazanavicius a choisi de confronter les points de vue des camps adverses. Celui de la Russie, d’une part, à travers ce jeune homme enrôlé malgré lui dans une armée impitoyable, et celui de la Tchétchénie de l’autre, avec ce garçonnet qui assiste au massacre de ses parents. Le regard de l’enfant... Un habile stratagème qui permet l’incarnation de l’innocence et décuple le sentiment de hasard profond.
Quelques réserves à émettre pour The Search, toutefois, concernant un scénario prévisible et la réalité historique des faits. Puisque, si Hazanavicius manie à la perfection l’art du cinéma, l’aspect narratif et romancé représentent en lui-même une faille. Qu’à cela ne tienne, la petite histoire dans la grande fait toujours son effet. En fin de compte, The Search, c’est du solide.