La brute et le cinglé
Le 20 juillet 2011
Le rythme de Jason Bourne dans une intrigue tragico-comico-policière, à la sauce Séoul : amateurs d’action, d’absurde et de scènes de bagarre à la hachette, bienvenus chez Na Hong-jin.
- Réalisateur : Na Hong-jin
- Acteurs : Ha Jung-woo , Kim Yun-seok, Jo Seong-ha
- Genre : Thriller
- Nationalité : Sud-coréen
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 2h20mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 20 juillet 2011
- Plus d'informations : Histoire du Polar au cinéma
- Festival : Festival de Cannes 2011
Résumé : Yanji, ville chinoise de la Préfecture de Yanbian, coincée entre la Corée du Nord et la Russie, où vivent quelques 800 000 Sino-coréens surnommés les « Joseon-Jok. » 50 % de cette population vit d’activités illégales. Gu-nam, chauffeur de taxi, y mène une existence misérable. Depuis six mois, il est sans nouvelles de sa femme, partie en Corée du Sud pour chercher du travail. Myun, un parrain local, lui propose de l’aider à passer en Corée pour la retrouver et même de rembourser ses dettes de jeu. En contrepartie il devra simplement... y assassiner un inconnu. Mais rien ne se passera comme prévu...
Critique : L’intrigue de The murderer tient en quelques lignes. Et en quelques cinq mille plans. Ce qui confirme Na Hong-jin dans le rôle de boulimique d’images, qu’il avait déjà commencé à endosser avec The Chaser. Un peu à la manière de Paul Greengrass et du style adopté pour la trilogie de Jason Bourne, le cinéaste multiplie les angles de caméra, les prises de vue frénétiques, et adopte un montage cut vertigineux, qui tranche à vif dans les scènes - à un point si aigu qu’on frôle à certains moments un motif abstrait, comme dans la course-poursuite entre le protagoniste et son faux bienfaiteur. Mais là où les blockbusters hollywoodiens se servent de ce rythme épileptique pour dynamiser les scènes d’action, Na Hong-jin systématise cette technique, jusqu’à en faire une sorte de règle visuelle : peu importe ce que l’on voit - une action banale, des gestes quotidiens une rencontre -, il faut tout voir. Ce principe révèle progressivement l’habileté du réalisateur, car c’est du coup l’image qui pallie le manque d’inventivité du scénario : le moindre fait (aller chercher à manger au supermarché !) nous fait soupçonner une scène de suspense, et nous sommes constamment lancés sur des fausses pistes (on voit ce que le personnage a vu, mais lui-même se trompe, ou bien nous ne voyons pas ce qu’il y a à voir...). Comme dans The Chaser, c’est surtout avec son spectateur que joue Na Hong-jin, de façon roublarde et décalée ; tout se tient entre le « trop » de certaines scènes et le « pas assez » des autres. Reprenant le flambeau un peu essoufflé depuis quelque temps de son confrère Park Chan-woo, le cinéaste déploie une violence démesurée, outrancière, qui se voit parfois dégonflée totalement lors d’une ellipse géniale ou d’un masque sur l’image
- © Le Pacte
The Murderer a le piquant de cette génération de cinéastes coréens qui, la caméra à la main et le culot dans leur poche, n’hésitent plus devant l’humour noir, l’absurde ou le ridicule (et c’est à peine un hasard si l’on retrouve dans l’équipe du film le monteur de Bong Joon-ho, Kim Sun-min). Amusant ou agaçant, cet amour du burlesque des bas-fonds et des égouts se retrouve essentiellement dans le jeu des acteurs (deux superstars coréennes, déjà présentes dans The Chaser), qui portent parfois le ton du film à la frontière du cartoon. Il serait abusif de faire du film une radiographie de la société coréenne ; pourtant, comme The Host ou Old Boy à leur manière, l’univers glauque et cruel du récit met en relief les travers grotesques des comportements. Moins féroce sur la police que le premier opus, The Murderer porte un regard intéressant et sans manichéisme sur la question des migrants - et de ceux qui les exploitent. Présenté à Cannes dans la sélection « Un Certain Regard », le film l’a cédé à Arirang, du compatriote Kim Ki-duk ; entre les deux films, quasiment rien de commun, et pourtant... Des personnages toujours « au fond du trou », qui expriment une sorte de mélancolie fataliste ; les « regards » coréens pourraient bien, même inconsciemment, s’être croisés un instant.
- © Le Pacte
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Jujulcactus 30 juillet 2011
The Murderer - Na Hong-jin - critique
Ce n’est que son deuxième film et pourtant l’attente était grande, Hong-jin Na avait marqué les esprits en 2009 par sa maîtrise avec « The Chaser », le revoilà avec un nouveau thriller noir mais assez éloigné de son premier essai. Les deux tiers du film se tiennent extrêmement bien, l’écriture est cohérente, le travail sur l’ambiance prodigieux, la critique sociale fine, mais le réalisateur s’enflamme un peu sur la dernière partie... Laissant de côté son travail de réalisme pour baigner son film de scènes d’action époustouflantes, de courses poursuites à n’en plus finir et de combats bourrins à l’arme blanche. Mais sa maîtrise incroyable lui permet de nous tenir en haleine d’un bout un l’autre de son oeuvre pourtant assez complexe (notamment par le nombre de personnages), il nous fait douter, nous communique sa soif de grand cinéma, de « cinema spectacle », et on en ressort le souffle coupé ! La partition des deux interprètes principaux (les mêmes que dans « The Chaser ») est en tout point remarquable, ils dégagent deux caractères opposés qui inspirent l’attachement malgré leurs excès de violence, l’un parce qu’il semble en détresse, l’autre parce que sa nonchalance à un fort ressort comique. Contrairement à « I saw the devil » sorti il y a seulement deux semaines, le casting est parfaitement exploité, fait ressortir des émotions et apporte une réelle profondeur à l’intrigue. Les deux films partagent néanmoins un trait commun puisque les deux personnages principaux deviennent des animaux au contact de d’autres animaux, il y a une bestialité progressive dans les comportements et dans la violence (à l’image des chiens que l’on voit se battre au début du film). Mais dans « The Murderer » ça ne constitue pas le seul fil conducteur, le récit est plus dense et on sent la hargne des personnages, on s’épuise avec eux contrairement au film de Kim Jee-won. Intéressant de voir comment dans cette oeuvre sombre et poisseuse, Hong-jin Na arrive à distiller une forme d’humour, basée sur l’absurde (autour des flics comme toujours chez les coréens) et la violence (un tel fraca final, prête à sourire). On est assez loin de son premier film, devenu quasi instantanément un classique du genre, l’orientation de « divertissement » surprend mais l’efficacité impressionne et tient sans temps mort les presque 2h30 de pellicule. Il s’agit assurément d’un des films les plus haletant de ces dernières années !
roger w 8 août 2011
The Murderer - Na Hong-jin - critique
Très bon polar magistralement réalisé, The murderer tient en haleine de bout en bout, même si une légère lassitude se fait jour dans les dernières minutes. On est une fois de plus estomaqué par le savoir-faire sud-coréen. Un must.