Les yeux de Tatsumi
Le 6 février 2012
Une vie dans les marges d’un magaka...
- Réalisateur : Eric Khoo
- Genre : Drame, Biopic, Animation
- Nationalité : Singapourien
- Durée : 1h36mn
- Titre original : Tatsumi
- Date de sortie : 1er février 2012
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Une vie dans les marges d’un magaka...
L’argument : Tatsumi célèbre l’œuvre et la vie du mangaka japonais Yoshihiro Tatsumi. Dans le Japon occupé de l’immédiat après-guerre, la passion du jeune Tatsumi pour la bande dessinée deviendra finalement le moyen d’aider sa famille dans le besoin. Publié dès l’adolescence, sa rencontre avec son idole Osamu Tezuka, le célèbre mangaka comparé à Disney, lui offrira une source d’inspiration supplémentaire. Malgré un succès constant, Tatsumi va remettre en question le manga qui n’offre aux enfants que des scénarios et des dessins au contenu mièvre et sot. En 1957, il va inventer le terme gekiga (littéralement "images dramatiques"), développant ainsi une nouvelle forme de manga destinée à un public adulte. Fortement influencé par les thématiques du cinéma néo-réaliste, Tatsumi nous offre une vision du Japon de l’après-guerre.
Notre avis : Issu de la génération d’artistes japonais d’après-guerre, à laquelle on doit également le cinéaste Hayao Miyazaki, Yoshihiro Tatsumi est une icône. Créateur d’un nouveau genre de manga dans les années 1950, cet auteur emblématique est à l’origine du mouvement « gekiga », qui fait référence aux bande-dessinées pour adultes. Tout en respectant scrupuleusement le style rigoureux de l’artiste, le Singapourien Eric Khoo (Be with me, My magic) adapte avec Tatsumi cinq oeuvres du légendaire dessinateur, qu’il brode autour d’extraits de sa biographie : Une vie à la dérive.
Premier long-métrage d’animation du cinéaste, Tatsumi est une surprenante réussite. Oeuvre ambitieuse soulignée par un budget restreint, le film trouve naturellement son équilibre dans le traitement minimaliste de l’image et du son. En préservant le dessin monochrome d’origine, Eric Khoo introduit le spectateur dans d’intimistes tableaux où s’estompent des teintes noires, blanches, grisées ou sépias. Yoshihiro Tatsumi assure lui-même la voix-off sur les segments biographiques du long-métrage, puis laisse son art seul s’exprimer.
Les cinq fictions adaptées retracent chacune les tourments d’existences torturées. Chargé d’un pessimisme et d’une ironie presque douloureuse, Tatsumi se revendique à la fois biographie, recueil de courts-métrages et dessin animé-pour adultes. Avec pour envers du décor les travers d’un Japon pernicieux, le long-métrage s’attarde sur une myriade de thèmes essentiels, nécessairement troublants. Baignée d’un cruel humour noir, l’oeuvre raille de nombreux tabous, parmi lesquels les relations interraciales, la prostitution, Hiroshima, l’inceste...
Le premier épisode intitulé « L’enfer » est une lugubre chronique de la dévastation causée par la bombe atomique. Sous l’apparente bénignité d’une photographie d’une mère et son fils se cache en fait une atrocité que le monde se refuse à voir. « Monkey, mon amour » relate la solitude d’un ouvrier qui perd successivement sa fierté, son bras, ses espoirs et son unique compagnon. « Juste un homme » dépeint la hargne d’un retraité, las de subvenir aux besoins de parents voraces, qui dilapide sa fortune. « Occupé » s’intéresse aux mécanismes de l’obsession et à la déchéance d’un dessinateur arrêté pour ses graffitis obscènes. « Goodbye » est le parfait bouquet final, mettant en scène les souffrances d’une prostituée auprès de l’armée américaine.
Feu d’artifice visuel à l’expressivité désabusée, Tatsumi est une brillante adaptation de mangas tout aussi remarquables. Une preuve de la beauté du désenchantement.
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