On dirait le sud
Le 2 juillet 2012
Un regard sur l’adolescence criant de vérité qui confirme tout le brio de la production indépendante américaine.
- Réalisateur : Matthew Gordon
- Acteurs : William Ruffin, John Alex Nunnery, Patrick Rutherford
- Genre : Drame, Aventures
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h13mn
- Titre original : The dynamiter
- Date de sortie : 4 juillet 2012
- Plus d'informations : Le site du distributeur
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Présenté en compétition au Festival du film américain de Deauville 2011, The Dynamiter de Matthew Gordon nage dans les eaux troubles du Mississippi et bataille à contre-courant pour imposer l’image d’une autre Amérique, celle d’une famille à la dérive.
L’argument : Robbie, un adolescent de quatorze ans, nourrit secrètement l’espoir de réunir la famille qu’il n’a jamais connue. Délaissé par sa mère et de père inconnu, il veille au quotidien sur Fess, son jeune demi-frère. Ensemble, ils passent le temps en trainant dans les champs de coton ensoleillés et le distributeur de sodas de la vieille station essence de leur petite ville du Missippi. Un jour leur grand frère Lucas est de retour à la maison. Le rêve de Robbie de reconstruire une famille se dessine enfin.
Notre avis : Il était une fois le Mississippi. Pas le fleuve mythique chargé de bateaux à vapeurs et de pépites d’or, non. Celui des bords de rive. Sur la terre ferme, les laissés-pour-compte du rêve américain croupissent dans l’humidité, la chaleur, et la pauvreté. Détenant le taux record de chômage, le vieil état semble avoir arrêté sa croissance. Au milieu de la nature luxuriante, quelques bicoques chancelantes et des routes désertées. Sur l’une d’elle, un adolescent de quatorze ans traîne sa peine d’enfant oublié. C’est Robbie. A la maison, il partage son temps entre la grand-mère à s’occuper et le demi-frère à consoler depuis que sa mère s’est fait la malle en Californie. Alors forcément, l’école ce n’est pas sa priorité. Le directeur lui fait savoir et lui demande de se recadrer. Pour passer au lycée, il faudra disserter sur le sujet de son choix. Robbie commence alors à noter ses envies et ses désillusions grandissantes, jour après jour, au compte-goutte. Un matin, son frère aîné revient à la maison. Robbie se prend alors à rêver d’une famille normale.
Summertime est un film de famille, littéralement. Monté hors des parcours habituels et entièrement financé de la poche du cinéaste et de ses proches, l’oeuvre frappe par sa très grande liberté. Venu sur le tard au cinéma, Matthew Gordon est avant tout un fervent militant et un documenteur hors pair. Son premier film, Novi Sad, chronique d’une jeunesse Serbe en guerre, pose déjà la ligne de sa cinématographie : creuser le sujet jusqu’à l’os et en découvrir la substantifique moelle. Une opération plutôt réussie puisque Summertime excelle dans l’art de la peinture réaliste, alternant les scènes de désoeuvrement et d’affrontements, rythmées sur le mode de la tension. Bouillonnant et contracté, Summertime découvre la chair à vif. Sur les paysages alanguis de l’étouffante chaleur plane un orage prêt à éclater : Robbie (Willia Ruffin). Entre la force tranquille et la violence sourde, le corps de Robbie est en transition. Déjà plus un enfant mais pas tout un fait un homme, il se débat pour survivre. Pas le temps pour la rêverie. Et quand son aîné âgé de vingt ans légume devant la télé, Robbie lui, prend un job ingrat à la station service. Dans Summertime les rôles s’inversent et l’absurdité du monde se décline sur le mode de l’opposition. Un contraste qui motorise le récit, la lutte entre l’obscurité du propos et l’aveuglante lumière du cadre enflammant la rétine d’un spectateur plongé sur le ring, au plus près des personnages. Matthew Gordon ne ménage pas, il réveille les consciences. Et tant pis si c’est brutal et insupportable, ici les longueurs font partie du jeu. Il faut, comme Robbie, endurer le cruel enracinement à cette terre que rien ne vient jamais assécher.
Attentif au cadre et méticuleux dans le travail de la lumière, Matthew est un cinéaste plastique, rôdant autour de ses héros comme un chasseur autour de sa proie. Jetés en milieu hostile, Robbie et son frère affrontent la vie à coups de bâton. Le grand protège le petit, n’hésitant pas à se sacrifier pour préserver son innocence. Farouche, fatal et paradoxalement gorgé d’espoir, Summertime est une tragédie funeste. Cadrages heurtés, lumières brûlante, bestialité des sentiments, le corps y est mis à rude épreuve. L’interprétation épidermique, affective et sauvage de William Ruffin (Robbie) et Patrick Rutherford (l’aîné), impose au film une intensité sans filtre. Il manque encore au cinéaste un peu de bouteille pour atteindre le sommet de son art, Summertime flottant trop souvent en surface quand les sentiments s’approfondissent. Reste malgré tout une jolie production indépendante, révoltée et criante de vérité, explorant à travers champs la déroute initiatique d’un jeune adolescent.
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