Hiver glacial
Le 5 novembre 2013
Une réalisation russe indépendante… parfois maladroite mais chargée d’intentions et de panache.
- Réalisateur : Yury Bykov
- Acteurs : Denis Shevod, Irina Nizina, Ilya Isaev
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Russe
- Durée : 1h39
- Titre original : The Major
- Date de sortie : 6 novembre 2013
- Festival : L’Etrange Festival 2013
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Une réalisation russe indépendante… parfois maladroite mais chargée d’intentions et de panache.
L’argument : Durant un hiver rude emblématique de la Russie, le Capitaine Sergueï Sobolev se rue vers l’hôpital où sa femme est en train d’accoucher. Bien trop concentré sur sa propre exaltation, le capitaine heurte un enfant qui décède sur le coup. Paniqué, l’homme appelle ses collègues à la rescousse. Ces derniers, dès leur arrivée, prennent les choses en main et ne reculent devant rien pour soudoyer la mère éplorée. Mais c’est sans compter sur la détermination de la famille pour faire éclater la vérité au grand jour, dans un pays rongé par le vice.
Notre avis : The major est le deuxième long métrage de Youri Bykov, en quelque sorte un pendant russe de Robert Rodriguez, qui débute sur le terrain du film indépendant et qui surtout, officie sur plusieurs postes à l’instar du mexicain : il est auteur, réalisateur, acteur, compositeur et monteur. Jeune diplômé du VGIK, il faudra probablement compter sur ce réalisateur durant les années à venir. Car en dépit des influences "seventies" qu’il met en avant dans ses interviews, Bykov est finalement plus proche des néoréalistes américains influents que des auteurs emblématiques du classicisme hollywoodien.
La tendance de certains films de genre tournés loin du pays de L’oncle Sam, est qu’ils ont parfois tendance à singer les canons du genre plutôt qu’à leur offrir une belle révérence. On se souvient de The Murderer, qui en dépit de ses nombreuses qualités proposait une scène de poursuite maîtrisée, mais qui n’en contrefaisait pas moins la scène finale de l’excellente Vengeance dans la peau de Paul Greengrass. On pourrait également citer des films tournés dans l’hexagone, qui vont jusqu’à "copier coller" certaines scènes du cinéma américain au plan près. Cette tendance à s’approprier le cinéma de genre, sans pleinement s’en affranchir se fait ressentir dans The Major. L’illustration des scènes de tension du film par une musique Post-rock aux harmoniques stridentes rappellent bien évidemment Michael Mann. L’utilisation d’une vitesse d’obturation élevée lors des captations à l’épaule de scènes de poursuites pillent autant Alfonso Cuarón, que Spielberg ou encore Joe Carnahan ainsi que l’ensemble des néoréalistes susnommés. Quant au découpage des scènes d’actions, alternant les coupes rapides et les longs mouvements à l’épaule (proches des plans séquences) il reste parfois proche de ceux des Fils de l’homme, des Bourne et autres actioners artistiquement aboutis.
Toutefois, alors que chez nombre de contemporains cette faiblesse noie le film sous des lieux communs perdant rapidement le spectateur dans son immersion, le film de Youri Bykov sait également se ménager des chemins cinématographiques salvateurs. Le principal, restant son ambition de faire le "point" sur une Russie plus que jamais gangrenée par la corruption. Effectivement, jamais l’auteur n’est avare en dénonciations éthiques de son pays, qu’il dépeint par une captation de l’air du temps précise et engagée. Comme le stipule le jeune cinéaste "La censure en Russie, c’est l’indifférence". De cette formule, il va développer l’axe très captivant de son métrage : sa présence à l’écran qu’il va utiliser comme un moyen d’animer les curseurs de sa délation.
En se positionnant comme l’opposant du récit, au sens scénaristique du terme, Bykov va créer un climat d’inéluctabilité pour le moins pertinent. La spirale dans laquelle va se retrouver son fameux Major, interprété avec conviction par Denis Chvédov, tend autant vers le thriller dépressif que vers la sédition par le médium cinéma. Le cheminement du film va progressivement passer du postulat un peu basique (des policiers ripoux qui usent de leurs plaques) à la peinture d’une chute annoncée : celle d’hommes, censément de loi, traversant un récit jusqu’au-boutiste, sombre et pessimiste. Ce qui emporte finalement l’adhésion, c’est la façon dont Youri Bykov nimbe ses personnages d’un voile de fatalité presque shakespearienne, soulignant la lucidité du réalisateur. Son film ne sera qu’une goutte d’eau dans la divulgation de la corruption en Russie, et le combat forcément perdu d’avance. De cet état de fait, voir un jeune auteur russe utiliser les codes du thriller dépressif pour la noble cause de la dénonciation, vaut bien qu’on lui pardonne quelques fausses notes vraisemblablement liées au bel âge.
- Crédits : Zootropefilms
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