Le 18 octobre 2012
- Acteur : Sylvia Kristel
La mort de Sylvia Kristel vous a ému ? Mais connaissez-vous au moins sa carrière ? Retour sur une filmographie méconnue...
La mort de Sylvia Kristel vous a ému ? Mais connaissez-vous au moins sa carrière ? Retour sur une filmographie méconnue...
Artiste jusque dans le pinceau de peintre, Sylvia Kristel a indéniablement marqué toute une génération de cinéphiles. Porte-parole involontaire et non préparée d’une société qui basculait d’une certaine répression des moeurs vers un relâchement total, elle incarnait dans les années 70, à travers son personnage récurrent d’Emmanuelle, une femme libérée dans sa sexualité, ouverte aux expériences.
Mai 1968, les hippies et le porno. La société patriarcale est ébranlée dans ses fondements et les jeunes se font la voix d’un renouveau. La sexualité n’est plus masquée d’interdits, mais vécue de manière frontale au cinéma. Des scènes non simulées se multiplient partout sur le globe, mais un prénom reste sur toutes les lèvres en 1974, celui d’Emmanuelle incarnée par l’actrice néerlandaise toute fraîche, Sylvia Kristel.
Point de hard dans ces aventures épanouissantes d’une femme qui n’est plus confinée à la cuisine et au domestique (!), désormais, le sexe dit faible s’envole pour des contrées plus lointaines vivre des aventures de grande réjouissance.
Emmanuelle reste plus de 13 ans à l’affiche en continu sur les Champs Elysées, réalisant plus de 2.788.000 entrées à Paris. Un score irrationnel quand on est face à son aboutissement artistique ; sur toute la France, c’est pas moins de 8.900.000 curieux - visiteurs en solo, couples ou amis -, qui sont allés toucher le phénomène du bout du sein. Des pointes dans certaines régions françaises, comme en Roussillon, où des caravanes d’Espagnols se succèdent à la frontière pour braver l’interdit imposé par Franco.
Sylvia Kristel devient le symbole d’une époque et enchaîne les supercheries érotiques. Emmanuelle 2 en 1978 est le film à caractère sexuel qui domine le box-office libertin avec 2.249.000 entrées, mais seulement 481.000 parisiens. La chute est rude. Que s’est-il passé ? Le cinéma porno s’est tout simplement généralisé. La même année, des produits X comme Veuves en chaleurs, Triples introductions, Je cris, je jouis et Lèche-moi partout dépassent les 100.000 entrées sur la capitale ! Emmanuelle et Sylvia Kristel pourraient alors aller se rhabiller, mais non, la franchise se poursuit avec un 3e volet immédiat, intitulé Good-bye Emmanuelle : 990.000 entrées France, score nul pour un raté cinématographique, et sur Paris, seulement 296.000 tickets vendus. La chute est rude. On est encore en 78 et c’est en est trop pour la comédienne à qui l’on somme de regagner le vestiaire.
Pourtant, Sylvia Kristel, née en 1952, somptueuse, loin de la vulgarité pornographique, est encore partout, y compris en couverture de Première magazine. Elle tourne à tout-va, y compris chez des auteurs inattendus. On la croise en 74 chez Mocky (Un linceul n’a pas de poche), chez Chabrol dans Alice ou la dernière fugue en 1977, une virée onirique et fantastique qui ne séduit pas les spectateurs. On n’oubliera pas en 1977 le très bon René la Canne de Francis Girod où elle donne la vedette à Piccoli et Depardieu. En 1980, elle côtoie Alain Delon dans un film catastrophe (et catastrophique) qui alignait les grands noms : Airport 80. Dans Le cinquième mousquetaire, elle rencontre son époux, le réalisateur Ken Annakin. Le film n’est pas un succès malgré la présence de Ursula Andress, Beau Bridges et, en second rôle Olivia de Havilland. Le mariage tourne au drame hollywoodien.
On la croise en 1979 dans une comédie italienne coquine, Les Monstresses ou en 1980 dans la production américaine de Clive Donner, Le plus secret des agents secrets ou dans la comédie sexy Leçons très particulières où elle émancipe un adolescent. Rien n’y fait, le succès ne revient pas. Elle qui, en 1981, décide de tourner la page du sexe à l’air libre, revient à de l’érotisme bourgeois et propret dans une production internationale tournée par son mentor, donc le réalisateur d’Emmanuelle, Just Jaeckin, L’amant de Lady Chatterley d’après D. H. Lawrence.
Cette adaptation littéraire sensuelle, mais un peu molle, est l’un derniers grands fleurons du genre érotique et permet à l’actrice de rebondir avec plus d’un 1.180.000 fans. L’érotisme est léger ; elle ne se met point en danger.
Désormais plus que jamais dénigrée dans le cinéma français qui refuse de l’employer ailleurs que dans de l’érotisme, Kristel passe son temps à l’étranger où elle connaît une forte période d’addiction à la cocaïne, alors très à la mode. Est-ce pour cela qu’on l’aperçoit en 1984 dans Emmanuelle 4, en 3D ? Une présence symbolique (comme celle de Luchini ?) puisqu’elle y vient tendre le flambeau à la belle Mya Nigren, le temps d’une opération chirurgicale qui permet au personnage de changer de visage... Par la suite, si on ne la retrouve pas dans les Emmanuelle 5 & 6 nanardesques, elle fait des apparitions dans le téléfilm Emmanuelle au 7e ciel et sert de narratrice à la série télévisée rose mettant en scène le personnage crée par Emmanuelle Arsan.
Plus tournée vers d’autres formes d’art, la peinture notamment, Sylvia Kristel n’a plus d’ambition de comédienne et donne dans l’alimentaire : des apparitions dans une production Cannon de qualité misérable (Mata Hari) (1985) et un film d’exploitation teuton avec Linda Blair (Chaleur rouge) (1986)... L’actrice a tout connu : la faim, la drogue, l’alcoolisme, les escroqueries d’un mari, le seau de l’infamie jeté volontiers par le microcosme du cinéma français...
Dans les années 2000, les problèmes de santé se multiplient. Cancer de la gorge, du poumon... En 2012, elle succombe après un long combat contre la maladie, et après un A.V.C. en juin. Outre son autobiographie rocambolesque, publiée en 2006, on gardera à l’esprit les souvenirs incroyables de beauté que nous laisse Sylvia Kristel, le sex-symbol de plusieurs générations de cinéphiles. Elle, la quintessence d’une époque, dont la vie martelée par le triomphe planétaire d’un seul personnage deviendra vite un enfer, mérite bien plus que notre respect. Nous ne devrons plus jamais l’oublier.
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