Johnny est de retour !
Le 11 juillet 2024
En abordant un genre parfois confiné à la série B, le film d’horreur, Kubrick laisse sur le spectateur une empreinte marquante, rendue inoubliable et terrifiante par un Jack Nicholson génial de démence.
- Réalisateur : Stanley Kubrick
- Acteurs : Jack Nicholson, Shelley Duvall, Danny Lloyd, Scatman Crothers, Barry Nelson, Anne Jackson, Joe Turkel
- Genre : Thriller, Épouvante-horreur
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 2h00mn
- Date télé : 24 mars 2024 22:30
- Chaîne : RTL9
- Reprise: 22 mai 2019
- Box-office : 2.527.937 entrées France
- Titre original : The Shining
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 16 octobre 1980
- Voir le dossier : Stephen King
Résumé : Jack Torrance, gardien d’un hôtel fermé l’hiver, sa femme et son fils Danny s’apprêtent à vivre de longs mois de solitude. Danny, qui possède un don de médium, le "Shining", est effrayé à l’idée d’habiter ce lieu, théâtre marqué par de terribles évènements passés...
Critique : Un hôtel désert du Colorado, isolé en pleine tempête au plus fort de l’hiver ; un écrivain presque raté, retranché à l’intérieur de la bâtisse avec femme et enfant ; un gamin doué d’un pouvoir surnaturel lui permettant de communiquer par télépathie avec des événements du passé. Tous ces éléments, présents dans le livre de Stephen King, promettaient de faire de son adaptation un long-métrage un peu clinquant et grand-guignol, à faire frissonner les esprits adolescents un soir d’orage. Pourtant, après avoir vu le film de Kubrick, l’auteur américain à succès a exprimé sa stupéfaction devant la distance avec son œuvre originale. Et en effet, entre l’hôtel Overlook du livre et celui matérialisé sur l’écran, c’est toute la vision esthétique d’un cinéaste qui se dresse. Le récit répugne presque au paranormal, réduisant le thème central du fameux don de shining à un motif mineur, prétexte à engendrer des apparitions visuelles édifiantes, telles qu’un océan de sang dévalant d’un ascenseur ou les silhouettes fantomatiques de deux fillettes faussement ingénues. Si l’univers d’Orange mécanique offrait une gigantesque fanfare colorée et démesurée récapitulant le psychédélisme, Shining joue sur l’illusion de confort et de chaleur des intérieurs marron-orangé de la fin des seventies américaines, contrastant avec la nostalgie d’une ère glorieuse et plus libre, que le cinéaste situe de façon presque mythique dans les Années folles. Le spectateur s’arrête souvent devant la beauté plastique des grands espaces que Kubrick survole ou, au contraire, explore en profondeur ; la mise en scène taille à coups de hache dans la couleur et la lumière, le détail du décor et les accessoires, faisant du cadre cinématographique un vaste terrain de jeu artificiel - pour le jeune “héros” comme pour nous - où chaque motif de tapis et chaque bibelot posé incidemment sur un bureau semble occuper une place démesurée.
Pourtant, l’œuvre est loin d’être maniériste, et si le début peut faussement laisser au spectateur un goût de “déjà-vu” prévisible - les pouvoirs surnaturels, la mystérieuse et sordide affaire de meurtre qui hante l’hôtel... -, le film nous plonge progressivement dans l’horreur pure, jusqu’à l’immersion totale. Avec un matériau de base solide et terrifiant, la performance de Jack Nicholson en dément hystérique (et non plus détaché et cynique comme dans Vol au-dessus d’un nid de coucou), Kubrick tisse avec un rythme méthodique une toile de tension extrême qui se resserre peu à peu autour de quiconque se laisse prendre au piège. L’utilisation de la musique de Györgi Ligeti - dont le cinéaste a mis plusieurs fois les œuvres à contribution, dans 2001 : l’odyssée de l’espace et Eyes Wide Shut - et de Krzysztof Penderecki, aux aigus stridents, agit comme un catalyseur lent mais efficace, propre à cristalliser les bouffées d’angoisse des scènes les plus intenses. On s’éveille de Shining presque surpris qu’un film “de genre” parvienne à ce point à irriter des paradoxes douloureux : le sentiment de claustrophobie devant les grands espaces, la terreur au sein du cercle familial, et la confusion dans l’illusion cinématographique.
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Charly 7 mars 2010
Shining - Stanley Kubrick - critique
Et si Kubrick n’était pas si fort ?
http://lesitedelaverite.fr
Avec Shining, tout semble nous inviter à penser que nous sommes dans le Grand Art. Les effets de caméra ne mentent pas et ils confinent à merveille le climat de surtension.
Nous pensons ici au suivi chaotique dans les couloirs de l’hôtel, agrémentant le jeu musical des roulettes du vélo, les plans de cette hache sauvage défonçant une porte, les avancées claudicantes vers une chambre maudite, la donne claustrophobique d’un bain de sang etc. Tout cela est purement magnifique c’est indiscutable !
Du point de vue psychologique, là encore, c’est du très lourd.
Nous sommes en 1980 et pour la première fois, l’effroi vient se carner en bloc sur un enfant. Et ce, avec une telle magistralité qu’elle en devient un pilier essentiel de l’angoisse suscitée chez le spectateur.
