Chant de mines
Le 6 novembre 2012
Regard singulier sur la situation des Bédouins en Israël, Sharqiya brosse en creux le portrait d’une société travaillée par l’isolement de ses minorités. Un premier film à la hauteur de ses ambitions.
- Réalisateur : Ami Livne
- Acteurs : Adnan Abu Wadi, Adnan Abu Muhareb, Maisa Abd Elhadi
- Genre : Drame
- Nationalité : Israélien, Français, Allemand
- Durée : 1h22mn
- Date de sortie : 7 novembre 2012
- Plus d'informations : Le site du distributeur
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Regard singulier sur la situation des Bédouins en Israël, Sharqiya brosse en creux le portrait d’une société travaillée par l’isolement de ses minorités. Un premier film à la hauteur de ses ambitions.
L’argument : Kamel, un jeune Bédouin, travaille comme agent de sécurité à la gare routière de Be’er Sheva. Il habite dans un petit village illégal, perdu au beau milieu du désert.
Son frère Khaled, chef du village, travaille dans la construction et est marié à Nadia, 21 ans. La relation entre les deux frères est compliquée, Khaled n’approuvant pas le métier de Kamel. Un jour, en rentrant chez lui, Kamel apprend que les autorités ont ordonné la démolition du village. Dès le lendemain, Khaled quitte son emploi et décide de rester au village, pour repousser les autorités qui tenteraient de les déloger. Kamel, quant à lui, continue d’aller à son travail...
Notre avis : Le cœur narratif de Sharqiya, ce sont ces plans d’un homme qui marche à travers le désert, sac sur le dos, vers ou au retour de son lieu de travail. De ce personnage nous est donné à voir une enveloppe quasi-mutique, introvertie, d’où filtrent pourtant, dans sa posture ou sa manière de progresser dans le sable et les cailloux, une évocation émotionnelle puissante. En s’appropriant un sujet précis et compliqué – la situation des Bédouins en tant que « citoyens de seconde zone » de l’Etat d’Israël –, Ami Livne est parvenu à éviter deux écueils. En premier lieu, le folklore. La force du point de vue dans le récit consiste à déjouer les facilités de la représentation d’une communauté dont le spectateur ignore majoritairement les particularités, mais dont il a une image – et quasiment un imaginaire ! – assez commune. Sharqiya illustre plutôt brillamment la manière dont une étape préliminaire de documentation – de documentarisation, pourrait-on dire – travaille la cohérence d’un univers, aussi bien dans le choix des décors et des situations que par le biais des personnages secondaires. A aucun moment, l’authenticité de cette micro-société décrite par le cinéaste ne semble pouvoir être accusée de céder au lieu commun. Le second écueil qu’évite le film est celui d’une surdramatisation des conflits qui ferait plonger le récit dans un pathos largement étranger au ton du film. Il est plutôt séduisant de constater comment, à partir de trouvailles scénaristiques appuyées, le cinéaste désamorce les prises de pouvoir de l’intrigue sur les personnages, pour recentrer constamment l’attention du spectateur sur le protagoniste. C’est paradoxalement sur la recherche de cette tonalité mineure que le désespoir sourd de Kamel – notamment dans une séquence « d’attentat manqué » étonnante – s’exprime avec le plus de force.
A l’instar du Policier de Nadav Lapid, le premier film d’Ami Livne empoigne la société israélienne de l’intérieur, sans jamais virer au pamphlet. L’idée majeure d’une « citoyenneté de seconde zone » qui coexisterait implicitement et dans l’acceptation de tous, avec des citoyens de plein droit au sein d’un même Etat, trouve son développement dans une suite de scènes marquantes (notamment une démolition aux moyens disproportionnés), toujours à la frontière de la description et d’une forme de satire jamais entièrement ironique. La sincérité du propos l’empêche de virer au manichéisme que son ambition politique risquerait d’insuffler au récit, distillant la critique sociale dans une inquiétude sourde qui plane sur l’ensemble du film. De la sorte, Sharqiya s’apparente davantage à un film-portrait, voire à un film-paysage, qu’à une fiction traditionnelle On aimerait suivre Kamel un peu plus avant, finir par pénétrer le mystère qui l’entoure, quitte à voir le récit « recommencer » après sa résolution. Le registre du film conserve jusqu’au bout cette progression feutrée, qui rend plus trouble l’issue réelle de l’intrigue et du personnage. Une histoire à prolonger.
Lire aussi notre entretien avec Ami Livne, le réalisateur, et Ednan Abu Wadi, le comédien principal : ICI
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