Vibroboy
Le 6 septembre 2014
Qui veut une pincée de nihilisme dans sa vision apocalyptique ? Film semi-amateur profondément dérangeant, Tetsuo pose toutes les bases de l’œuvre de Shinya Tsukamoto avec la subtilité d’une explosion atomique.
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- Réalisateur : Shinya Tsukamoto
- Acteurs : Shinya Tsukamoto, Renji Ishibashi, Tomorō Taguchi, Kei Fujiwara, Nobu Kanaoka
- Genre : Drame, Science-fiction, Fantastique, Épouvante-horreur, Expérimental, Noir et blanc, Trash, Moyen métrage
- Distributeur : Carlotta Films, Action Gitanes
- Durée : 1h07mn
- Reprise: 17 mai 2023
- Box-office : 3.331 entrées Paris Périphérie
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 5 octobre 1994
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– Année de production : 1989
– Reprise en version restaurée : 17 mai 2023
– Sortie en 1994 couplée avec Vibroboy, par le distributeur Action Gitanes.
Résumé : Un salaryman japonais mal dans sa peau renverse en voiture un fétichiste du métal qui vient de s’insérer une barre de fer dans la cuisse. Suite à cet accident, le corps du premier se met à muter, absorbant tous les objets métalliques aux alentours.
Critique : Personnage activiste culte de la sous-culture japonaise, Tsukamoto a porté de nombreuses casquettes. Sa filmographie va du drame intimiste (Snake of June) au film d’horreur de commande (Gemini), en passant par des apparitions dans les films de Takashi Miike et les jeux-vidéo de Hideo Kojima. À travers ce moyen-métrage (à peine plus d’une heure), le réalisateur alors amateur se livre à un gigantesque détournement de la culture populaire japonaise de la fin des années 1980.
- © Carlotta Films
Tetsuo est produit sous l’égide de la société « Kaiju Theater », une référence aux monstres géants très prisés au Japon. Tourné sur de nombreux mois avec un micro-budget et filmé dans un 16 mm granuleux, le rendu visuel de ce film en noir est blanc est pourtant spectaculaire malgré ses modestes origines. Des séquences entières sont entièrement réalisées en stop-motion pour un résultat saisissant, magnifié par la bande sonore tonitruante, véritable tour de force avant-gardiste de musique industrielle. Tetsuo s’ouvre via un plagiat plan par plan d’un film de Godzilla des années 70. Quant au titre, il ne désigne pas nécessairement le personnage principal, qui n’est jamais nommé. C’est avant tout un hommage au manga culte Akira qui avait choqué le Japon quelques années auparavant et dans lequel Tokyo était atomisée à deux reprises.
- © Carlotta Films
Mais Tetsuo est loin d’être un film qui aligne les références pour bomber le torse et faire des clins d’œil à ses spectateurs les plus attentifs. Il s’agit d’une œuvre pulsionnelle et animale construite à l’image de son protagoniste qui absorbe tout ce qui l’entoure pour devenir une créature informe et haineuse. Les images du Japon de l’époque sont ainsi brutalement recrachées sur l’écran, corrompues à jamais. Tetsuo est sans morale ni but précis, il s’agit de la projection des pensées frustrées et nihilistes emmagasinées par Tsukamoto durant de longues années. À la fois film amateur et chef-d’œuvre punk, Tetsuo est un voyage sans retour au pays des salarymen sous pression. Une expérience hallucinogène sans concession dans son exploration de la souffrance mais pourtant étrangement libératrice.