On pourrait objecter que l’entreprise à déjà vu le jour dans d’autres films tel l’Exorciste. Mais il ne s’agissait là que de simples possessions de corps. Ici, c’est une âme pure et innocente qui est ensevelie toute entière par la terreur. Une terreur muette d’où ne sort aucun cri. Seulement la lune d’un visage pale et d’un battement de coeur sous une respiration haletante qui nous regarde sans même pouvoir nous appeler au secours.
La folie surgit également à pied levé : Un père artiste qui s’éprend soudainement d’une folie meurtrière gratuite et implacable. Nous sommes en plein désir d’infanticide ! Et le réalisateur nous mène majestueusement, en sus des réalités fantomatiques, sur le terrain très ondulé de ces deux obscurités de l’âme humaine. L’Oedipe est ici quasi achevé : le Phallus venant hacher, séparer et détruire de manière obsessionnelle les liens qui l’unissent à la mère (exprimé dans les scènes de jalousie) qui va finir par déborder sur l’enfant lui même.
Aveuglé par ces puissances, le père en vient à nier les dons innés de son rejeton que pourtant il pressent.
Et oui ! On peut maintenant imaginer les difficultés que rencontra Stanley en ayant pour paternel un médecin qui tentait désespérément de forger ses ambitions ! A 17 ans celui-ci cessait ses études pour se lancer dans la photo... Le talent pour tout bagage !
Shining est tout cela, et par conséquent, Shining revêt les atours d’un sans faute.
Cependant....
Nous pouvont néanmoins regretter certains aspects fondamentaux de cette œuvre :
Tout d’abord, le manque d’ambivalence de cette folie paternelle. En effet, afin d’y céder totalement, d’être porté par elle, il aurait fallu sans nul doute que soit approfondie la nature de sa démence ! Même si l’arbitraire crée indéniablement un point fort, cela aurait pu étoffer un peu ce personnage que l’on trouve en définitive assez creux et monocorde dans son expression.
On peut également objecter le surjeu de Nicholson dès les premières scènes : en effet, sa folie latente est pour ainsi dire manifeste dès l’introduction et cela rend évidemment la suite des événements assez prévisible. La trame scénaristique nous surprend donc assez peu en définitive...
Repensons ensemble cette scène ou il prend l’enfant dans ses bras, où il répète hystériquement ce « never ». Combien aurait gagné en suspense ce qui allait se dérouler si l’on avait pu sentir dans cette parole, un instant, l’amour authentique du père. Sans aucun doute, ce manque de nuances dans le personnage ampute le suspense tant espéré.
Ensuite, de nombreuses longueurs émaillent le film. Les scènes du vélo sont redondantes et au final peu saisissantes. L’horreur attendu au coin du couloir se fait trop attendre. Là encore, échec de la surprise.
Que penser de cette « chasse poursuite » qui se réduit finalement à une funeste traque d’une heure quarante neuf où l’enjeu véritable est dessiné dès le premier quart d’heure ?
De même, l’apparition de ces spectres semi fantomatiques, sans histoire, sans émotions véritables, ou si peu, ne viennent pas rehausser la qualité du scénario.
Ainsi, la fiction et le manque de profondeur des personnages prend doucement le pas sur « l’effet terreur », uniquement suscité par le jeu d’une violence manifeste et facile.
Il faut aussi évoquer ces dialogues ; tellement épurés ou plutôt... en purée ! Même si chacun sait à quoi s’attendre lorsqu’il va voir un film de ce registre. Des répliques ciselées de temps à autre enduites d’un semblant de vérité ou d’authenticité n’aurait pas été pour nous déplaire...
Enfin, et surtout,ce qui à notre sens est plus grave, c’est bel et bien cet infanticide non assumé. On attend désespérément cet accomplissement... qui ne viendra pas. L’apothéose de l’horreur dont se prive ici Kubrick, (j’ose croire qu’il l’a réellement pensé et hésité... ) nous laisse bien évidemment sur notre « fin ». Mais à une époque ou l’enfant-roi se vendait déjà dans tous les kiosques surgelés, il n’est pas sur que le film eu pu traverser les filets de la censure aussi facilement qu’il l’a fait.
Allons-nous pour autant oser avancer que Kubrick nous a roulé, au final, dans une sorte de mièvre compromission ?
Celle de la puissance relative des biens établis ??
C’est à vous d’en juger !
Mais c’est ainsi que selon nous, cette icône cinématographique, malgré le talent incontestable de l’auteur, se trouve un peu mis à mal... Tel un centurion posté sur un piédestal bancal que la censure apprise aurait rendu trop fragile pour prétendre à l’éloge unanime des membres impartiaux du Site de la Vérité !
Aux frontières des limites de l’art sans pour autant les avoir dépassées, je me limiterai donc à un : 12/20
Voir en ligne : Shining
Frédéric Mignard 16 avril 2011
Shining - Stanley Kubrick - critique
1980, l’odyssée de l’épouvante ! A revoir Shining aujourd’hui, on est toujours impressionné par le talent visionnaire de Kubrick qui signe là un vrai film somme en matière d’épouvante. Le jeu outrancier de Jack Nicholson, lui, a pris un sacré coup de vieux.